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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
1950 et un drame existentialiste de plus dans la galaxie des romans durs (et âpres) de Georges Simenon. Maugin, c'est Raimu... mais c'est aussi Simenon, sans doute ! Retenons que l'écrivain célèbre venait de perdre cet ami si fidèle en 1946. S'investir en un roman, n'est-ce pas le moyen affectif le plus efficace pour tenter de faire revivre "nos" disparus ?... L'alcool, le corps qu'on ne supporte plus, l'accident stupide au Cap d'Antibes (un hameçon fiché dans le pied)... et le coeur malade. Est-il jamais le moindre "hasard" en nos existences ? L'amour qu'on cherche (jusqu'à notre "fin"). Le petit enfant qu'on reste au fond de soi... Un personnage rebutant, qu'on jugerait antipathique, détestable, "maître de maison" profiteur d'obsolètes "amours ancillaires" (ces relations furtives "consenties" au Maître par ses domestiques femelles)... Alice, la régulière sans doute encore amoureuse, qui a - bien sûr - 40 années de moins de Maugin... Les bouteilles de rouge et de Cognac... La course absurde des journées parisiennes rythmées par les prises de cinématographe et les représentations théâtrales... le dégoût de soi. L'attente angoissée de la mort. "La mort d'Ivan Illitch" et sa fameuse anamnèse en douze scènes-chapitres n'est jamais bien loin ! Un nouveau chef d'oeuvre de dépouillement atroce en deux parties (ou "Actes" ?). Exercice magistral d'un art littéraire pérenne, un de ceux qui ne se démodent guère... Avec Simenon, l'Humain est radiographié jusqu'à l'os.

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" Il avait beau être gros et lourd, remplir le lit de sa masse, suer le vin et l'alcool, il ne se sentait pas moins, cet après-midi-là, dans le plus secret de son être, là où la raison et le respect humain perdent leurs droits, comme un enfant faible et sans défense. Et, comme un enfant, il luttait contre le sommeil qui le gagnait par vagues, s'obstinait à épier les bruits de la maison en se demandant si "elle" viendrait l'embrasser."
[Georges SIMENON, "Les volets verts", 1950 - 2ème partie, incipit du chapitre 2]

A nouveau embarqués dans l'extraordinaire kaléidoscope spatio-temporel des toutes premières pages de "A la recherche du temps perdu" de Marcel Proust, dans la peau du petit enfant attendant - avec angoisse - le bonsoir tranquillisant de sa mère...
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Les volets verts, de Mr Simenon, n'est pas un polar, les inconditionnels du commissaire Maigret en seront pour leurs frais.
C'est simplement le portrait imaginé (un avertissement en début de roman le rappelle) d'un acteur vieillissant au sommet de sa gloire. Et malgré tout profondément malheureux et effrayé par sa fin qu'il croit proche.
J'ai bien envie de sortir le poncif habituel en disant que cette histoire, écrite en 1950, n'a pas pris une ride. Mais surtout, on retrouve le style de Simenon, simple, rigoureux, et qui fait mouche une fois de plus. C'est un vrai plaisir de lire ce livre, même si les thèmes abordés comme la solitude,l'alcoolisme et la peur de la mort ne sont absolument pas réjouissants.
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Paru en 1950, « Les volets verts » a été édité à l'époque aux Presses de la Cité.
Emile Maugin fait le bilan de sa vie après avoir appris qu'il était gravement malade. Cet acteur parisien tyrannique et alcoolique est au sommet de sa carrière et rêve d'une maison aux volets verts, symbole de la réussite. Aimé par une jeune femme désintéressée qu'il a épousée pour la mettre à l'abri, il n'a jamais cherché à réellement former un couple avec elle. Est-il heureux ? A-t-il réussi sa vie ? Quel est le sens de cette vie ? Après l'annonce de la maladie, il décide de partir dans le sud, sur la Côte d'Azur.

Pas d'enquête, pas de suspens, pas vraiment d'intrigue, ce roman revient sur la vie d'un homme hors norme, coincé par l'enfant pauvre et rêveur qu'il est encore au fond de lui et l'image de réussite qu'il donne de lui et de ses excès. Ce sont ses derniers mois de vie, il le sait et fait son introspection.

