Il arrive toujours malheur a John Wayne. Dès qu’on le voit paraître sur l'écran, avec sa grande gueule aux lèvres un peu minces et ses deltoïdes de débardeur, on sent une pincette au cœur, et on se dit : "C'est pas possible, il va y rester. " On espère un peu, contre toute vraisemblance. Mais il y reste. Cela, c’est très grave...
Il pourrait arriver n’importe quoi à Errol Flynn : Errol Flynn s'en tire toujours. Vous lui feriez jouer Mayerling, le suicide louperait à coup sûr — et si la M.G.M. lui avait confié le rôle de la Pucelle (pour lequel il était aussi adéquat, physiquement, que ce cheval de Bergman), il eut été rapté par une escadrille de mousquetaires du roi au moment de marcher au supplice ardent. Mais John Wayne ? John Wayne dans le même rôle, ou bien on le brûlait dès les premiers mètres, à Domrémy, devant tout le monde, sous l'inculpation de " baraterie ". Ou bien on l’aurait fait tomber dans les fossés d’Orléans, avec son scaphandre criblé de carreaux d’arbalète. Il serait mort, étranglé par une pieuvre dans son bain, scalpé par son coiffeur, ou empoisonné par son fils de onze mois... Une certitude : John Wayne est condamné.
Lecture par Judith ChemlaDans le cadre du cycle de lectures « À voix haute », la comédienne Judith Chemla lit des textes de jeunesse de Boris Vian, dont la nouvelle Les Fourmis qui met en scène de manière grinçante le débarquement en Normandie. C'est l'occasion aussi de découvrir un Boris Vian moins connu à travers ses « ballades » et les lettres à sa mère.Lecture enregistrée le 4 mars 2024 à la BnF I Richelieu.