Je ne crois pas en avoir beaucoup parlé ici mais je suis passionnée par
L Histoire et surtout sur les personnalités historiques.
Marie-Antoinette est une reine que j'ai découverte à l'école primaire lors du cours sur la Révolution Française. On nous avait appris qu'elle était frivole et ruinait l'Etat avec ses dépenses faramineuses mais qu'inconsciente elle était une des raisons de la chute de la monarchie. Ce portrait n'est pas très nuancé et surtout est rempli de clichés qui ont la vie dure ! Certes,
Marie-Antoinette fut frivole et dépensière mais sa personnalité est plus complexe que cela et, surtout, elle a été jugée trop hâtivement, à la fois par ses contemporains et surtout par la postérité. Cette biographie de
Stefan Zweig, dont je n'ai lu aucune autre oeuvre, parue il y a tout juste 80 ans, tente de démêler la vérité du faux et offre une biographie intéressante qui se lit comme un roman.
Marie-Antoinette est née le 2 novembre 1755 à Vienne. Elle eut une éducation plutôt négligée, sa mère étant à la tête d'un vaste empire et ayant eu seize enfants, elle n'a pas le temps de vraiment éduquer sa fille cadette et l'expédie à la cour de Versailles sans l'avoir vraiment avertie de ce qui l'attendait.
Marie-Antoinette est accueillie comme une enfant chérie et devient le centre d'une cour privée de reine depuis plusieurs années. Cependant, elle se heurte vite à la favorite du roi vieillissant Louis XV, Mme du Barry. Durant ses quatre années de dauphine, de 1770 à 1774,
Marie-Antoinette fait l'apprentissage de la vie à la cour de Versailles et se lance désespérement dans toutes sortes d'amusements, bals, jeux d'argent, promenades à dos d'ânes...
Stefan Zweig s'attarde relativement peu sur la première partie de la vie de
Marie-Antoinette et pourtant en quelques chapitres, il explore la psychologie de la jeune princesse avec brio. Il tente d'expliquer les agissements de
Marie-Antoinette qu'il décrit sans indulgence même si le portrait qu'il en fait dénote une certaine sympathie.
Celui qui en prend pour son grade est ce pauvre
Louis XVI, le "pauvre homme" comme se moquait gentiment de lui
Marie-Antoinette. Cet homme qui fut pourtant passionné de géographie et qui avait à coeur les intérêts de ses sujets, est décrit comme faible et impuissant, manipulé par ses ministres et incapable de prendre seul la moindre décision.
Louis XVI était un roi intellectuel et amateur de chasse, qui gouvernait comme dans les livres et qui n'était que peu respecté de sa famille et de sa cour.
Zweig écrit que son impuissance dans ses rapports conjugaux avec sa femme, était la cause de la recherche maladive de plaisirs par cette dernière. Il explique, en partie, le caractère frivole et surexité de
Marie-Antoinette comme une frustration liée à ses manques à ses devoirs de mère et d'épouse. On sait, en effet, que le mariage ne fut consommé qu'après sept longues années.
Cette opinion sur
Louis XVI est, aujourd'hui, généralement nuancée. Il est davantage reconnu par les historiens et de nombreuses études ont vu le jour, donnant une image plus positive de ce monarque.
La seconde grande partie de ce livre est celle sur la Révolution et il s'agit de celle qui m'a le plus plu. Zweig y trace un portrait tout en grandeur de
Marie-Antoinette qui s'est transformée pendant ces sombres années, a mûri et s'est intéressée à la politique.
Marie-Antoinette devient plus grave, abandonne ses plaisirs et effectue un retour sur elle-même déroutant.
"Le calme est un élément créateur. Il rassemble, il purifie, il ordonne les forces intérieures [...]
Repliée brutalement sur elle-même,
Marie-Antoinette commence à se découvrir. A présent seulement il apparaît que rien n'a été aussi fatal à cette nature étourdie, insouciante, frivole, que la légèreté avec laquelle le destin l'a comblée ; ce sont ces présents immérités qui furent cause précisément de son dénuement intérieur [...]
Ce n'est que placée devant l'obligation formidable de défendre sa couronne, ses enfants, sa propre vie contre le soulèvement le plus grandiose de l'Histoire, qu'elle cherche en elle-même des moyens de résistance et trouve soudain des réserves d'intelligence et d'énergie." (p.291)
La plume éloquente de
Stefan Zweig fait de ce portrait un récit passionnant et ses qualités d'analyse psychologique permettent l'écriture d'une biographie passionnante. Entrecoupée d'extraits de lettres, de pamphlets ou autres documents d'époque, ce récit s'appuie directement sur des sources et le talent de conteur de Zweig fait le reste...
Pour autant, après avoir lu et vu de nombreux documents sur
Marie-Antoinette, j'ai parfois trouvé que le romancier restait à la surface et ne creusait pas beaucoup plus. Cependant, si on se replace dans le contexte, presqu'un siècle auparavant, je trouve que Zweig a accompli un formidable travail de recherche même si certaines thèses ont aujourd'hui évolué. Je pense qu'il faut davantage lire cette biographie pour le style magnifique de Zweig plutôt que pour son analyse historique.
En bref, un beau récit mêlant analyse psychologique et une plume sublime, de la vie de cette reine qui gagne à être connue, mais des opinions parfois un peu superficielles.