Chronologique, l'étude de
Julie Verlaine est historique et sociologique plus qu'artistique ; elle révèle les lacunes de la recherche sur le rôle joué par les femmes dans le milieu de l'art. À la fin du XIXe siècle, elles sont confinées à l'espace domestique : moqué, le goût prétendument féminin pour les arts décoratifs rattache leurs choix à la décoration plus qu'à la collection. de la Belle Époque aux Années folles, l'accès à la culture bouleverse l'univers artistique : les passionnées ne sont plus seulement des princesse et des aristocrates, et elles affichent un intérêt provocant pour l'avant-garde. La fracture sociale se fait à partir de 1930, lorsque des collections féminines s'établissent à partir de fortunes personnelles et que les femmes font carrière. Depuis 1970, la multiplication des « événements planétaires éphémères » a mis les collectionneurs sur le devant de la scène et a modifié leur rôle. Les femmes ont acquis une place solide dans un domaine désormais paritaire et presque égalitaire, dans lequel le goût des acheteurs fait la valeur des oeuvres. Passionnant, cet ouvrage éclaire au mieux l'importance des femmes dans cet univers, et illustre son propos par de courtes analyses de la vie et du rôle de grandes collectionneuses : Nélie Jacquemart,
Gertrude Stein, Helena Rubinstein, Agnès b., entre autres. Comme l'écrit l'auteur, « il est non seulement possible, mais judicieux et enrichissant, d'écrire une histoire des collections d'art privées au féminin ».
Par
Esther Cadiot, critique parue dans L'Objet d'Art 512, mai 2015