Vieux maîtres anglais

Et si autrefois les plus distingués d'entre eux avaient déjà recherché et collectionné les produits de cet art, cette habitude s'étendit bientôt à tous les gentilshommes. La richesse toujours croissante du pays favorisa les longs voyages et les grandes acquisitions. Il leur fut donné, à eux, et à eux seulement, de voir et de comprendre tout ce qui est fort, grand et naturel. Gagnés à la cause de l'Antiquité en Italie, ils passèrent par-dessus l'Art romain à l'Art grec, et aux Holbein ainsi qu'aux Van Dyck dont les portraits peuplaient leurs châteaux, ils ajoutèrent les productions les plus exquises des Néerlandais, des Allemands, des Italiens et des Hollandais. Mais il arriva
un moment où le besoin d'avoir un art bien à soi ne put être satisfait par un maître étranger. Jusque là il n'y avait pas eu de maître anglais. Les Anglais avaient suivi l'exemple des anciens Romains qui, pendant la période où la politique absorbait toute l'énergie du peuple, avaient attiré des artistes du dehors. Maintenant la nation devait et pouvait produire ses propres artistes.

Et ce fut la tâche de ces maîtres de travailler à l'avancement de l'Art, de donner ce que tous demandaient mais ne pouvaient plus donner eux-mêmes.
Voilà ce qui explique comment les Anglais, à ce tournant de l'histoire, furent le peuple prédestiné, comment par un singulier concours de circonstances ils possédaient les qualités qui manquaient à la nation jusque là prédominante, aux Français du Rococo.
Sans doute, quand de notre temps, nous pénétrons dans les salles où se trouvent des Gainsborough, des Reynolds, des Romney, des Raekburn, on est frappé avant tout des points de contact de ces maîtres avec les Anciens. Mais il suffit de se représenter un instant un salon de peinture français du XVIIIème siècle, pour se rendre compte de combien les Anglais sont plus rapprochés de nous.