J'étais impatiente de découvrir la littérature hongroise à travers ce roman de
Magda Szabò, primé et faisant l'objet de critiques élogieuses sur Babelio.
Il m'a pourtant laissée un peu dubitative.
Le thème de la relation patronne- employée de maison a été largement traité avec plus ou moins de succès et c'est donc en marchant sur des oeufs que je me suis lancée sur les pas d'Emerence.
D'emblée, le contexte social et politique est différent.
On est dans une Hongrie dictatoriale, renfermée sur elle-même et miséreuse.
Une Hongrie dont la population a subit des humiliations à maintes reprises et qui en reste profondément marquée.
Dans ce pays, il y a des intellectuels comme Magda et son mari.
Elle est écrivaine et, dans ce contexte de politique difficile, elle parvient doucement à se faire entendre.
C'est une victoire sociale puisque reconnue par l'Etat.
Mais ça reste très éloigné de la réalité vécue par les habitants du village qui, pour la plupart, sont des petits artisans contraints au travail incessant pour survivre.
Emerence est de ceux-là.
Elle est concierge de l'immeuble dans lequel elle vit et, sur la demande de Magda, accepte d'entrer à son service comme femme de ménage.
Paysanne au lourd passé, elle passe ses journées a trimer, nettoyant sans relâche les trottoirs enneigés, confectionnant des repas pour les plus démunis, recueillants les chats perdus.
Mais c'est une femme meurtrie qui s'est cadenacée chez elle et n'ouvre sa porte à personne.
Entre la femme de lettres et la femme du peuple nait une relation passionnelle qui mêle admiration, exaspération, incompréhension.
L'écrivain s'ouvre, la paysanne se ferme.
Emerence reste ancrée dans ses convictions qui font rempart à ses peurs, elle s'obstine dans ses habitudes qui la sécurisent et forment tout son univers.
Magda est la faille, l'élément perturbateur (et perturbé), le rayon qui s'immisce dans la pénombre et qui libère malgré soi.
Mais, lorsqu'un mur se fendille, cela ne se fait pas sans mal et ce qu'il laisse passer peut vite devenir incontrôlable et destructeur.
Pourquoi dubitative me direz-vous ?
Le style, presqu'exclusivement narratif, m'a quelque peut déconcertée...
La ponctuation est inhabituelle, privilégiant la virgule au détriment du point, ce qui engendre une narration "bavarde" dans laquelle il faut remettre de l'ordre et reprendre son souffle par soi-même.
J'ai parfois été tentée d'abandonner ma lecture, noyée que j'étais dans l'afflux d'informations, submergée par une narration dense, qui ne laisse pas respirer.
La technique est efficace qui contribue évidemment à mettre en évidence la pression morale ressentie par Magda, mais bon....
Je me suis parfois sentie bien essoufflée.
Par contre, l'émotion est bien présente dans le dernier tiers du livre qui m'a complètement bouleversée.
Il me reste à aborder le cas du chien, Viola...
Pauvre bête, manipulée par les deux parties et qu'on humanise à outrance.
Personnellement, je n'ai pas compris son rôle dans l'histoire...
Une belle première approche de la littérature hongroise !