Après avoir lu «
La bibliothécaire d'Auschwitz », j'avais noté quelques titres auxquels
Antonio G. Iturbe faisait référence à la fin de son roman. «
Je me suis évadé d'Auschwitz » en faisait partie. Trois ans se sont écoulés depuis mais je ne l'avais pas oublié (j'ai juste une pal qui n'en finit plus de grandir).
Avec l'aide d'
Alan Bestic pour mettre en mots son témoignage,
Rudolf Vrba revient sur son vécu pendant la Seconde Guerre mondiale, et tout particulièrement de son séjour à Auschwitz-Birkenau. Rudolf est un jeune slovaque juif, il a 17 ans quand il se décide à prendre la poudre d'escampette avant de faire partie des convois qui emmènent les siens vers un camp de repeuplement juif, quelque part en Pologne. À ce moment-là, les termes de camps de la mort, d'extermination de masse, de chambres à gaz, de « solution finale » n'étaient encore connus de personne. Les Juifs pensaient vraiment qu'on les emmenait vivre dans un lieu, certes à part, mais sécurisé. Malheureusement pour Rudolf, sa tentative de fuite a échoué. D'abord prisonnier au camp de Novaky, puis à Maïdanek et ensuite à Auschwitz-Birkenau, Rudolf n'a jamais abandonné l'idée de s'évader. C'est à sa propre pomme qu'il pensait au départ, c'est aux milliers et milliers de Juifs qu'il pensait à la fin, à ceux qui n'étaient pas encore monté dans les trains à bestiaux et qu'il fallait absolument prévenir pour leur éviter les crématoires. Il a 19 ans quand sa tentative d'évasion réussit et qu'il peut enfin témoigner.
J'imagine comme il a dû être difficile de revenir sur ses deux années de détention. Car mise à part son obsession d'évasion, Rudolf revient sur tout ce qu'il a vécu et vu là-bas, toujours avec force détails et précisions. Il a fait là un véritable travail de mémoire, et d'autant plus quand on sait qu'il s'est écoulé presque vingt ans (1963) lorsqu'il s'est associé à
Alan Bestic pour « rappeler au monde, qui a tendance à oublier trop rapidement, qu'il a existé et qu'il existe des hommes prêts à aider à l'assassinat de millions d'autres ». Il était un jeune homme très débrouillard et a rencontré les bonnes personnes au bon moment, et c'est sans doute ce qui l'a sauvé. Il n'en a pas moins vécu les mêmes atrocités et les mêmes horreurs que ses co-détenus. Durant tout son séjour, il s'est efforcé d'enregistrer le maximum d'informations sur ce dont il était témoin pour en répéter le plus possible lorsqu'il retrouverait la liberté, si son évasion éventuelle réussissait. de ce fait, il nous raconte tout dans les moindres détails, sans nous épargner : les conditions de vie impensables, les épidémies et les maladies, les mauvais traitements et les brimades, la faim, le froid, l'abattement, le travail harassant, les prisonniers qui meurent d'épuisement ou sous les coups, les trains bondés, les « sélections », les fours crématoires qui tournent à plein régime, les hautes cheminées d'où s'échappe une fumée nauséabonde...
Il va même raconter avec précision son "voyage" dans le train à bestiaux. Il y consacre de nombreuses pages. Si je savais comment ces voyages se déroulaient, jamais encore je n'en avais lu avec autant de détails. Et ainsi, dès le départ, la lecture se veut éprouvante, et elle le sera jusqu'au bout.
Pourtant, si elle est éprouvante, elle est également prenante, poignante, complète, très bien écrite et décrite, essentielle. Impossible de dire qu'on a aimé une telle lecture, impossible de dire qu'on ne l'a pas aimée. Elle laissera en revanche une trace indélébile.
Bien qu'on peut imaginer toutes ces horreurs, il reste difficile de se mettre à la place de toutes ces victimes, tellement ces horreurs sont impensables. Elles ont pourtant eu lieu et il est important de ne pas les minimiser. Les témoignages sont nécessaires, les lire et les transmettre encore et encore le sont tout autant. N'oublions pas, jamais. Ne recommençons pas, jamais.