Simenon explore la vie de cet homme, ses fêlures, ses angoisses, l'amertume que lui laissent certains événements de sa vie et les espoirs qu'il voudrait encore avoir. Maugin n'est pas intérieurement celui qu'il laisse voir à son entourage. Il se dégoûte, regrette, craint la mort qui arrive à grands pas.

Une fois encore, Simenon ausculte et dissèque l'âme humaine. Il nous donne à voir la fragilité derrière la rudesse, la rugosité même d'un homme adulé et détesté à la fois. C'est subtile et d'une grande acuité.
Récemment adapté au cinéma Maugin est interprété par Depardieu et je pense que cela lui va comme un gant. N'ayant pas vu le film, j'attends les avis de ceux qui l'auraient vu.
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N°1806 – Décembre 2023.

Les volets vertsGeorges Simenon.

Emile Maugin, la soixantaine, est un acteur de théâtre et de cinéma célèbre et reconnu mais sa santé est fragile malgré sa forte corpulence, à cause des excès de boisson et d'alcove. Son médecin l'avertit d'une perspective fatale. Il se croit obligé, grâce à son succès d'être grossier et odieux avec son entourage, hommes et femmes, un peu comme s'il prenait ainsi sa revanche sur une enfance malheureuse et défavorisée au fin fond du marais vendéen. La maison aux volets verts sur la Côte d'Azur, c'est celle qu'il rêve d'acheter pour sa troisème épouse, Alice, ancienne figurante, évidemment plus jeune que lui, enceinte lors de leur mariage, mais pas de lui, et avec qui il ne parvient pas à faire un vrai couple ni une vraie famille. Cette souffrance se manifeste lors de la rencontre qu'il fait avec l'ancien amant de son épouse. Il veut la mettre à l'abri de l'avenir parce que son état de santé vacillant l'invite à faire le bilan de sa vie finissante et ce n'est guère brillant. C'est la prise de conscience d'une existence faite de fuites des lieux anciens, des gens qu'ils a connus et peut-être de lui-même, d'excès en tout genre et maintenant d'une obsession de la mort et c'est à la suite d'un accident stupide qu'elle aura raison de lui. Ses félures, sa solitude se révèlent tout au long de ce roman et notamment dans ce retour sur lui-même qu'il fait à l'occasion de la visite à son ancien compagnon de planches qui lui n'a pas connu le succès. Dans cette circonstance, il revient sur son passé, sur tous ceux qu'il a croisés, comme une sorte de « jugement dernier », avec, en arrière-plan la douleur et la culpabilité qui le gagnent.

C'est la fin de vie d'un acteur de renom, coincé entre son succès et une enfance désastreuse, son mépris des gens et la peur de sa propre disparition. Ce roman est paru en 1950 et le rôle d'Emile n'a évidemment pas été écrit pour Gérard Depardieu même s'il l'interprète magistralement dans le film de Jean Becker qui s'inspire librement du roman et qui est servi admirablement par son talent, celui de Fanny Ardant et de Benoît Poelvoorde. Il y a bien des similitudes entre ces deux personnages, celui de la fiction et celui de Depardieu, monstre sacré dont les outrances, les frasques et la conduite souvent révoltante traduisent sûrement une forme de fuite mais peut-être aussi la certitude intime que son talent et son succès l'autorisent à penser que tout lui est dû et que tout lui est permis. L'admiration qu'on peut avoir pour le parcours et le talent de l'acteur trouve ici ses limites. Il reste que je suis étonné par le destin de cet homme qui aurait pu être un minable délinquant et à qui la chance a fait rencontrer des personnes influentes qui ont cru en lui et ont ainsi donné un nouveau souffre à sa vie. Destiné, liberté, baraka, allez savoir ?

Simenon ne se résume pas seulement à Maigret. Ce livre vient s'ajouter à tous ceux où l'auteur analyse l'âme humaine avec tous ses replis et tous ses travers, ce qui fait de lui un romancier d'exception.
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« Jusqu'à l'âge de cinquante ans, il n'avait vécu que du théâtre. Jusqu'à quarante ans, il avait eu des échéances difficiles. Jusqu'à trente ans, il avait crevé de faim ».

