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EAN : 9782330009304
864 pages
Actes Sud (12/09/2012)
4.54/5   298 notes
Résumé :
De la préhistoire aux premiers chasseurs d'esclaves, du voyage de Stanley missionné par Léopold II à la décolonisation, de l'arrivée de Mobutu puis de Kabila à l'implantation industrielle d'une importante communauté chinoise, ce livre retrace, analyse, conte et raconte quatre-vingt-dix mille ans d'histoire : celle du Congo, cet immense territoire africain au destin violenté.
Pour comprendre ce pays, un écrivain voyageur, historien, journaliste, est allé à la ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (54) Voir plus Ajouter une critique
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Le livre de David van Reybrouck fera date. Déjà couronné par le prix AKO (le Goncourt néerlandais) et le prix Médicis de l'essai, cette histoire monumentale du Congo de la préhistoire à nos jours dépoussière l'encyclopédisme. À la différence de ces cathédrales empesées qui croulent sous leur propre poids et que personne ne lit, telles L'Histoire générale de l'Afrique éditée par l'UNESCO ou The Cambridge History of Africa, il réussit à brosser l'histoire d'un pays-continent en mobilisant tous les champs de la connaissance (politique, économique, ethnologique, artistique, etc.) sans jamais ennuyer.
La gageure a été relevée par un homme-caméléon : philosophe de formation, titulaire d'une thèse en archéologie, journaliste, dramaturge, David van Reybrouck écrit un livre qui lui ressemble. Pendant près de sept ans, il a lu tout ce qui a été écrit sur l'ancienne colonie belge, comme en témoigne son imposante bibliographie – éclairée par une « justification des sources » qui permet de la hiérarchiser. Surtout, il a sillonné sans relâche ce vaste pays, à la recherche des témoins de son histoire. Car la caractéristique du livre est la place donnée au témoignage des gens ordinaires, des petites gens, dont le point de vue s'exprime rarement dans l'histoire officielle. C'est ce qui en fait l'originalité, c'est ce qui en fait aussi le sel, tant D. van Reybrouck a eu la chance de croiser des personnalités qui, chacune à leur façon, livrent un témoignage éclairant sur les étapes de l'histoire congolaise : la colonisation belge, les affres de l'indépendance, la dictature mobutiste, l'avènement de la troisième république…
Cette fresque ne se réduit pas pour autant à un simple exercice de history from below. Il ne s'agit pas seulement de raconter l'histoire du Congo par en bas ou par le petit bout de la lorgnette, mais de faire résonner la petite histoire avec la grande, comme Alain Corbin le fait pour la France du xixe siècle. le résultat est une étonnante réussite, qui ne verse ni dans la repentance postcoloniale, ni dans l'afro-pessimisme. le Congo tel qu'il transpire de ce voyage est, comme la splendide couverture qui l'introduit, un pays digne et sombre : les errements de la colonisation belge ont leur part de responsabilité dans son retard, mais les Congolais ont aussi la leur.
L'histoire du Congo de D. van Reybrouck est une histoire subjective et se revendique comme telle. Contrairement à la règle qui considère le « je » haïssable et oblige l'auteur à s'omettre de son oeuvre, D. van Reybrouck évoque au fil des pages le processus de son écriture. Une telle démarche était déjà celle de Daniel Mendelssohn dans Les Disparus (Paris, Flammarion, 2007) ou Laurent Binet dans HHhH (Paris, Grasset, 2010), sans parler des romans « non fictionnels » de Jean Rolin ou d'Emmanuel Carrère. À la frontière de la littérature, du reportage et des sciences humaines, ces oeuvres définissent une nouvelle relation à l'écriture. Plus personnelle, plus modeste, plus moderne. En un mot plus captivante.
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David van Reybrouck rassemble en 857 pages l'histoire d'un pays, depuis la préhistoire jusqu'aux années 2008, date de parution de cette somme.
Ce n'est pas un roman, pourtant il fait parler, au cours de ses voyages au Congo de petites gens, ou de journalistes, ou de vieux, très vieux Congolais dont l'un se souvient encore de l'arrivée de Stanley ! le résultat est que ce livre important se lit comme un roman.
C'est extrêmement bien documenté bien que n'étant pas à proprement parler un livre d'histoire (presque 160 pages entre les remerciements, la justification des sources, la bibliographie impressionnante et les notes) par les livres, donc, des pages et des pages de noms d'auteurs consultés, ainsi que par ses fréquentes visites dans les différentes parties du pays, pas seulement la capitale, et, dans la capitale, les « bas-quartiers ».
« Congo, une histoire » fait résonner les petits et les grands, et comme l'auteur a étudié la philosophie, il analyse chaque événement avec un oeil original et mesuré.
C'est le point de vue d'un journaliste/ écrivain/ philosophe/historien.
C'est toute une somme, un travail colossal, et une vision proche de la réalité.

