Enfin, j'ai découvert cet auteur québécois de renom grâce à Siabelle. Celle-ci a gentiment accepté de relire ce beau pavé de 930 pages pour pouvoir échanger avec moi au fil de cette chouette lecture commune ! Merci encore à elle pour ces instants d'échanges. Globalement, cet ouvrage fut une bonne lecture. La première chose qui saute aux yeux, c'est sa mise en page originale. Pour moi, ce fut une expérience inédite, car je n'avais encore jamais vu cela en littérature. Les chapitres sont volontairement mis dans le désordre et c'est au lecteur de décider comment il va découvrir l'histoire. Soit, on lit page après page en acceptant que les chapitres ne se succèdent pas, mais ont un ordre précis pour apporter du suspense. Soit, on lit les chapitres dans l'ordre classique en commençant par le numéro 1, puis en se référant à l'index pour trouver le numéro 2. J'ai opté pour la lecture déstructurée, car c'est ce qui a été recommandé par l'écrivain. Ce dernier a affirmé qu'il y aurait plus de mystère ainsi… Et je reconnais que c'est vrai !
Ce polar a pour point fort tout le travail autour de la psychologie des personnages, que ce soit pour le trio de narrateurs ou leur entourage.
Patrick Senécal a réellement donné de la consistance à tout le monde… Mais c'est aussi ce qui lui a fait défaut ! Avec du recul, je pense que l'auteur aurait pu être plus concis avec certains passages. L'intrigue met du temps à décoller, si bien que je me suis longuement demandée où on voulait aller. Par exemple, au début, on découvre qu'un meurtre sordide a eu lieu, puis on finit par le laisser de côté jusqu'à y revenir une centaine de pages plus tard ! D'un côté, je comprends cette longue mise en place, car on découvre vraiment les personnages en profondeur et on apprend à les apprécier. C'est une belle toile d'araignée qui se tisse… Cependant, j'ai tout de même préféré quand on accélérait les choses ! Cela dit, peut-être qu'en prenant les chapitres dans l'ordre, mon avis aurait été différent ?
Bien qu'ils aient tous un comportement ou un vécu discutable, les trois narrateurs sont des anti-héros intéressants. On distingue par exemple Pierre Sauvé, un policier veuf ayant du mal à concilier travail et vie de famille. Cela a engendré un drame, laissant derrière lui un vide impossible à combler autrement qu'avec son emploi… Pierre est celui qui m'a le plus touché et celui qui est, finalement, l'individu le plus « normal » des trois. On peut donc plus facilement s'identifier à lui ou ressentir de l'empathie, notamment lorsque sa fille Karine entre en scène. Même si je reconnais son intérêt, Frédéric est celui pour qui j'ai eu le moins d'attache. le psychologue a des délires sexuels et de jeux trop glauques pour moi. Les passages le mettant en scène m'ont souvent mise mal à l'aise. Il faut avoir l'esprit bien accroché et ne pas être une âme sensible, car on est sur un roman très noir et hyper porté sur le sexe. On est sans cesse sur une surenchère sexuelle avec du trash (pédophilie, inceste, partouze, prostitution, viol, etc.). C'est pénible !! Siabelle m'avait avertie sur le fait que c'était l'une des « marques de fabrique » de l'écrivain, mais ce n'est pas pour autant que j'y adhère. D'ailleurs, je m'en serais volontiers passé !
Le présentateur vedette Maxime est également une personnalité captivante, car elle est réellement complexe, secrète, fascinante, effrayante et étrange. J'ai eu beaucoup de plaisir à découvrir son passé ainsi que sa façon de penser. Grâce au personnage de Maxime et de son émission de téléréalité « Vivre au Max »,
Patrick Senécal pointe du doigt les déboires de la société, l'envers du décor, les répercutions qu'ont les émissions sur les téléspectateurs ou les participants, … Pour ce dernier point, c'est malheureusement toujours d'actualité, ne serait-ce qu'avec Koh-Lanta où les téléspectateurs vont jusqu'à menacer de mort les aventuriers et leur famille… Or, les chapitres intitulés « Focalisation zéro » sont hélas très crédibles. Avec Pierre, l'auteur aborde également d'autres thématiques comme la corruption, la médiatisation, la manipulation de masse, le succès, l'avidité, la pauvreté, la dépression, l'écologie, les abus dans les usines chinoises, la société égoïste, les horreurs dont est capable l'être humain (cf. le passage glaçant narrant la jeunesse de Gabriel, son petit protégé). Cette critique sociale est très intéressante, terrible et d'actualité. On n'est pas sur une « simple » enquête ou une quelconque histoire morbide…
Malgré ses sujets difficiles, le fait que les héros soient uniquement masculins (heureusement que Karine et Chloé, la collègue de Pierre, sont là, sinon j'aurais sérieusement râlé sur l'absence de personnages féminins) et quelques longueurs, j'ai trouvé ce roman très fluide et parfois hyper addictif. de plus, pour moi qui lis peu de livres canadiens, le langage québécois a encore une fois eu son petit charme et un côté dépaysant. On n'est pas sur un coup de coeur, mais indéniablement sur un bon moment de lecture et d'échange avec mon amie Siabelle ! Je suis curieuse de découvrir une autre publication de l'auteur (en espérant moins de sexe !). Et vous ? Êtes-vous prêts à découvrir
le Vide ressenti par ces nombreux personnages en plongeant dans ce polar très noir, défaitiste et bouleversant ?
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