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sur 1581 notes
Micromégas est un de ces gentils petits contes philosophiques, brefs et plaisants, relevés d'une fine pointe de piment d'Espelette, cette fameuse tendance à tirer à boulets rouges sur " le monde " parisien et ses travers, comme Voltaire savait si bien nous les concocter, cuits à point, posés sur une élégante assiette, à déguster en guise d'hors-d'oeuvre, avant des plats plus consistants.

On y trouve, comme à chaque fois, une allusion sous chaque mot, comme autant de messages codés, destinés à dire sans dire, n'est-ce pas, pour éviter censure et sanctions. Sans que ce jeu de dupe trompât probablement qui que ce fût, car les contemporains devaient très exactement savoir à qui s'adressait tel ou tel trait, lancé dans les cieux, sous des airs anodins, mais qui, bien entendu, ne l'étaient absolument pas.

De nos jours, il est vrai, toutes ces allusions ne sont plus forcément décryptables, car les destinataires ont disparu, en laissant bien souvent moins de traces que les attaques dont ils firent les frais.

Voltaire, en lorgnant très fort du côté de Jonathan Swift et de son Gulliver, notamment ses deux premiers voyages, à Lilliput et à Brobdingnag, nous invite à prendre du recul sur notre condition et tout ce qu'elle a de relatif. En effet, notre intelligence, notre taille, notre adaptation, etc., tout peut apparaître comme éminemment relatif.

C'est, tout bien considéré, une vision extrêmement naturaliste de la vie, où l'auteur nous invite à respecter tous les êtres vivants (humains ou autres), aussi divers ou insignifiants puissent-ils nous apparaître, depuis notre point de vue personnel, car tous ils ont leur harmonie, leur cohérence ou leur raison d'exister propres.

En somme, pour Voltaire, on est toujours le géant ou le microbe de quelqu'un d'autre. Micromégas, incommensurable géant, représentant de l'immense géante Sirius, voyageur et explorateur intersidéral, s'arrête en route sur la très grosse Jupiter, où il sympathise avec un très grand Jupitérien, mais qui, comparé au Sirien, semble rien moins qu'un nain.

Les deux braves géants, le bien grand et l'immense, s'arrêtent en chemin sur le minuscule globule que constitue pour eux notre planète Terre. Ils y apportent un regard extérieur et neuf, exempt de toute notion d'intérêt et de bas calculs. Micromégas y combat les préjugés du Jupitérien et manifeste une grande tolérance, doublée d'une volonté de compréhension de chaque système de la nature.

Des considérations sur les différences, les motivations des êtres, grands ou dérisoires, se font jour. Outre Swift, déjà mentionné, Voltaire nous y expose clairement sa filiation de pensée avec le philosophe anglais Locke, que l'on peut probablement considérer comme le véritable initiateur des Lumières.

Finalement, dans cette sorte de réponse de Normand que nous fait Voltaire, je lis une franche invitation à la tolérance, au respect de la différence, sans égard à la condition sociale ou à l'aspect extérieur, voire également, à un respect général de toutes les formes de vie de la nature, qu'il nous faut, selon l'auteur, nous efforcer de comprendre et non de juger ou de comparer avec nous même ou avec quiconque.

Le terrain se prépare doucement, calmement, pour la grande révolution darwinienne d'un siècle plus tard, peut-être plus encore que pour la Révolution française, au travers de ce petit conte, dont le caractère ne me semble toutefois pas hautement séditieux. Mais enfin, gardez à l'esprit que, comme toujours mes gars, ce micro avis, sur Jupiter, sur Sirius ou ici bas, ne signifie certainement pas grand chose.
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https://ebooks-bnr.com/voltaire-micromegas/

Une Science-Fiction de l'époque des Lumières, un conte philosophique divertissant où l'humour voltairien grince en dénonçant préjugés et guerres, obscurantisme et fanatisme, au profit des idées des Lumières (raison, tolérance, foi dans le progrès, esprit d'observation et d'expérimentation). « Léger, fantaisiste, plein d'ironie, Micromégas est un méli-mélo où l'on trouve du fantastique dans la tradition de Rabelais, de Cyrano de Bergerac et de Swift, mais aussi l'écho des dernières avancées scientifiques, des règlements de compte, une méthode d'investigation, une critique des systèmes philosophiques traditionnels »
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Bien que parler de ce cher Voltaire semble plus que jamais nécessaire — nos actuels intellectuels préférant brouter l'herbe avec J.J. Rousseau plutôt que d'en ricaner du côté de Ferney — ce billet préfèrera s'intéresser à Jorge Luis Borges et à son éditeur italien Franco Maria Ricci ; on saura ainsi être davantage utile, et par là même parler de ce qui intéresse certain d'entre nous plus que tout le reste : des livres, de ceux qui les font…