Après une lecture fractionnée, et que j'ai repris, relu chaque fois avec autant de plaisir, en le refermant j'ai soupiré et désiré que de tels livres soient écrits sur d'autres pays d'Afrique par exemple, dont l'histoire est si peu connue et se résume pour l'Occident aux deux mots ; esclavage et colonialisme, soit le passé dont la rengaine répétitive constitue un affront de plus porté à un ensemble complexe.
En le refermant, je regrette de ne plus voir sur ma table la couverture de cet homme si sérieux, pensif et inquiet.

Revenons tout de même avec David van Reybrouck sur le passé : d'après lui c'est l'appropriation personnelle du Roi Léopold II qui a causé le plus de tort, « une immonde saloperie ». Son ambition a pourtant trouvé dans les faits une résonance : L'ivoire ( pianos, dominos, boules de billard) ne rapporte plus , mais chance : il y a du caoutchouc, et l'exploitation des hommes se fait sauvage. Puis il y aura de l'or, diamant, tungstène, cobalt, le miracle bien connu. Chance après chance. Et aucun Congolais n'en profite ou presque, seul le Roi. ( qui a aboli l'esclavage)
Après la mort du Roi en 1908, la colonie réellement dite de l'Etat belge commence, jusqu'en 1960, provoquée plus par le nationalisme que par l'appât du gain.

Détaillant l'exploitation et le travail forcé non rémunéré que l'on connaît, l'auteur pose parallèlement le bilan positif de cette période :
14 000 kilomètres de voies ferrées, 140 000 kilomètres de routes, 40 aéroports ou aérodromes, des centrales hydro- électriques= une industrie moderne, ainsi que 300 hôpitaux pour les autochtones, et un taux d'alphabétisation très élevé : Toutes ces réalisations dépassent par leur ampleur les autres colonies africaines.
Juillet 1960 l'Indépendance est enfin proclamée.
Il était prévisible que ce changement inévitable allait causer des remous, mais personne ne pouvait prévoir la grave mutinerie dans l'armée, la fuite massive des Belges restés sur place, une invasion de l'armée belge, puis de l'ONU, le soutien politique soviétique, et les sécessions dont celle du Katanga( diamants), crise constitutionnelle majeure.
Jusqu'au 17 janvier 1961, où Lumumba, premier ministre de Kasavubu, est torturé, après avoir été dérouté vers le Katanga de Moise Tshombe et assassiné.
.Mobutu, (dont la femme Marie Antoinette a refusé d'africaniser son prénom)l'homme à la toque en léopard, après son coup d'Etat en 1965, instaure la loi d'airain du parti unique : pendaison publique des opposants, baptême de son pays Zaire, droit de cuisage ( les droits de l'homme en Europe remontent à 1990, et encore remarque Reybrouck) organisation du match de foot du siècle Mohamed Ali/ Foreman, rapprochement avec la Chine, invitation à Kinshasa des astronautes retour de la Lune, barrage sur le fleuve, dépenses faramineuses qui endetteront le pays pour longtemps.
Jean Désiré Kabila, puis son fils Joseph, les élections, le coup d'Etat de 1997, la guerre ouverte puis larvée qui l'a suivie durant des années, l'ingérence du Rwanda et de l'Ouganda pour piller les matières premières, la présence et l'aide de la Chine.

