A l'égard de qui pense différemment ou est différent, l'invective, le brocard, l'insulte et la dérision ne sont pas nés avec l'ère du tout numérique, pas plus que l'intolérance ou la haine.
De la même façon, la manipulation et le conditionnement des esprits ne datent pas d'hier.
Pour vendre du papier, rien de tel qu'une bonne polémique avec si possible un bouc émissaire sur qui se défouler et déchaîner les passions les plus viles. Il n'y avait pas d'ordinateur au temps de l'affaire Dreyfus. Pas d'internet autour du petit Grégory sur les rives de la Vologne.
L'individu moutonnier suit volontiers le troupeau de ses semblables pour bêler de concert avec eux. Il n'y avait pas d'algorithme pour passer au tout bagnole dans la France pompidolienne alors que dès 1896, Svante Arrhenius avait pourtant publié en Suède une étude qui disait tout (ou presque) de l'effet de serre causé par l'émission de dioxyde de carbone dans l'atmosphère! Mais c'est loin, la Suède!
Sur le fond, je pense donc que rien ne change jamais puisque les tares de l'espèce homo sapiens sont immuables. En revanche, sur la forme, dès lors qu'avec le tout numérique et le déploiement tentaculaire des algorithmes, homo numericus prend le relais comme un mutant finit par supplanter la souche dont il est issu, les défauts s'accentuent et prennent une ampleur inédite dans l'histoire des sociétés humaines.
Tout cela est extrêmement bien analysé dans ce livre dont la lecture devrait être vigoureusement encouragée. Elle permettrait peut-être d'espérer que l'on tourne sept fois la souris dans sa main avant de cliquer, voire, caressons ce doux rêve, de laisser tomber la tablette et le téléphone!
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Ce livre fait réfléchir sur notre implication dans la vie réelle. Mais surtout sur la manière, dont notre vision du monde, de nous-mêmes, des autres peuvent en être affectées. Les algorithmes sont la clef de notre vision binaire et manichéenne qui nous enferme dans l'entre soi, sans idées, sans créativités, sans avis, sans vie.
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Cinéaste de formation, Michael Stora est psychologue et psychanalyste. Depuis 2000, où il cofonde l'OMNSH (Observatoire des mondes numériques en sciences humaines), il allie son travail thérapeutique en institution et en libéral à une grande activité de recherche, de formation et d'information sur les incidences psychiques des mondes numériques interactifs auprès de publics variés.