Un essaim de « grosses têtes », ribambelle de petits géants agiles aux bras tourbillonnants, surgit alors sur l’arène. Elles se mirent à danser et tournoyer frénétiquement pour la plus grande joie du public, notamment des enfants, ravis de pouvoir enfin faire pleuvoir à pleines mains les confettis qui débordaient de leurs poches.
Bigarrés et grimaçants, les masques s’en donnaient à cœur joie, toisant de leurs traits grotesques le public amusé, tandis que tout au bout de la place, des dizaines de silhouettes burlesques s’apprêtaient à remonter le géantdrome : le grand cortège des géants du monde venait de commencer.
C’est quand même incroyable ce revirement de situation, le ciel était limpide il y a encore quelques minutes ! Ce serait une catastrophe si cet orage déviait et tombait en plein sur la manifestation !
Théo ne cachait pas sa fierté ; quelques pas de plus et il se trouverait enfin du bon côté de la barrière, celle des grands et des chefs. L’occasion était trop belle, pour son futur exposé en classe, de pouvoir prendre les photos des géants de tout près, et surtout à l’intérieur des « paniers », leurs grosses jupes de colosses.
Dans le tumulte des fanfares, des sifflets, dans les odeurs de barbes à papa et de pommes d’amour, le cœur de toute une région battait sous le regard bienveillant des grands gardiens de la tradition.
Sur les visages grimés de fards et de couleurs, au fond des yeux rougis et pétillants, sur les lèvres rafraîchies d’un galopin de bière, les émotions se lisaient à ciel ouvert. Les gens du nord, fiers et heureux, étaient rassemblés aux pieds des géants, leur grande famille de bois, d’étoffe et papier mâché, intemporelle et rassurante.
Les géants, figures emblématiques du folklore du Nord de la France et de la Belgique, ressemblaient vus d’en haut à une ribambelle d’enfants costumés et maquillés comme pour une fête d’école, prêts à offrir la plus belle des parades ! Quant à leurs parents… après tout, les incroyables maisons du XVe siècle qui encadrent les places d’Arras ne ressemblaient-elles pas à des personnages ? De drôles de bonshommes aux épaules rondes, serrés les uns contre les autres, avec leurs jambes arquées, chacun coiffé d’un chapeau-cloche au sommet d’une petite tête lunaire, avec un gros œil de cyclope ?
Des falaises d'Opale, aux collines de Flandre, sous le sable et les monts, se terre une légende