En 1975, lors d'une visite en Argentine de son éditeur transalpin, Borges accepte sa demande d'imaginer une collection de littérature fantastique inspirée de la nouvelle « La Bibliothèque de Babel » ; suivrons sur dix années trente courts volumes de fine imprimerie ( plus trois posthumes, tous de Borges lui-même ), dont seulement douze ont franchi notre frontière, fidèles reproductions traduites sous le label « Retz - Franco Maria Ricci », plus tard ré-imprimés par les éditions du Panama (« FMR - Panama ») avant que la faillite ne les empêche d'achever cette collection patrimoniale unique en son genre.

Parmi eux, Borges réunira sour le titre de la nouvelle « Micromégas » ses fabliaux préférés du génie des Lumières, y ajoutant « Memnon ou la Sagesse humaine » , « Les deux consolés » , « Histoire des voyages de Scarmentado » , « Le Blanc et le Noir » ; enfin, le conte « La Princesse de Babylone » vient étoffer l'ensemble, doublant allègrement son nombre de pages.

C'est absolument médusé que je suis tombé sur ce volume, qui n'a pas connu plus des 4000 exemplaires du premier et unique tirage, parmi les rayons de ce célèbre triple bouquiniste bruxellois — justifiant davantage le déplacement que ses exclusifs et onéreux homologues des Quais de Senne — pour le prix d'un café…
Le pire (!?) c'est qu'ils savent très bien ce qu'ils font… On ne les remerciera jamais assez.. surtout ici…

On s'arrêtera pour finir sur un extrait de l'introduction de Borges, définitive :
« Leibniz, qui subordonna toujours sa philosophie aux exigences de l'heure, soutenait que le monde est le meilleur de tous les mondes ; pour se moquer de cette doctrine invraisemblable, Voltaire imagina le mot « optimisme » (…). Il ne lui fut guère difficile d'accumuler des exemples de catastrophes et de malheurs, mais il le fit avec une telle prodigalité et dans un style si ingénieux que l'effet produit n'est pas une tristesse désolante, mais tout le contraire. Comment l'univers peut-il être mauvais s'il a produit un homme comme Voltaire ? »  
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Au siècle des lumières, Voltaire n'hésite pas à donner dans le fantastique avec son géant Micromégas qui, dans un voyage interplanétaire, arrive sur terre en pleine mer Baltique, minuscule pour lui, et y cueille en quelque sorte un bateau, rien moins que celui de l'astronome Maupertuis, sur le retour d'une expédition qui l'avait amené à démontrer la platitude des pôles.

A partir de là et de cette rencontre fortuite, Voltaire embraye sur de savoureuses réflexions philosophiques, relativisant les vanités humaines, leurs certitudes, à partir desquelles Voltaire dénonce avec beaucoup d'humour bien des convictions des « sachants » de son époque.

C'est le style inimitable De Voltaire qui donne toute sa richesse à ce conte philosophique qui ne manque pas d'originalité. La confrontation de l'immense et du minuscule prend toute sa dimension si l'on peut dire dans cette dénonciation voltairienne des maux de des contemporains, enfermés dans des certitudes et des comportements de censeurs dès que des contradicteurs les menacent.

Micromégas, c'est souvent une lecture scolaire qu'il ne faut pas manquer de reprendre plus tard car elle reste d'une acuité parfaite au XXIe siècle, celui de l'extinction des lumières.
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Roman philosophique de SF ou fantasy ( SF ou fantasy ?aidez-moi, je n'y connais rien ! ).
Micromégas, un géant de 30 km de haut, vient de l'étoile Sirius.
En surfant sur les comètes, il arrive sur Saturne où il se fait un pote qui est un nain par rapport à lui. Tous deux marchent sur l'anneau de Saturne puis bondissent par hasard sur la Terre, arrivent avec force d'éclaboussures dans une grande flaque d'eau : la mer Baltique.
C'est alors qu'ils découvrent un minuscule engin, c'est un bateau, et avec une loupe, observent des vermisseaux, des atomes qui s'agitent. Micromégas cueille délicatement le bateau, et, grâce à un cornet, entend que les atomes se parlent : il s'agit en fait du retour de l'expédition 1737 en Laponie de l'astronome Maupertuis, qui vient de prouver que les pôles sont aplatis. Une discussion scientifique et philosophique s'engage entre Micromégas et les savants. Celui-ci ne comprend pas qu'on puisse se battre pour un tas de boue : en effet, à son échelle, la Crimée par exemple, pour laquelle des vies humaines sont sacrifiées, n'est qu'un tas de boue !
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Voltaire fera des vers en éloge à Maupertuis.
J'aime ce conte, car il démontre bien la relativité des choses. Et, comme d'habitude, Voltaire le pacifiste, condamne les guerres, et surtout leurs décideurs.
Cela me fait penser au roman de Céline "Voyage au bout de la nuit" , où, dans la première partie, l'auteur montre "la chair à canons" sacrifiée dans le nord de la France, tandis que les planqués, les chefs, les soi-disant "élites" font la fête à Paris.
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Un court conte philosophique qui raconte le voyage fabuleux de deux personnages extraordinaires (des extraterrestres). Ce voyage est pour Voltaire une occasion de ridiculiser l'orgueil fat des Hommes qui se croient les maîtres de l'Univers et pour démontrer cette notion de relativité des choses. Un conte fort aimable où la fameuse ironie voltairienne est au rendez-vous.
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Un petit bijou très synthétique et néanmoins très riche.