David van Reybrouck termine son livre brillant par « la bière et la prière », la vie comme elle va, ambiancée par les rivalités de producteurs de bière, celle des chanteurs Mpiana et Werrasson, les danses et la « récréation », la volonté absolue des Congolais de profiter de ce qui se présente.

Que mes amis belges, qui en savent bien plus que moi, pauvre française, me pardonnent si ce que j'ai compris du livre de Reybrouck est faussé, et, si ce qu'il dit est contraire à l'histoire, là, je me tais-.
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Il fallait oser, oser de la part d'un écrivain, raconter toute l'histoire du Congo, cet immense territoire composé de peuples différents, de langues différentes. Ce récit de près de 700 pages nous détaille tout, nous relate l'odyssée de Stanley le long du fleuve Congo, les ambitions du roi Léopold II, la création de l' Etat indépendant du Congo dont il devient le souverain, la cession de ce royaume personnel à la Belgique, la colonisation, les réalisations économiques mais l'absence de considération pour la population dont on ne pourra s'occuper que progressivement, sans brûler les étapes, la proclamation de l'indépendance et son échec immédiat car non préparé, le hold-up économique fait par la Belgique, les troubles, les luttes d'influence, tout y passe et nous fait comprendre le Congo actuel à travers son histoire.
Ce territoire regorge de richesses attise l'intérêt de ses voisins, Rwanda et Ouganda après l'avoir été des Belges, Anglais et Français et avant celui des Chinois.
David van Reybrouck pour réaliser ce projet, à recherché et interrogé quantité de témoins parfois humbles mais qui donnent de la vie au récit.
Je m'y retrouve mieux pour comprendre la situation politique actuelle de ce pays car tous les intervenants d'aujourd'hui y trouvent place, alors que le livre date d'il y a quelques années.
La lecture me fut facile, le livre est entrecoupé de nombreuses anecdotes et réflexions de l'auteur.
Je l'ai aimé quoique étant parfois réticent devant certains points de vue de l'auteur. Je ne suis pas de ceux qui jugent méprisa le le rôle de Léopold II, je crois qu'il est encore trop tôt pour en juger sereinement, certaines critiques sur les colons m'ont parfois paru manquer de nuance. Des historiens se penchent encore sur ces questions.

Tout ceci m'a fait longuement hésiter avant de lui attribuer les étoiles données.
Ma première option lui en donnait trois, à cause de ce qui précède. Ceci avant de devoir reconnaître que c'eût été injuste, que le livre mérite d'être connu et lu, et ce d'autant plus que mon plaisir de lecture fut constant.
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Travail colossal, époustouflant, non seulement l'art de décortiquer les contextes de manière à nous rendre l'analyse quasi évidente, mais aussi la recherche patiente et tenace de témoins apportant une incroyable coloration au récit d'un pays victime de ses richesses (l'ivoire, puis le caoutchouc avec la découverte des chambres à air et enfin les gisement d'or, cuivre, diamants, uranium) engendrant une convoitise et une sortie bien trop tardive et trop rapide d'un colonialisme dont la folle âpreté au gain l'incitait à des méthodes esclavagistes.

Deux semaines seulement après l'indépendance, l'armée impayée se mutinait engendrant la fuite des blancs et laissant l'Administration congolaise aux mains d'une poignée 'd'évolués' à peine détenteurs d'un diplôme de secondaire.

Se débarrassant d'amis encombrants (Lumumba, Thsombé, Kasa-Vubu) Mobutu, sollicité en pleine guerre froide par les USA, la Chine, la Russie, utilisera les richesses d'un pays appauvri pour assoir son autorité, avec des méthodes dignes des dictatures soviétiques.
Amusant, la France qui y menait des chantiers titanesques et absurdes en échange d'argent emprunté par un quasi insolvable Zaïre, et qui se voulait donc des plus rassurantes auprès du F.M.I.!!

