La révolution,
Vian, il la fit : par ses livres. La philosophie,
Vian, il ne la lue pas pour s'en vanter, pas même pour vivre : il l'éventa, l'éventra même, pour retrouver tout le non-sens de l'existence, le seul qui aide à la passer, le seul qui vaille.
Ce n'est pas un hasard si les trois histoires d'amour de
l'Écume des jours finissent mal, alors qu'elles suivent trois chemin différents : du désir à la folie, et finalement tous impossibles. Ce n'est pas un hasard si le travail rime avec aliénation, abrutissement, déshumanisation, de l'ouvrier jusqu'à l'ingénieur et, encore, jusqu'au directeur. Ce n'est pas un hasard si les mots comptent peu et peuvent prendre la place les uns des autres, place les uns dans les autres, se déformer, se désémantiser, dans un monde sens dessus-dessous. Et toujours pas un hasard si religion et argent son si mêlées, si emmêlés, dans un monde privé de sens et gavé de sous… Car le drame absolu, c'est de n'avoir pas compris que les plus beaux airs doivent avoir une fin et qu'aucune règle ne saurait permettre de s'imposer à cette loi. L'amour, tel un air de jazz, suit sa propre portée. La seule manière de vivre, vraiment est de se laisser emporter, sans rien ni personnes à dominer : errer tant bien que mal « entre la nuit du dehors et la lumière de la lampe » et ainsi parvenir à ce moment dernier, nécessairement tragique, mais non sans beauté, où, pour chacun, « les souvenirs reflu[…]ent de l'obscurité, se heurt[…]ent à la clarté et, tantôt immergés, tantôt apparents, montr[…]ent leurs ventres blancs et leurs dos argentés. »