Cette biographie passionnante et instructive a été écrite par
Thierry Sarmant et
Mathieu Stoll. le premier, ancien élève de l'Ecole nationale des chartes, docteur habilité en histoire, est directeur des collections du Mobilier national. le second, également ancien élève de l'Ecole nationale des chartes, est docteur en histoire et conservateur en chef au Service interministériel des Archives de France.
Jean-Baptiste Colbert appartient sans aucun doute aux grandes figures de notre roman national. Il fut pendant deux décennies l'un des grands ministres du plus illustre roi de France. A l'heure du quinquennat, de l'immédiateté et de la culture du zapping, cette pérennité pourrait en surprendre plus d'un. Ce n'est pas notre cas, car nous considérons que le temps long reste une condition forcément nécessaire pour mettre en place une bonne et saine politique.
Dès les premières lignes, nous lisons cet intéressant passage : « Colbert ! Ces deux syllabes sonores retentissent dans la mémoire collective et y appellent de multiples résonances. Qui dit Colbert dit
Louis XIV, le maître servi avec dévotion, Mazarin, le premier protecteur et patron, Richelieu, le modèle invoqué, Fouquet, le rival éliminé, Louvois, le rival triomphant, Seignelay, le fils flamboyant… » Tant de noms malheureusement tombés dans l'oubli ou injustement critiqués. Qui connaît encore le Grand Siècle ?
Lire cette étude revient à parcourir ce fameux 17ème siècle qui consacra la France comme la reine des nations. Suivre Colbert grimper l'échelle sociale signifie en réalité suivre la famille Colbert dans son entier, car à l'époque l'individualisme n'était pas tyran. Ne l'oublions pas, Colbert, Jean-Baptiste de son prénom, ne doit pas sa réussite à ses seuls mérites - certes immenses - mais il est redevable de ses ancêtres qui surent gravir patiemment les échelons, comme le démontrent avec talent les deux chartistes.
De fait, quand nous entendons le mot Colbert, de nombreuses images nous viennent inévitablement en tête : « Qui dit Colbert, dit maxime d'ordres, essor du pouvoir ministériel, réforme des finances, grandes entreprises économiques, création d'une puissante marine, mécénat royal, ascension des familles bourgeoises pour le service de l'Etat ». Pour autant, les deux auteurs expliquent à raison que certains politiques ou historiens ont embrouillé la notion même de colbertisme, « concept aux contours incertains mais à la fortune durable, auberge espagnole où chacun loge ses propres doctrines ».
Aujourd'hui, mais déjà hier, certains tentent de critiquer son oeuvre en pratiquant allègrement et joyeusement l'anachronisme. Sarmant et Stoll replacent l'homme et ses actions dans leur contexte historique, car sans ce dernier, toutes les libertés d'analyses peuvent être prises et par conséquent toutes les bêtises peuvent être exposées. Les auteurs s'appuient sur « de nouvelles sources et de nouvelles recherches. Il est possible de restituer dans sa densité le Colbert historique, qui jusqu'ici n'a jamais été étudié sous toutes ses facettes ». Ils ajoutent à raison : « On peut le comprendre, tant son activité a été proprement foisonnante. Notre héros a cumulé un nombre de postes et de responsabilités sans équivalant avant ou après lui ».
Pour preuve, prenons le temps de rappeler ses états de service : intendant des Finances, surintendant des Postes, surintendant des Bâtiments arts et manufactures, contrôleur général des Finances, secrétaire d'Etat de la Maison du Roi, secrétaire d'Etat de la Marine, grand maître des Mines et Minières de France, surintendant des Eaux et Forêts. Certains ministres républicains devraient s'inspirer de sa force de travail, de sa vision ainsi que de ses nombreuses réussites…
Les auteurs notent que « la distance entre la position de départ de Jean-Baptiste, relativement modeste, et l'ampleur des responsabilités qu'il a exercées ne laisse pas de surprendre ». Par conséquent, ils veulent répondre aux questions suivantes : « Comment situer la fabuleuse destinée de Jean-Baptiste dans le long temps de l'histoire des Colbert ? Quels furent les ressorts de son extraordinaire ascension ? Quel bilan tirer de son action ministérielle ? Dans l'oeuvre accomplie, quelle part revient au roi et quelle part au ministre ? »
Sarmant et Stoll précisent à raison que « Colbert historique et Colbert mythique appartiennent conjointement à l'histoire de l'Etat ». Ils arrivent grâce à leur pédagogie à nous restituer le vrai Colbert loin des images d'Epinal reprises plus souvent à tort qu'à raison depuis des lustres. de toutes les façons, ils stipulent que « le ministre a été l'acteur du renforcement et de l'extension de l'Etat. Colbert, c'est en quelque sorte l'Etat éternel, cette puissance abstraite née de la monarchie et qui lui survit, dont Sully, Richelieu, Vauban, Turgot,
Bonaparte, Clemenceau,
De Gaulle seraient les avatars successifs ».
Loin de vouloir s'attarder sur des polémiques stériles, forcément éloignées des véritables enjeux politiques, historiques et intellectuels, les auteurs ont préféré « comprendre plutôt que de juger, peindre plutôt que de dogmatiser ». Ils se sont également souvenus, pour éclairer leur démarche, d'une maxime d'un contemporain de Colbert,
Jean de la Bruyère, qui écrivait : « Les extrémités sont vicieuses et partent
de l'homme. Toute compensation est juste et vient de Dieu ». Cet ouvrage mérite d'être étudié et surtout compris. Il aborde un immense personnage de l'histoire de France qui a réellement apporté une pierre majeure à l'édifice de l'Etat. Son surnom, le « grand Colbert » n'est point usurpé et la lecture de cette biographie le démontre pour ceux qui en doutent encore…
Franck ABED
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