Nous sommes partis si loin, avec notre âme, et nous y restons. Pour eux, la vraie question est de savoir si l'on peut reprendre la vie à l'endroit où on l'avait laissée. Ils ignorent que, pour nous, c'est un recommencement et que nous ne retrouverons jamais l'autre, l'ancienne (chapitre VIII - page 182-183).
Oberüber lui ferma les yeux. Ils restèrent assis, silencieux, auprès du mort. Ils contemplaient le visage de celui qui, soudain, s'était écarté, enfin si loin d'eux. Du vivant, il avait encore la forme et presque le souffle, mais la maison était vide, sa porte ouverte, et son occupant marchait déjà sur les routes lointaines du monde. Il était parti sans bruit, sans adieu, et on aurait voulu tendre la main vers lui comme on cherche à retenir l'oiseau qui vous échappe (chapitre VI - page 131).
Bonekamp ne jouera plus jamais du violon. On lui a pris son bras, on a mutilé son corps. C'est un sort cruel que le sien, bien qu'il puisse toujours cueillir une fleur ou caresser un enfant. Mais, en même temps, on l'a amputé de son violon. Son âme ne parlera plus. Tout au plus balbutiera-t-il les mots de tout le monde, ceux qu'on trouve partout dans la rue.
Il n'avait jamais ouvert son cœur à cet homme venu d'un monde orgueilleux, qui lui avait rendu la main, à lui, pauvre et misérable, mais il le lui avait donné, comme on suspend une humble couronne aux branches de l'arbre sacré (chapitre X - pages 220-221).
C'est pour l'amour de Dieu que le saint a pitié et non pas pour celui du lépreux... (chapitre XI - page 248).
"Est-ce la paix ?" dit-il à voix basse.
Elle secoua la tête.
"Alors, pourquoi vivre ?"
(chapitre VII - pages 145-146).
Son autorité réside dans son autorité même. Il est celui qu'aucune école, qu'aucun métier, qu'aucune tradition n'ont formé. Son universalité, il la doit à la vie et aussi à son assurance souriante. Il a été déménageur et vagabond, arrimeur et balayeur, lutteur de foire et colporteur. Toute sa vie, il a "risqué", et de tous, il est le seul à faire la guerre en "combattant" avec la gaieté de la route qui, à tour de rôle, connaît le soleil et la pluie (chapitre V - page 115).
Ils sentent qu'ils ont peur, une peur grise, sans contours précis, une peur jamais éprouvée encore, qui les dissocie, les sépare en deux êtres, celui qui s'abandonne et celui qui résiste. Et ils savent aussi que c'est à cette fission qu'ils seront jugés, jaugés. C'est ici que le vide des mots de devoir et de discipline s'emplit comme une coupe, celle qu'ils tiennent d'une main tremblante et qu'ils ne doivent pas renverser (chapitre IV - page 97).