Kabila, à la tête du 'contre génocide' tutsi envahit les zones frontières où se sont réfugié les Hutus puis le reste d'un pays moribond. Assassiné par un de ses gardes, c'est son fils, fade marionnette, qui lui succèdera.

Il y a des leçons à tirer quand une armée impayée se révolte, quand est exacerbé le tribalisme, quand arrivent sécessions, violences, actes anthropophages

Le livre se termine en 2010 avec une Chine qui très intelligemment, pour réduire la corruption, dédommage ses exploitations minières par la construction d'infrastructures, une Chine où fleurit des communautés congolaises propices aux petits commerces.
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A travers ce livre fleuve de 600 pages très denses, David van Reybrouck évoque l'histoire du Congo de la préhistoire à nos jours. Ce récit se base sur une documentation assez exhaustive. L'auteur a lu tout ce qu'on avait écrit sur le sujet et fonde ses analyses sur un important corpus scientifique. Il y ajoute, et c'est une des originalités du livre, de nombreux témoignages, anciens et oubliés ou recueillis au cours de ses nombreux voyages sur place. Cette volonté de faire parler des voix africaines donne une épaisseur humaine à l'ouvrage. C'est d'ailleurs ce qui frappe d'emblée à la lecture de ce Congo; van Reybrouck propose une approche humaniste de l'histoire de ce pays continent, à mille lieues des textes froids que nous donnent trop souvent à lire les historiens.

On est frappé au fil des pages par la malédiction qui semble poursuivre un Congo dont l'histoire se confond avec celle d'entreprises successives d'accaparement des richesses. Un peu comme si, de génération en génération, les maîtres du pays s'étaient transmis un droit de pillage; marchands d'esclaves, barons du caoutchouc rouge sous Léopold II, entreprises coloniales, Mobutistes, militaires Rwandais, Kabilistes, et Chinois, vendeurs de bière et religieux illuminés, tous sont passés au guichet et finalement, l'Eldorado a profité à chacun d'entre eux au détriment du peuple congolais.

En prenant le parti d'exploiter tous les témoignages disponibles, van Reybrouck met aussi en lumière la petite histoire, celle d'anonymes comme Jamais Kolonga, le premier noir à avoir invité une femme blanche à danser, qui devint présentateur de la radio télévision nationale du Congo ou celle de ce boy qui avait accompagné son patron en Europe et en était revenu avec la première bicyclette du Congo, ou encore plus tôt, celle de ce jeune garçon confronté à l'étrange tribu des Batambatamba, mot formé d'une onomatopée rappelant le bruit des coups de feu tirés par les esclavagistes. Presque chaque chapitre commence par un de ces destins individuels qui certes en valent bien d'autres mais qui ont le mérite de donner une image saisissante de la vie.

