La réincarnation apparaît souvent comme une croyance exotique, archaïque ou absurde au sein de nos sociétés occidentales. Pourtant, le récit du Dr.
Brian Weiss,
de nombreuses vies, de nombreux maîtres, soulève indéniablement de multiples questions. Ce psychiatre et psychothérapeute reconnu a en effet découvert sans le vouloir la thérapie par régression dans les vies antérieures au cours d'une séance d'hypnose avec sa patiente, Catherine. Alors qu'il lui demandait de « retourner à l'époque où ses troubles avaient débuté », cette dernière s'est revue vivre en 1863 avant J.-C., en tant qu'Aronda (c'est son nom), dans un « pays désert de sable brûlant ».
Au fur et à mesure des séances, le Dr.
Brian Weiss abandonne son scepticisme et finit par se convaincre qu'il s'agit bel et bien de régression dans les vies antérieures. Tour à tour Louisa, en Espagne, au XVIIIème siècle, disciple d'un maître de philosophie en Grèce antique en 1568 av. J.-C ou encore pilote d'avions en Alsace (probablement au cours de la 1ère ou 2nde guerre mondiale), Catherine revit alors des dizaines d'existences dans le cabinet du psychothérapeute. le récit de
de nombreuses vies, de nombreux maîtres, n'est rien d'autre que la retranscription de morceaux choisis des enregistrements du Dr.
Brian Weiss lors des séances d'hypnose.
Plus déroutant encore que la régression dans les vies antérieures, Catherine est en mesure de revivre chacune de ses morts sous hypnose et de sentir le détachement de son âme avec son corps. Dans ce moment transitoire, des entités astrales, les « maîtres spirituels », viennent délivrer des discours et des leçons sur la vie et ce qui s'ensuit à
Brian Weiss. Ce n'est alors plus Catherine qui s'exprime, mais une entité invisible, qui parle via le corps de Catherine comme le ferait un marionnettiste avec sa marionnette. On y apprend alors, entre autres, que « vivre sur le plan physique est anormal. C'est le plan spirituel qui nous est naturel. Revenir sur terre, c'est retrouver l'inconnu. Il faut longtemps pour s'y accoutumer. Dans le monde spirituel on attend d'être régénéré. La régénération est une dimension comme les autres, et vous l'avez presque atteinte… » ou encore « La sagesse s'acquiert très lentement, ceci parce que la connaissance intellectuelle, facile à acquérir, doit se transformer en une connaissance « émotionnelle » ou subconsciente. Une fois cette transformation réussie, son empreinte demeure. Il faut que les comportements catalysent ensuite cette réaction, sinon le concept s'affaiblirait et finirait par disparaître. La pratique est indispensable à la théorie. » A chaque intervention des maîtres, c'est avec une intonation, une voix et une manière de s'exprimer différentes que les réflexions sortent de la bouche de Catherine.
Néanmoins, malgré ces narrations surnaturelles, certains détails sont quelque peu gênants pour un scientifique qui affirme dire la vérité. Tout d'abord, il est regrettable que le récit soit autoréférentiel. Jamais,
Brian Weiss ne fait référence aux recherches de ses pairs sur la réincarnation. Coupler certaines de ses réflexions avec d'autres chercheurs s'intéressant à ce sujet aurait sans aucun doute donner un peu plus de crédit au récit. Ensuite, les discours des « maîtres spirituels » sont parfois… critiquables. Par exemple, l'un assure que « nous passions par plusieurs stades au cours de notre vie. Nous avons d'abord un corps de nourrisson qui se transforme en celui d'un enfant, puis d'un adulte et enfin d'un vieillard. […] Sur le plan spirituel aussi, nous continuerons d'évoluer. » Pourtant, est-ce vraiment « naturel » de mourir vieux ?
Montaigne soulignait à son époque, dans ses
Essais, combien il était rare et non naturel de mourir de vieillesse. Ou encore « Les hommes ne connaissent rien à l'équilibre naturel et ne font aucun effort pour le maintenir. Seules les guident la cupidité, l'ambition et la peur. Ils finiront par se détruire eux-mêmes, mais la nature leur survivra, du moins le monde végétal. » N'est-ce pas un jugement hâtif de considérer que les hommes ne connaissent rien à l'équilibre naturel et ne font aucun effort pour le maintenir ? N'est-ce pas une généralisation quelque peu abusive pour un esprit soi-disant « maître » ? Jamais le psychothérapeute ne questionne ces jolies formules. Il les considère simplement très lucides…
Par ailleurs, on se sent parfois frustré à la lecture car certaines questions évidentes ne sont jamais posées à Catherine lorsqu'elle revit l'une de ses vies antérieures. Par exemple, pourquoi ne lui demande-t-il jamais de parler une langue étrangère, les langues qu'elle était censée avoir incorporées dans ses existences passées ? Pourquoi ne fait-il pas des recherches historiques pour vérifier la validité du discours de sa patiente ? Ses réflexions semblent très souvent émotionnelles plus que raisonnables. Pour donner un dernier exemple, lorsque les troubles de Catherine ont complètement disparu et qu'elle se porte bien mieux qu'auparavant, le scientifique déduit que si elle attire à présent les gens – comme il a pu s'en rendre compte en déjeunant avec elle à la cafétéria où « hommes et femmes s'empressaient de se joindre à [eux] – c'est parce qu'elle « rayonn[e] d'une énergie sereine qui attirait les gens. » Pourquoi privilégie-t-il instinctivement une explication par l'invisible (il parle d'énergie) et non une explication plus matérialiste où on pourrait penser que si Catherine attire les gens, c'est parce qu'elle est plus joyeuse, sourie davantage et se veut plus avenante que lorsqu'elle était sous le poids de ses angoisses et phobies ?
Ce récit, quoique fascinant, n'est donc pas complètement convainquant pour les esprits les plus sceptiques. Pour sortir véritablement de sa zone de confort à ce sujet, je vous recommande de compléter la lecture avec différentes études scientifiques comme celles de
Ian Stevenson, Paul von Ward ou encore
Raymond Moody. Car le récit de
Brian Weiss n'est pas vraiment une étude, mais plutôt un témoignage. Ce n'est qu'au prix d'une suspension d'incrédulité et d'une confiance totale en l'auteur que le récit peut convaincre. Au contraire, les études scientifiques susmentionnées apportent de l'eau au moulin et permettent d'appréhender l'oeuvre du psychothérapeute avec un regard complètement différent pour les plus lecteurs les plus matérialistes. Au bout de chemin, plus que des réponses, ce sont surtout des questions et des doutes existentiels qui vous attendent.
(Pour compléter : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/etat-des-lieux-de-la-recherche-106995 )