Citations sur Pondichéry ou le rivage des ombres (27)
Ainsi voyait-on les brahmanes s’écarter brusquement au passage d’un intouchable par crainte de l’effleurer ; ou encore une cuisinière refuser de porter un plat à l’un des autres domestiques de la maison sous prétexte qu’il appartenait à une caste inférieure.
(page 167)
Les insectes, de plus en plus agressifs au fil des dernières semaines, s’étaient faits soudainement discrets, mais Alice avait appris à se garder des moustiques qui transmettaient les fièvres : ses bras étaient couverts jusqu’aux poignets et partout des soucoupes brûlait l’essence de citronnelle.
(page 227)
On l’avait souvent menée, enfant, contempler le ballet des chelingues : ainsi nommait-on, ici, ces frêles embarcations de minces planches de bois simplement cousues, sans étoupe ni bitume ; elles seules étaient capables de franchir la barre des brisants.
(page 29)
Elle avait franchi le canal de Suez en se tenant sur le pont pour ne rien perdre de l’événement, s’émerveillant de l’adresse des équipages anglais, habitués à négocier cette passe réputée pour ses dangers ; elle avait manqué étouffer sous la chaleur d’Aden et avait, de loin, suivi des yeux les hautes falaises de la côte yéménite.
(pages 17-18)
Oriane, toute décontenancée, leva les yeux vers ce grand jeune homme qui parlait avec tant d’allant. En un instant, elle enregistra le sourire qui dégageait des incisives d’une remarquable blancheur, les cheveux bien coupés mais juste un peu trop longs et les yeux d’un bleu sombre qui semblaient rire tout seuls.
(page 505)
Nos disparus nous accompagnent silencieusement, nous guidant la main et éclairant notre chemin : à nous d’accueillir, avec respect et indulgence, la cohorte de ces ombres qui nous lient au passé et reviennent à nos côtés jouer avec la lumière.
(page 588)
Un peu plus loin, deux jeunes filles se sont assises et tiennent une conversation animée, Céline entend le débit rapide, les voyelles nasillées et les modulations chantantes. Elle sait combien ses tympans regretteront, plus tard, les inflexions de la langue tamoule, cette langue dont elle maîtrise maintenant quelques règles de base.
(page 585)
C'était précisément ce qui manquait à Madeleine : la possibilité d'offrir à autrui autre chose que le nécessaire.
Elle se trouvait à présent, toute chancelante, à quelques encablures du port, face à sa ville natale qu'elle distinguait encore mal à l'horizon, et l'émotion du départ de naguère se mêlait, en dépit de sa volonté, à son vertige d'aujourd'hui. (Oriane 1950)
Oriane s'étonnait de confronter, pour la première fois, ses souvenirs à la réalité présente. (1950)