Les critiques de l'ouvrage se sont d'ailleurs focalisées sur les inexactitudes prétendues ou réelles qui naissent de la prise en compte de ces voix du passé, sources par définition fragiles et sujettes à caution. Je ne m'attarderai pas sur les remarques idéologiquement marquées, l'extrême gauche regrettant l'une ou l'autre critique de Lumumba, ou l'un ou l'autre fait à mettre au crédit de Mobutu, les anciens coloniaux niant les errements du système colonial etc. C'était attendu et tout discours mesuré concernant ces sujets conduit presque naturellement à des polémiques dans lesquelles l'esprit critique abdique. En revanche, en tant qu'historien, j'ai été ébranlé par certains reproches scientifiques ou prétendus tels. En entendant des historiens sérieux et reconnus critiquer la validité d'un témoignage ou mettre en doute l'authenticité de tel détail relaté par un des informateurs de van Reybrouck, j'ai repensé à mes bons maîtres. Obnubilés par la vérification des sources, plus sensibles à la mise au jour d'une erreur infime qu'à la construction d'une analyse percutante, ils avaient la fâcheuse habitude de ne voir que des arbres lorsqu'on leur présentait des forêts époustouflantes. Je pense sincèrement que la méthode de van Reybrouck a permis de faire émerger la dimension humaine du récit historique. Et au fond, que le type qui dit avoir volé le sabre du Roi Baudouin l'ait réellement fait ou pas, on s'en fiche comme de colin tampon, cela ne change rien aux grandes mouvements de l'histoire. Ce dialogue constant entre anecdotes révélatrices de la vie quotidienne et événements majeurs a le mérite de donner au lecteur une peinture multidimensionnelle des phénomènes à l'oeuvre et partant il permet de comprendre ce qu'un simple relevé chronologique des faits et de leur causes ne parviendra jamais à mettre tout à fait en lumière; le mouvement de la vie.
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critiques presse (6)
LeMonde
03 mai 2021
L’écrivain belge, auteur remarqué, en 2012, de « Congo. Une histoire » militant pour la démocratie ou l’environnement, livre aujourd’hui un beau recueil d’odes à tout ce qui le rend heureux.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LePoint
08 juillet 2013
Les livres ont une histoire. Sur celui de David Van Reybrouck souffle un vent de libertés : celle d'un écrivain qui excelle à dépasser genres et préjugés.
Lire la critique sur le site : LePoint
NonFiction
07 janvier 2013
Une synthèse vivante et extrêmement aboutie d'une histoire passionnée, au cœur de l'Afrique, à l'image de la mondialisation
Lire la critique sur le site : NonFiction
Telerama
12 décembre 2012
Congo est mieux qu'une histoire : un portrait, brossé par un conteur extraordinaire, un peintre journaliste, un historien sondeur d'âmes, qui pioche dans les archives, choses vues et témoignages avec un art consommé de la couleur et du collage.
Lire la critique sur le site : Telerama
Lexpress
03 décembre 2012
[Une] passionnante enquête, qui revient sur pas moins de 90 000 ans d'histoire.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Lexpress
11 octobre 2012
Il y a de la démesure dans ce livre flamboyant, érudit, débordant de vie, à l'image d'un fleuve de plus de 4 700 ki-lomètres qui "se jette avec une telle force dans l'Atlantique qu'il change la couleur de l'eau sur des centaines de kilomètres", "soupe jaunâtre, ocre, rouille".
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (55) Voir plus Ajouter une citation
Lumumba devint en un rien de temps un martyr de la décolonisation, un héros pour tous les opprimés de la Terre, un saint du communisme sans dieu. Ce statut, il le devait plus à l'horrible fin de sa vie qu'à ses succès politiques. Il était resté en tout et pour tout au pouvoir à peine deux mois et demi, du 30 juin au 14 septembre 1960. Son palmarès se résumait à une accumulations de bévues et d'erreurs de jugement. Sa brusque africanisation de l'armée avait été une initiative sympathique mais désastreuse, sa recherche d'un appui militaire auprès des Etats-Unis et de l'Union Soviétique, quoique compréhensible, avait été terriblement inconsciente, son intervention militaire au Kasaï avait coûté la vie à des milliers de compatriotes. Son comportement avait désarçonné Fulbert Youlou et Léopold Senghor, les premiers présidents du Congo-Brazzaville et du Sénégal. A ces critiques, on pouvait opposer qu'il était à peine préparé pour sa mission, qu'il avait été confronté à un exode civil irréfléchi et à une invasion militaire des Belges et qu'il avait dû assister aux atermoiements des Nations Unies à condamner avec vigueur l'agression belge. Les réactions malencontreuses de Lumumba face à une réelle injustice lui avaient valu systématiquement plus d'ennemis que d'amis. Le tragique de sa carrière politique fugace fut que le plus grand atout dont il disposait avant l'indépendance -son talent invraisemblable à soulever les masses- devint son plus grand désavantage une fois qu'il accéda au pouvoir et que l'on attendit de lui un comportement plus serein. L'aimant qui initialement avait attiré s'était mis à repousser.
