ACTE II
La salle capitulaire : bancs de bois, dallage blanc et noir avec, au milieu, une natte de joncs. Un Christ pend au mur. A droite, à sa place habituelle, Dom Balthazar est prosterné, le front caché en ses mains jointes. Thomas survient et s'approche lentement.
Il lui frappe légèrement sur l'épaule :
THOMAS
Votre âme est inquiète, mon frère. Puis-je à mon tour prier pour elle et compatir.
DON BALTHAZAR (le regardant et hésitant dans sa réponse)
Toutes les prières comptent devant Dieu.
ACTE PREMIER
Jardin de couvent : parterres réguliers, buis, tonnelles, cadran solaire ; à droite, à l’avant-plan, calvaire ; à gauche, entrée romane de la chapelle ; au fond, des moines jouent aux boules, travaillent à des filets de pêche, rajustent des instruments de jardinage. Assis en cercle, sur un large banc de bois, quelques-uns s’entretiennent.
THOMAS
Je vous disais donc : Dieu ne peut être le mal ; or, la crainte ayant pour objet le mal, pourquoi se fait-il qu’on enseigne : « La crainte de Dieu est le commencement de la sagesse ? »
DOM BALTHAZAR
Vous raisonnez trop.
THOMAS
La chose importe. Si l’on tranche mal la question, toute la vie chrétienne est faussée.
DOM BALTHAZAR
Vous raisonnez trop, vous dis-je.
DOM MARC
Il ne faut pas craindre Dieu, il faut l’aimer,
THOMAS
Vous parlez comme Basilide, l’hérésiarque.
DOM MARC
Comme Basilide, moi ?
THOMAS
Basilide dit textuellement ce que vous affirmez.
DOM MARC
Saint Augustin le dit aussi.
Poésie - Le péché - Emile VERHAEREN