Citations sur La débâcle (31)
Le tribunal continue de condamner à tour de bras. Tout individu ayant eu l'imprudence de dire tout haut que les généraux français ont été incapables de contenir l'avance ennemie écope de six mois à un an de prison.
- Tu verras, ma vieille. Un grand soldat nous est revenu de Madrid pour sauver la France. Un homme qui se tient à l'écart des roueries politiques. Pour l'instant, le vice-président et ministre d'Etat surveille, étudie la situation, lit ses notes devant le Conseil. Il va bientôt mettre un terme à cette lutte absurde. On ne va pas s'obstiner à se faire tuer pour les circoncis polonais, tout de même !
- Tu veux dire Pétain, le "grand soldat" ?... c'est un vieux pleutre… Qu'à l'été 1918... il a fallu le pousser vers la victoire à "coups de botte dans le cul"...
Quelques avocats chuchotent, en petits groupes furtifs. Il ne voit pas de consoeurs, si élégantes et gracieuses dans la robe noire. Guirlange croise un avocat communiste, Foissin, l'homme lui lance :
- Tout le monde s'est taillé, c'est du propre !
- Plaignez vous au camarade Thorez qui a montré l'exemple en désertant son unité !
Le défenseurs des bolchéviques hausse les épaules, s'éloigne en bougounnant.
La défaite est là, ignoble, grouillant dans les rues élégantes, les avenues, les restaurants, les casinos... Ces gens ne pensent qu’à eux. On cherche un gîte, un passeport, on précise qu’on a de quoi payer. Les combines s’étalent en plein jour, pour une signature, un visa, un coup de tampon.
Mon frère a commenté que les Français sont comme un troupeau de moutons, tous rassemblés comme des imbéciles bien que cela aboutisse à faire du surplace, tellement leur présence engorge les routes, et même, on avait pu le constater, toute la largeur d’une nationale !
Tout le monde, dans les échelons, soigne sa carrière. On préfère ranger une mauvaise nouvelle, ou un renseignement top secret, dans un tiroir et s’asseoir dessus. Les Allemands, nazis ou pas, on peut être sûr qu’ils sont plus efficaces ! Et il paraît que leurs officiers sont plus proches des hommes…
Toute la grâce, la poésie – avec son cortège de papillons, de fleurs et de fécondations magiques – qu’elle prêtait à l’amour lui étaient retirées d’un seul coup. L’existence lui paraissait lâche, ignoble, vile, monstrueuse. Et Jacqueline ne comprenait pas que les parents aient des enfants si c’est pour les rendre malheureux ; elle a décidé de n’en avoir jamais, parce qu’elle ne veut pas qu’ils le soient.
Des hommes, toutes classes confondues, protestaient parmi la mêlée confuse des familles encombrées de bagages, pressées et bousculées, ils criaient leur colère, leur indignation. Ceux qui n'avaient jamais eu de laissez-passer en voulaient au train spécial : celui des « nantis », des « vendus », des « traîtres ». Bientôt des projectiles en tous genre volaient vers les « vaches noires », qui ripostèrent en tirant un lot de vieilles grenades lacrymogènes datant de l'époque de la bande à Bonnot. Cela déclencha une nouvelle vague de panique, plus sérieuse que la précédente. On pleurait et suffoquait dans les fumées d'éther bromacétique. Les enfants hurlaient. Un ouvrier avait voulu ramasser une grenade avant qu'elle n'éclate ; à présent ses amis l'emportaient au milieu des badauds, son visage tout blanc, sa main déchiquetée serrée dans un mouchoir rouge. On courait dans toutes les directions, des gens trébuchaient et tombaient, des femmes perdaient connaissance. Les individus au sol étaient piétinés. On disait que déjà il y avait des morts.
-Ce sont des R35 comme sur la couverture de Match ! affirme Jacqueline. Son frère corrige : -Non,non,ce sont des Hotchkiss H 39. Ou ,plus précisément ,l’engin blindé que son constructeur nomme le « char léger Hotchkiss 1938 modèle H ».Mais ils ressemblent au Renault ,je te l’accorde .On en a produit plus de 600 exemplaires pour nos divisions légères mécaniques et nos divisions cuirassées de réserve… Curieux , celui de tête n’a pas ses garde-boue…
L’officier est inscrit au PPF : durant tout le trajet, il ne cesse de se vanter de ses relations politiques et journalistiques, de critiquer le gouvernement, les juifs, les francs-maçons, les instituteurs, de faire l’éloge de Weygand et de Pétain.
La femme hait Daladier, déplore la politique d’apaisement et la reculade de Munich. C’était mal, et en plus idiot d’avoir abandonné la Tchécoslovaquie, qui en 1938 possédait une armée solide et pouvait nous aider à combattre Hitler.