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En revanche, le Congolais ordinaire était ravi. Il croyait qu’une période faste s’annonçait, que le Congo allait devenir prospère du jour au lendemain. (.......)
Certains partirent même du principe que, désormais, “les Noirs auront des boys blancs” et “chacun pourra se choisir une femme blanche, car elles seront cédées et partagées au même titre que les voitures et autres biens matériels”. Quelques fins renards profitèrent de cette naïveté et commencèrent déjà à vendre les maisons des Blancs au prix insignifiant de quarante dollars… Les personnes crédules qui ne comprenaient pas qu’on les dupait sonnaient aux villas des Blancs pour demander si elles pouvaient dès à présent visiter leur nouvelle propriété. Certains demandaient aussi s’ils pouvaient contempler la maîtresse de maison car ils venaient de l’acheter en sus pour vingt dollars.
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Les explorateurs du XIX siècle ne comprenaient pas que les villages où ils débarquaient soient depuis longtemps au courant de leur arrivée. Quand ils apprenaient qu’un message tambouriné pouvait parcourir six cent kilomètres en vingt-quatre heures, ils parlaient de télégraphe de brousse. Ils ne savaient pas que cette forme de communication était antérieure d’au moins mille cinq cent ans à l’invention du morse.
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Il était d’ailleurs illusoire d’espérer que des élections convenables amènent automatiquement à une démocratie convenable. L’Occident fait l’expérience de toutes sortes de régimes démocratiques depuis deux mille cinq cent ans , mais ne s’est converti au suffrage universel au moyen d’élections libres que depuis à peine un siècle. Pourquoi s’attend-il à ce que cette méthode puisse transformer, d’un coup de baguette magique, une culture politique où la corruption et le clientélisme sont profondément ancrés en un État de droit démocratique sur le modèle scandinave ?
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Mais où commence l'histoire? Là aussi, bien plus tôt qu'on ne pourrait l'imaginer. Quand j'ai envisagé, il y a six ans d'écrire, pour le cinquantième anniversaire de l'indépendance du Congo, un livre sur l'histoire mouvementée du pays, non seulement à l'époque postcoloniale mais aussi pendant la période coloniale et une partie de l'ère précoloniale, j'ai décidé que cela n'aurait de sens que si je pouvais donner la parole à autant de voix congolaises que possible. pour tenter à tout le moins de défier l'eurocentrisme qui allait sûrement me jouer des tours, il m'a paru nécessaire de me mettre systématiquement en quête de perspectives locales, car il n'existe naturellement pas une version congolaise unique de l'histoire, pas plus qu'il n'en existe une version belge unique, européenne ou tout simplement "blanche". Des voix congolaise donc, autant que possible.
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Vidéo de David Van Reybrouck
David van Reybrouck est né à Bruges en 1971 dans une famille flamande de fleuristes, de relieurs, d'électriciens et d'artistes. Il a étudié l'archéologie et la philosophie aux universités de Louvain et de Cambridge et détient un doctorat à l'université de Leyde. Militant pour la démocratie et le climat, David van Reybrouck est essayiste, historien, romancier et auteur de théâtre. Son nouveau livre, **Nous colonisons l'avenir**, vient de paraître.
« Je passe beaucoup de mon temps dans les salles de réunion alors que je préfère être dans mon atelier littéraire. Mais franchement, en tant qu'écrivain, aujourd'hui, je trouve difficile d'écrire quand il y a un trou dans le toit. C'est difficile d'écrire quand ça goutte et donc, de temps en temps, je me mets debout pour aider et faire quelque chose contre ce problème. [...] J'essaie de trouver l'équilibre entre mes activités littéraires et démocratiques… La lutte pour trouver cet équilibre en vaut la peine, et la conséquence est nette : il y a certains livres que je ne veux pas écrire parce que je suis en train de parler à un ministre ou que je suis en train d'organiser ou de mettre sur pied quelque chose avec des citoyens. »
Pour découvrir l'oeuvre de David van Reybrouck : https://www.actes-sud.fr/contributeurs/david-van-reybrouck
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