Je referme avec effroi le roman "
il est de retour" de
Timur Vermes. le problème, ce n'est pas le roman, que j'ai trouvé excellent. le problème, c'est la conversation que j'ai eue avec une collègue professeur d'histoire il y a quelques jours...
Je lui ai tendu le roman pour qu'elle en lise la quatrième de couverture, et elle a en a souligné les quelques dernières phrases, à savoir : "Pensez-vous, cet homme ne dit pas que des âneries ! En voilà un au moins qui ne mâche pas ses mots. Et ça fait du bien, en ces temps de crise...".
Et si ma collègue a souligné ce passage, c'est parce qu'elle venait de faire entendre à ses élèves certains discours de Marine Lepen, et qu'ils ont tenu les mêmes propos à son sujet, à peu de choses près: "en voilà enfin une qui ne mâche pas ces mots, elle sait ce qu'elle veut ! Elle ne dit pas que des conneries!"
Le comble? L'école où je travaille accueille en écrasante majorité des élèves issus de l'immigration...
J'avais eu peur, en achetant ce roman, de tomber sur une production proche d'un compatriote allemand de Vermes,
David Safier. Ce dernier aime revisiter les personnages historiques dans un but parodique qui ne fait pas toujours mouche. "
Il est de retour", c'est autre chose. Ce roman met en garde contre l'éternel recommencement des grandes boulettes de l'histoire, contre le bagou manipulateur d'hommes politiques aussi malins que malfaisants...
Je trouve que
Timur Vermes a réussi un véritable tour de force avec cette fiction dans laquelle
Adolf Hitler ressuscité gagne à nouveau le coeur de l'Allemagne par des chemins détournés.
Il passe d'abord pour un guignole, un histrion, et tout le monde s'imagine que les paroles d'Hitler sont à prendre au second degré, que ses insultes envers les juifs et que ses attaques féroces du gouvernement ont pour but de se moquer des incohérences de la politique du pays, dans un but uniquement comique. Mais le second degré, c'est pas tellement le genre du Führer... Et alors que sa renommée grandit, il gagne en influence sur le pays et de ce fait, la terre allemande est suffisamment bien labourée pour y implanter la graine d'un nouveau parti.
A mettre entre toutes les mains. Ou peut-être pas en fait... Parce que l'auteur joue avec les frontières.... Tantôt on s'irrite des remarques sexistes et antisémites du dictateur, mais parfois on ne peut qu'acquiescer devant certains de ses constats au sujet du monde moderne (l'endormissement de la jeunesse, l'écologie). Et c'est ça qui est dangereux. Parce qu'entre dire "il ne dit pas que des bêtises" et dire "il a franchement de bonnes idées", la marche n'est pas haute à franchir...
Petit bémol : j'ai découvert trop tard le glossaire à la fin du roman, alors qu'une note en bas de page en début de livre n'aurait quand même pas coûté à bras à l'éditeur...