La suite du roman culte «
La Griffe du Chien » est enfin là. Dix ans d'attente pour « le Guerre et Paix des romans sur la drogue » selon le maître
James Ellroy. «
Cartel » est signé
Don Winslow. Avec ces deux romans c'est quarante années de lutte contre la drogue que nous pouvons contempler, avec à la clé un échec retentissant. Car c'est ce qui fait sens à la lecture de «
Cartel », le côté illusoire de cette lutte qui n'a jamais su empêcher la montée en puissance des narco-empires au Mexique. Car oui il est question du Mexique, de Juarez et de sa frontière avec les Etats-Unis, le plus gros consommateur de drogue au monde. C'est cela le drame du Mexique, être voisin du pays qui finance la lutte contre la drogue et qui dans un même temps consomme le plus ces mêmes drogues. le Mexique a été, derrière la Syrie, le pays qui a connu en 2016 le plus grand nombre d'assassinats, essentiellement à cause des
cartels de la drogue. «Les homicides intentionnels en 2016 au Mexique ont fait 23 000 victimes», a annoncé Antonio Sampaio, expert de l'IISS, un chiffre à mettre en perspective avec les 60 000 assassinats comptabilisés en Syrie, pays où la guerre civile fait rage depuis six ans. le Mexique a connu une augmentation de 11% des homicides entre 2015 et 2016. Selon l'IISS, ces violences sont nées de la décision en décembre 2006 du président mexicain Felipe Calderon de déclarer la guerre au trafic de drogue: «le conflit résultant a apporté la misère au Mexique: 105 000 personnes ont perdu la vie par homicide intentionnel entre cette date (décembre 2006) et novembre 2012», a affirmé M. Sampaio. «Il est très rare que la violence criminelle atteigne les niveaux d'un conflit armé. C'est pourtant ce qui se passe dans le triangle nord de l'Amérique centrale (Honduras, Guatemala, Salvador, avec 16 000 homicides), et particulièrement au Mexique», a-t-il ajouté. «
Cartel » nous fais revivre cette réalité qui touche tout le monde là-bas. Les gangs, les Zetas, le
cartel du Sinaola etc.. sont autant de menaces pour un Etat mexicain gangréné par la
corruption, les assassinats notamment de journalistes qui tentent courageusement d'enquêter sur tous ces crimes. L'année 2016 avait été marquée par un nombre record de 11 journalistes exécutés, alors que le Mexique figure au troisième rang des pays les plus dangereux pour les journalistes après la Syrie et l'Afghanistan, selon Reporters sans frontières (RSF). L'armée, la police, les politiques, tous jouent un double jeu. Les principales victimes sont, comme trop souvent, les indigents, les plus fragiles (les femmes, les enfants).. Ce récit de l'horreur nous permets de mesurer le décalage entre ce qui nous est présenté comme une nécessité (la lutte contre les trafics de drogue) et la réalité de ce conflit bien plus complexe et trouble qu'on ne peux l'imaginer. Il faut avoir le coeur solidement accroché pour descendre dans cet enfer. C'est ultra violent et les monstruosités décrites font froid dans le dos. Et pourtant, tout ce que
Don Winslow nous raconte est vrai. Il a seulement changé les noms. Ainsi « Adan Barrera » dans le livre n'est autre que Joaquin « El Chapo » Guzman, l'homme qui s'était échappé par deux fois d'une prison de haute sécurité mexicaine et qui est aujourd'hui extradé aux Etats Unis pour répondre de ses actes. Mais cette arrestation ne change rien ou presque car déjà au Mexique d'autres souhaitent prendre sa place. Une guerre interne est actuellement en cours au sein du
cartel de Sinaloa après l'extradition de son puissant chef. Mais il existe aussi des gens de la trempe de Art Keller, le policier « incorruptible » qui doit pourtant se compromettre lui aussi pour éviter le pire. le journaliste mexicain Javier Valdez, spécialiste reconnu du narcotrafic et pigiste pour l'AFP dans l'État de Sinaloa, a été assassiné dans la ville de Culiacán (nord-ouest). « Cela s'est passé devant les bureaux de Riodoce. (…) Il a été attaqué à l'arme à feu », a indiqué une source judiciaire. Javier Valdez, 50 ans, travaillait depuis de plus de dix ans pour l'
Agence France-Presse dans l'État de Sinaloa, fief du
cartel de Joaquin « El Chapo » Guzman. La force de ce livre c'est que la réalité qu'il décrit n'a jamais été aussi prégnante qu'aujourd'hui. Les centaines de milliards de dollars générés par ces trafics de stupéfiants sont blanchis par les pontes des
cartels avec l'aide de banquiers, d'avocats, de politiques, etc.. On ressort de cette lecture avec l'impression que l'on se moque de nous. Si l'effort de lutte contre les drogues est à mon sens nécessaire, la manière dont cette guerre est conduite nous questionne. Immensément complexe, ce problème soulève de nombreuses interrogations. le style d'écriture de
Don Winslow n'est pas son principal atout mais une fois entré dans ce récit, difficile de lâcher les quelques 700 pages de ce pavé monumental. Si vous avez aimé le roman «
La Griffe du chien » ou « Sicario » le film de
Denis Villeneuve, ce livre est pour vous. Bouleversant.
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