(...) Les enfants sont spontanément philosophes : ils posent des questions
- Et les adultes ?
- Les adultes sont spontanément idiots : ils répondent.
L'Inconnu - La sagesse consiste souvent à suivre sa folie plutôt que sa raison.
Si je l'avais en face de moi, Dieu, c'est de cela que je l'accuserais : de fausse promesse ! Le mal, c'est la promesse qu'on ne tient pas. Qu'est ce que la mort, sinon la promesse de la vie qui court, là, dans mon sang, sous ma peau, et qui n'est pas tenue? Car lorsque je me tâte, ou lorsque je me livre à cette ivresse mentale, le pur bonheur d'exister, je ne me sens pas mortel : la mort n'est nulle part, ni dans mon ventre, ni dans ma tête, je ne la sens pas, la mort, je la sais, d'un savoir appris, par oui-dire. L'aurais-je su, que je périrai, si on ne m'en avait pas parlé? Ca frappe, par derrière, la mort. De moi-même, j'étais parti pour un tout autre chemin, je me croyais immortel. Le mal, dans la mort, ce n'est pas le néant, c'est la promesse de la vie qui n'est pas tenue. Faute à Dieu ! Et qu'est ce que la douleur sinon l'intégrité du corps démentie? Un corps fait pour courir et jouir, un corps tout un, et le voila vulnéré, amputé, car toute blessure est une blessure de l'âme; c'est la promesse qui n'est pas tenue. Faute à Dieu!
Et le mal moral, le mal que les hommes se font les uns aux autres, n'est-ce pas la paix rompue? car la promesse qu'il y avait dans la chaleur d'une tête blottie entre les deux seins d'une mère, car la tendresse d'une voix douce qui parlait du plus profond de la gorge lors même que nous ne comprenions pas encore les mots, car cette entente avec tout l'univers que vous avons connue d'abord, quand l'univers se résumait à deux mains aimantes qui nous donnaient biberons, sommeil, caresses, où tout cela est il passé? Pourquoi cette guerre? Promesse non tenue ! Re-faute à Dieu.
Mais le mal le plus grave, oui la fine pointe du mal, ce dont toute une existence ne console pas, c'est cet esprit, borné, limité que l'intelligence même a rendu imbécile. Il semblerait que Dieu nous ait donné un esprit uniquement pour que nous touchions ses limites ; la soif sans la boisson. On croit que l'on va tout comprendre, tout connaitre, on se croit capable des rapprochements les plus inouïs, des échafaudages les plus subtils, et l'esprit nous lache en route. Nous ne saurons pas tout. Et nous ne comprendrons pas grand chose. Vivrais je trois cent mille ans encore que les étoiles, même nombrées, demeureraient indéchiffrables, et que je chercherais toujours ce que je fais sur cette terre, les pieds dans la boue ! La finitude de notre esprit, voila la dernière de ses promesses non tenues.
Elle serait belle la vie, si ce n'était une traitrise...
Elle serait facile, la vie, si je n'avais pas cru qu'elle dût être longue, et juste, et heureuse...
Interview de l'auteur :
Je n'écris pas pour infliger aux autres une opinion, mais pour partager avec eux une réflexion ouverte. Mon théâtre appelle à faire une expérience philosophique, celle du débat, comme la tragédie grecque. Je pratique un théâtre problématique, pas un théâtre dogmatique. J'ai horreur des écrivains à thèse qui prétendent détenir et imposer la vérité. Ils sont pour moi le pic du grotesque.
Je sais l'autre nom du désespoir : le courage. L'athée n'a plus d'illusions, il les a toutes troquées contre le courage.
L'INCONNU : La vérité est une maîtresse bien sévère.
On ne savoure le goût du fruit qu'après l'avoir mangé.
Il y a des hommes qui ont le pouvoir de raconter des histoires que chacun croit être siennes : ce sont les écrivains. Peut-être ne suis- je pas Dieu, mais seulement un bon écrivain ?
Freud. Alors pourquoi l’avoir fait, ce monde ?
L’Inconnu. Pour la raison qui fait faire toutes les bêtises, pour la raison qui fait tout faire, sans quoi rien ne serait… par amour.
Il y a des hommes qui ont le pouvoir de raconter des histoires que chacun croit être siennes : ce sont les écrivains.