Je suis très vigilante sur la question du sexisme. J'essaye de garder un esprit ouvert, et de faire en sorte que ma fille n'ait pas l'impression d'être conditionnée par son genre. Je ne veux pas qu'elle ait des choix restreints sous prétexte que "c'est pour les garçons". le rose princesse à paillettes incompatible avec le bleu figurines d'action brutasses, ce n'est pas pour moi.
Voilà pourquoi je me suis ruée sur "Gaufrette et Nougat jouent au papa et à la maman", des éditions "2 Vives Voix" lors du dernier Masse Critique organisé par Babelio. Inutile de dire que j'ai été absolument ravie en apprenant ma sélection!
Tout d'abord, il s'agit d'un très beau livre. le format est agréable à manipuler, les pages sont suffisamment épaisses pour résister à des petites mains impatientes. Je trouve les illustrations vraiment réussies, pleines de caractère: tout est très coloré sans être criard, et les objets sont reconnaissables même par un enfant de un an.
Gaufrette et Nougat vont donc enchaîner les activités typiques de tous les enfants: fabriquer une cabane, faire semblant de cuisiner, jouer à la poupée... La différence réside simplement dans le renversement des rôles. Gaufrette, la petite souris, refuse d'être assignée à résidence, et choisit de partir travailler. Nougat le chat s'occupe donc de la cuisine et du bébé.
Il y a cependant un passage qui m'a interpelée. Je comprends le challenge que représente le résumé d'une situation si complexe en très peu de pages, tout en retenant l'attention de très jeunes lecteurs. Les tâches de chacun sont très caricaturales, mais ça ne me dérange pas: c'est une simplification nécessaire.
Voilà la situation en question : Nougat prépare la cuisine avec enthousiasme, puis appelle Gaufrette... qui ne vient pas. Gaufrette préfère rester au travail. Nougat s'ennuie.
Pourquoi Nougat ne peut-il pas s'épanouir au foyer? Pourquoi Gaufrette, si elle travaille, est-elle à ce point absorbée qu'elle n'a pas hâte de rentrer? Je crois que dans le monde de bisounours à l'intérieur de ma tête, j'aurais aimé qu'on montre qu'un foyer peut être tout à fait agréable et rassurant même si c'est papa qui reste à la maison. Là, ce pauvre Nougat tourne en rond, et va finir par nous faire une sacrée dépression. Je crains beaucoup le raccourci: "Celui qui travaille n'a pas envie de rentrer" et "Celui qui reste à la maison s'ennuie à mourir". J'aurais de loin préféré qu'ils s'amusent beaucoup tous les deux, et se retrouvent avec plaisir devant une bonne soupe de gadoue. Mais en y réfléchissant un peu, Gaufrette et Nougat seraient des enfants bien bizarres s'ils ne trouvaient pas une occasion de se chamailler un peu!
C'est le seul petit bémol à apporter à ce très beau livre! Oui, un garçon est capable de cuisiner, ou de s'occuper d'un bébé sans créer une série de catastrophes. Oui, une fille est capable d'avoir une vie professionnelle enrichissante. Je ne me suis pas encore penchée sérieusement sur le sujet, mais les livres qui remettent en question le modèle éculé de "papa travaille, maman est à la maison" ne sont pas légion. Quand on en trouve un où papa se met derrière les fourneaux, on a presque envie de convoquer la presse tant cela fait figure d'exception!
J'ai vraiment apprécié le fait que Nougat ne discute jamais sa place dans ce couple à grands renforts de "c'est pour les filles". Il l'assume tout naturellement. C'est leur organisation du jour, et elle coule de source. Ce n'est ni bien ni mal, c'est simplement ce qu'ils ont envie de faire.
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