Il n'était pas bon, se dit-elle, pas bon, d'en vouloir d'en vouloir aux gens qui appartenaient à la première vie de papa, ou à papa d'avoir eu une première vie, et du choc, du vilain malheur, du malheur absolu de se retrouver confrontées à un avenir sans lui
... elle s'était mise à expliquer à Scott qu'il devait comprendre que l'un des principaux aspects de la vie, c'était qu'elle consistait en fait à s'habituer à un tas de choses qui n'étaient que la conséquence des choix des autres, et non des vôtres.
En y repensant, elle était sidérée qu'aucune d'elles n'ait craqué, à l'hôpital. Même Dilly, sur qui l'on pouvait compter pour éclater en sanglots à la première poussière dans l’œil, était demeurée complètement muette. Chrissie supposait que c'était le choc, au sens littéral, l'engourdissement soudain de toute réaction naturelle, provoqué par le traumatisme. Et, en réalité, le traumatisme avait débuté avant même que le spécialiste ait ouvert la bouche. Rien qu'à sa façon de les regarder, toutes les quatre, elles avaient compris, avant même qu'il ait proféré un mot. Elles savaient quelle phrase il allait prononcer - «Je suis tout à fait désolé, mais...» -, et puis il l'avait dite. Il l'avait dite, jusqu'au bout, et elles l'avaient toutes dévisagé, Chrissie et les trois filles. Et personne n'avait eu le moindre petit gémissement.