Dans ce miniconte, Voltaire veut avant tout parler d'une expédition : celle de Maupertuis, vers les pôles afin d'effectuer des mesures de méridien qui prouveraient de manière éclatante la formidable puissance de la théorie de la gravitation d'Isaac Newton. En effet, la théorie prévoit que le globe terrestre n'est pas parfaitement sphérique mais aplati sur les pôles. L'aventure sera un succès et la théorie aussi.
Je savais l'intérêt De Voltaire pour les sciences mais le niveau de connaissances qu'il distille ici m'a laissé pantois. A l'époque c'est un grand fan de Maupertuis (il finira par se brouiller avec lui à Berlin, jaloux de l'intérêt que lui portera Frédéric II de Prusse).

L'auteur enveloppe son sujet dans un écrin de récit à la Jonathan Swift, mais avec une perspective inversée – c'est l'Étranger qui vient porter son regard sur l'Humain, à la mode de Montesquieu dans Les Lettres Persanes.
Micromégas est donc un habitant d'une planète de l'étoile Sirius qui voyage beaucoup. En chemin il atteint Saturne où les habitants sont « très petits » à son échelle. Micromégas et un Saturnien partent ensemble vers la minuscule Terre où tout est de dimension minuscule. le Saturnien (appelé « le nain ») marche dans la Méditerranée de l'eau jusqu'à mi-jambe alors que l'Être de Sirius mouille à peine son talon. Il leur faut un « microscope » pour repérer les baleines. En cherchant ils finissent par tomber sur le navire de… Maupertuis.

On entre alors dans une phase quelque peu philosophique où Voltaire égratigne à peu près tout le monde, gouvernants, guerriers, religieux et même savants. Il y a un petit côté chansonnier. Mais il est moins gentil avec les premiers qu'avec les derniers. Les deux étrangers font office de caisse de résonance par la surprise que les comportements humains provoquent chez eux.
Il en ressort qu'il est préférable de faire office de relativisme dans notre appréhension d'un monde qui offre une diversité telle qu'un point point de vue tranché ne pourra jamais le saisir dans son ensemble

Je trouve la fin un peu trop rapide, voire abrupte. Voltaire n'a pas pris le temps de mettre par écrit le départ de Micromégas ni du nain, ni ne leur a permis d'exprimer leur opinion sur les gens minuscules à la vie éphémère de cette boulette de terre et d'eau. Dommage.
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UNE «FADAISE» UNIVERSELLE ET IMPÉRISSABLE.

Une «fadaise philosophique qui ne doit être lue que comme on se délasse d'un travail sérieux avec les bouffonneries d'Arlequin » : ainsi ce cher (et plus sincèrement humble qu'à son habitude) François Arouet dit Monsieur Voltaire avait-il qualifié le premier jet, hélas aujourd'hui perdu, de ce qui deviendrait et intitulerait plus tard "Micromégas", dans la présentation qu'il en fit à son célèbre et éminent correspondant d'alors - nous sommes en 1739 -, Frédéric II de Prusse.

La postérité est une dame bien indocile, et celle de Voltaire n'échappe pas au genre. Lui qui espérait - y mettait beaucoup de son énergie, de son temps - que son oeuvre dramatique ainsi que sa poésie feraient sa gloire au-delà de la tombe en serait certainement pour ses frais : qui lit ou joue encore Mérope, Sémiramis, Oedipe ? Son Zaïre est, seule sans doute, de celle à avoir franchit - un peu - la barrière du temps. Qui lit ou déclame aujourd'hui La Henriade, que Beaumarchais plaçait alors à hauteur de L'Iliade !!!, qui se souvient de ses Épîtres, etc ? En revanche, Candide a atteint un tel niveau de popularité qu'il est même passé dans le langage courant, Zadig est encore très largement lu et étudié, et si Micromégas n'atteint pas de tels sommets, sans doute est-ce plus lié à sa brièveté qu'à son contenu ou à sa forme.

