Les styles littéraires se renouvellent et se réinventent en permanence. Et c'est tant mieux . Ce roman de
Benoit Séverac en est la meilleure preuve . A travers ce roman- miroir il nous offre un récit protéiforme , prétexte à de savoureux comme de brillants portraits de personnages.
Le fil rouge de ce roman c'est cette enquête méticuleusement menée par le trio des inspecteurs du SRPJ de Versailles : le chef de groupe , le commandant Cerisol et ses deux coéquipiers, « l'ancien » de la bande d'origine portugaise , Nicodemo , et le « junior » de l'équipe , une grosse tête surdiplômée , Grospierres.
Pour eux cette affaire de meurtre est pliée : ils ont dans leur bureau Matthieu Fabas , qui vient de sortir de prison et dont les cahiers écrits pendant son enfermement décrivent avec une précision extrême le modus operandi de l'assassinat de son père. Il présente le profil du coupable idéal , sans alibi , les brimades perpétuelles que son père lui a fait subir pendant son enfance , représentant une motivation supplémentaire pour le tuer . de son côté Matthieu aura été jusqu'à tuer pour prouver à son père qu'il était un homme malgré son handicap. Peine perdue de quinze ans . Il n'aura rencontré qu'un mur de honte et d'indifférence en face de lui . Pour les policiers il ne manque qu'un aveu pour boucler ce dossier même si leur conscience n'est pas pour autant totalement sereine. Car malgré les agissements passés du fils , c'est son salaud de père qu'ils auraient aimé envoyer derrière les barreaux. A la lecture de ses cahiers , Matthias a manifestement de sérieuses circonstances atténuantes . Mais le doute et les sentiments ne font pas nécessairement bon ménage quand toutes les conditions sont remplies dans une enquête criminelle pour y mettre fin avec un coupable à la clef....à moins qu'un élément de dernière minute vienne tout remettre en question.
Benoit Séverac décortique avec une subtilité extrême les relations humaines et notamment celles qui relient un père et un fils .Rien n'est simple et superficiel entre eux . Tout est complexe et du domaine du psychologique ou du non-dit . Un roman qui nous interroge sur notre condition, sur nos relations ascendante et descendante avec nos parents et nos enfants , sur la part de mystère qui subsiste malgré tout dans nos rapports .
L'auteur nous ouvre les portes de l'intimité de ses principaux protagonistes , à la rencontre de leurs souffrances , de leurs doutes ou de leurs regrets . Des sentiments humains dans toute leur entièreté et leur vérité . Quelle que soit le côté de la barrière où ils se trouvent, on comprend que chaque personnage n'est ni tout blanc ni tout noir . Qu'il est nécessaire de nuancer notre jugement, trop souvent dicté ou influencé par la précipitation.
On sent par ailleurs à travers son écriture , un auteur empreint d'humanisme qui , malgré les profils qu'il nous décrit , a envie de nous démontrer qu'il y a toujours une once d'humanité, de bonté dans ces individus aux CV bien chargés. Et quel meilleur moyen pour l'exprimer que ces ateliers d'écriture organisés en prison ? Quel meilleur biais pour leur rédemption et pour que s'évade l'esprit à défaut du corps ?
En cette période si particulière, quel meilleur conseil que de plonger dans la fiction d'un bon livre pour échapper , quelques instants, à la pression du réel ?