Émile Maugin est un acteur de théâtre et de cinéma d'à peine 60 ans mais usé par le métier et l'alcool. Son docteur lui indique que son coeur est celui d'un type de 75 ans et qu'il doit lever le pied. Maugin a eu un enfant avec l'une de ses femmes (il a été marié plusieurs fois) qu'il n'a pas tardé à abandonner. Aujourd'hui il se traîne, lassé de la vie, de son rythme effréné. Métamorphosé par la notoriété, lui pourtant issu d'une famille miséreuse et discrète, est peu à peu devenu irascible, dominateur, autoritaire.

Maugin est un arriviste, séduisant les femmes, les manipulant. Il se voit au-dessus de la mêlée, des quidams sans envergure, pourtant « Il avait encore sa tête d'ahuri de Monsieur-Tout-le-Monde ». Sa vie semblant devenue incontrôlable, il se met en retrait de ses activités, direction Antibes où il s'adonne à la pêche et à une vie en surface plus apaisante. S'il rencontre des autochtones érudits et à l'aise en société, il vit ceci comme un affront, une humiliation, frappé d'un mal-être qui lui montre tous les détails de son environnement immédiat comme répugnants : « L'odeur aussi, les jours comme aujourd'hui, sans un souffle de brise, lui donnait la nausée. le bateau puait. Ses mains puaient. Il avait l'impression que même le vin blanc, dans la bonbonne qu'on laissait tremper le long du bord pour le rafraîchir, sentait la marée et les vers ».

« Les volets verts » est le roman d'une dérive, d'une descente aux enfers, d'un lâcher prise inéluctable. Maugin victime de son propre rôle, homme sans qualités (aurait dit MUSIL), à l'agonie, cherchant désespérément le bonheur. Les volets verts évoqués dans le titre sont ceux d'une maison que convoitait l'une de ses femmes, qui voyait dans cette demeure le comble de la sérénité et de la réussite. Maugin cherche ces volets verts sans jamais les trouver.

« Il avait pris l'habitude de faire de longues siestes, de lire des scénarios, le soir, dans son lit, en sirotant son dernier verre de vin, de vivre plus salement ». Maugin est devenu ce sale bonhomme dont la vie lui échappe. le dernier chapitre est particulièrement suffocant, comme une mise en scène théâtrale avec toutes les personnes marquantes qu'il a connues dans sa vie, séquence où il voit repasser toute sa vie. « Les volets verts » est un roman de la fuite, de la recherche vers une impossible reconstruction.

SI vous êtes adepte de l'atmosphère unique de SIMENON (je vois des doigts qui se lèvent), il vous faut lire ce texte, peut-être l'un des plus sales, des plus spongieux, des plus éprouvants de l'auteur, les mots grossiers, pourtant généralement peu utilisés par SIMENON, accentuant un peu plus le malaise. Aucune issue n'est envisageable, aucune bouée de secours ne vous sera lancée, ce roman est irrémédiablement noir et fascinant par sa construction d'une simplicité extrême, où l'écrivain suit son personnage, comme impuissant, passif. « Les volets verts » fut écrit en 1950, SIMENON vit alors aux Etats-Unis. le livre est immédiatement attaqué pour les similitudes de traits entre Maugin et des acteurs alors connus, SIMENON s'en défend dans un avertissement de début d'ouvrage : « Maugin n'est ni Untel, ni Untel. Il est Maugin, tout simplement, avec des qualités et des défauts qui n'appartiennent qu'à lui et dont je suis le seul responsable ».

« Les volets verts » a été adapté en 2022 au cinéma. le film de Jean BECKER, réalisateur pourtant habituellement fort talentueux, est en tous points raté. Jamais il ne reflète l'atmosphère du roman, au contraire il dépeint un Maugin presque sympathique, comme si BECKER avait voulu le réhabiliter et gommer la noirceur chez SIMENON.

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