La religion juive insiste sur le respect, la chrétienne sur l'amour. Or je m'interroge : le respect n'est-il pas plus fondamental que l'amour ? Et plus réalisable aussi... Aimer mon ennemi, comme le propose Jésus, et tendre l'autre joue, je trouve ça admirable mais impraticable. Surtout en ce moment. Tu tendrais la joue à Hitler, toi ?
— Tu as surpris un de mes secrets, Joseph, un de mes tours de femme.
— Lequel ?
— Accuser au lieu de se justifier. Attaquer lorsqu'on est soupçonné. Mordre plutôt que de se défendre.
— C'est réservé aux femmes ?
— Non. Tu peux t'en servir.
— Et toi, tu es juive, madame ?
— Non. Je suis belge.
— Comme moi.
— Oui, comme toi. Et chrétienne.
— Chrétienne, c'est le contraire de juif ?
— Le contraire de juif, c'est nazi.
— On n'arrête pas les chrétiennes ?
— Non.
— Alors, c'est mieux d'être chrétienne ?
— Ça dépend en face de qui.
Ma mère ? Une victime. Victime d'avoir épousé mon père, victime de n'avoir pas mesuré sa profonde faiblesse, victime de n'être qu'une femme tendre et dévouée. Si je méprisais ma mère, je lui ai pardonné néanmoins, car je ne pouvais m'empêcher de l'aimer. En revanche une solide haine m’habitait à l'encontre de mon père. Il m'avait forcé à devenir son fils sans se révéler capable de m'assurer un sort décent.
N'aie pas honte de qui tu es
On ne choisit ni sa famille ni son origine
Levé à l'aube , j'avais bondi du dortoir aux lavabos froids où je m'étais entamé la peau avec un savon vert , aussi dur que la pierre , long à attendrir et avare de mousse .
- Pourquoi ne veux-tu pas être mon parrain ?
- Parce que j'ai le mauvais oeil. S'il y a un caillou dans les lentilles, c'est pour moi. Si une chaise doit se briser, c'est sous moi. Si un avion tombe, c'est sur moi. J'ai la poisse et je porte la poisse. Le jour de ma naissance, mon père a perdu son emploi et ma mère a commencé à pleurer. Si tu me confies une plante, elle crève. Si tu me prêtes un vélo, il crève aussi. J'ai les doigts de la mort. Quand les étoiles me regardent, elles frissonnent. Quant à la lune, elle serre les fesses. Je suis une calamité universelle, une erreur, une catastrophe, la malchance sur pattes, un vrai schlemazel.
Lorsque j’avais dix ans, je faisais partie d’un groupe d’enfants que, tous les dimanches, on mettait aux enchères. On ne nous vendait pas : on nous demandait de défiler sur une estrade afin que nous trouvions preneur. Dans le public pouvaient se trouver aussi bien nos vrais parents enfin revenus de la guerre que des couples désireux de nous adopter. Tous les dimanches, je montais sur les planches en espérant être reconnu, sinon choisi.
Ne me demandez pas à quoi ressemblait ma mère : peut-on décrire le soleil? De maman venaient de la chaleur, de la force, de la joie.Je me souviens de ses effets plus que de ses traits.Auprès d'elle je riais, et jamais rien de grave ne pouvait m'arriver.
Certaines émotions se révèlent si puissantes que, heureuses ou malheureuses, elles nous brisent.