Ecorchés vif, Lex et Callista portent sur eux comme un fardeau les stigmates de leur passé. Comme des cicatrices qui se refermeront peut-être un jour. Voilà à quoi ils m'ont fait penser, à des cicatrices. Elles sont là, béantes, mais ne sont pas tant des témoins de leurs blessures que du fait qu'ils ont survécu, qu'ils ont choisi de vivre, de continuer, pour trouver un sens à ce qui n'en a pas : la perte d'un enfant. D'où l'importance de la communion avec la nature. de se fondre, de s'oublier dans quelque chose de plus grand (l'art pour Callista/la contemplation de la nature pour Lex), qui les dépasse pour s'accrocher à la vie. Ce livre m'a fait penser à ce que Pascal disait sur la finitude de l'homme terriblement insignifiant face au silence éternel des espaces infinis.
Comme dans
La mémoire des embruns, la nature est véritablement le personnage principal du roman. Puissante, sauvage, immuable. Indomptable souvent, rassurante parfois.
C'est ça la vie : c'est toucher le fond et toucher le ciel. Une vie plate et sans reliefs n'a aucun intérêt (ce n'est pas que moi qui le dis
Nietzsche est d'accord avec moi – ou plutôt c'est moi qui suis d'accord avec lui !). Evidemment, c'est préférable lorsque le fond n'est pas trop profond parce que sinon le risque est de ne pas réussir à remonter à la surface et les trop rares bouffées d'oxygènes ne seront qu'un soulagement illusoire/temporaire permis et promis par des chimères (l'alcool pour Lex par exemple). L'alcool étant une aide paradoxale car elle permet à Lex d'anesthésier sa peine mais aussi, parfois, de la ressentir avec d'autant plus d'intensité devenant de fait le seul lien qui lui reste avec sa fille. Indispensable.
Lex et Callista sont deux âmes en peine qui se sont trouvées. Deux issues auraient été possibles : qu'ils se tirent mutuellement vers le haut… ou vers le bas. Dans tous les cas ça aurait été préférable à la solitude et là j'ai tendance à penser qu'il vaut mieux toucher le fond à deux que d'être un peu moins brisé mais tout seul. La solitude, l'indifférence des autres étant souvent une peine supplémentaire, plus difficilement supportable que le problème initial. Comme deux âmes blessées, sauvages, Lex et Callista se cherchent, se perdent, cherchent à s'apprivoiser, se perdent à nouveau… pour peut-être se retrouver. La fin reste ouverte.
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Etrangement j'ai bien aimé le long passage du sauvetage de la baleine malgré quelques longueurs. Fallait-il la sauver ? La question fait écho aux personnages : Aurait-on pu sauver Isabel ? le bébé de Callista ? Kate l'ex de Jordi ? Helen la femme du boucher ? Et surtout peut-on sauver Lex et Callista ?
Se sauver : c'est s'aider mais c'est aussi partir. C'est vrai que cela fait sens. C'était la stratégie de Lex : partir de chez lui pour se sauver, Callista aussi est partie mais autrement, en vivant en marge de la société, en n'étant qu'une présence désincarnée vivotant grâce à la vente de ses peintures au marché. Mais voilà, s'éloigner physiquement ne permet de se sauver que pour un temps car on s'emporte avec soi. Les stratégies de Callista ou de Jordi sont plus efficaces même si dommageables à long terme.
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