Qu'en est-il donc de ce qui est, fort probablement, l'un des tous premiers "contes philosophiques" qu'il rédigea de toute sa carrière, sinon le premier ?

Habitant d'un satellite de Sirius, Micromégas (mot à mot : "Petit-Grand") mesure huit lieues de haut. Devenu suspect à cause d'audacieuses spéculations, ce géant de 450 ans («au sortir de l'enfance») est condamné, pour un exil de huit cents ans, par une assemblée de juristes en raison de ses idées jugées «malsonnantes, téméraires, hérétiques» par le chef religieux local. Ainsi entreprend-il un long voyage interplanétaire en compagnie du secrétaire d'académie de Saturne, un "nain" de seulement six mille pieds qui multiplie les bévues et laisse parler sa nature, contrairement à Micromégas, véritable modèle de vertu et de mesure. Se déplaçant selon des théories plus ou moins inspirées de celles de Newton (que Voltaire lisait et tachait d'expliciter), les deux compères finissent par arriver sur terre.
Juste à ce moment-là, un voilier passe à leur portée qui transporte des savants de tous genres, s'en retournant d'une expédition au cercle polaire, lesquels passent pour à peine plus que des atomes mais dont il comprennent qu'ils ont langue et raison. Nos deux géants comprennent que ces drôles d'insectes passent leur temps à s'invectiver, se haïr, s'entretuer, ce que leur confirme l'un des philosophe présent, qui leur assène ces mots intemporels : «[...] nous sommes d'accord sur deux ou trois points que nous entendons, et nous disputons sur deux ou trois mille que nous n'entendons point.»

On peut gloser tant qu'on veut : texte préfigurant la science-fiction (comment ne pas penser, par ailleurs, à Rabelais, mais aussi à Swift, et puis à Cyrano de Bergerac. ), critique impeccable moquant les évidences se prenant pour savantes, diatribe contre Fontenelle (l'un des grands esprits du temps, tellement oublié aujourd'hui), libelle terrible et juste à l'égard de tous les sectateurs, qu'ils soient déiste ou philosophiques, Voltaire nous embarque dans une démesure peu commune en son temps. Pour la «fadaise», sans doute ; mais s'il se contente de peu, stylistiquement parlant (encore que...), il démonte les vérités fausses, les vraisemblances idiotes, les amitiés hypocrites, les croyances imbéciles, pour mieux assurer ce qui est d'éternité, que si l'on y porte attention, chaque certitude, aussi assurée qu'elle soit, est fruit de raison.

Un style, pour servir ces oeuvres parfois goguenardes, que M. de Voltaire n'estimait pas à hauteur : Immortel !
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Quelle joie de se replonger dans un conte philosophique, ouvrage que j'avais tant apprécié durant mes années scolaires. le plaisir n'est pas diminué avec les années passées. Ce périple interplanétaire, philosophique, caustique et drolatique, emmène deux géants extra terrestres à la rencontre de l'engeance infiniment petite de notre belle planète bleue.
Bon certes, l'action n'est pas trop au rendez-vous, c'est davantage la réflexion qui domine et la morale qui remet l'homme à sa place c'est-à-dire bien peu de choses si l'on considère l'immensité de l'univers.
Un ouvrage plein de sagesse et d'un bel esprit de révolte, encore empreint des siècles plus tard des belles Lumières qui illuminaient celui où il a été écrit.
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Micromégas est vraiment un très beau conte De Voltaire ! Même si la réflexion philosophique qu'il illustre est loi d'être aussi développée de Candide ou du Songe de Platon, ce n'en est pas moins un conte très distrayant ( depuis quand le manque de profondeur empêche-t-il de se distraire ? ) et qui a le mérite d'oser frapper là où ça fait mal : l'orgueil inhérent à nos systèmes philosophiques ethnocentrés. Trépidant, plein d'idées et de rebondissements, très bien écrit, intelligent, Micromégas représente tout ce que j'aime dans les contes de Voltaire de la première génération : des rebondissements, plein d'idées, une jolie satire, de la couleur, des qualités d'écriture… Un très beau conte De Voltaire, vraiment, je le dit et le répète !
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