la vie est un voyage entre deux lieux qui n'existent pas, c'est en substance le préambule de ce petit ouvrage. L'image est déstabilisante et confronte dans un choc d'une profondeur absolue, nos croyances avec leurs certitudes, et nos doutes avec nos ignorances.
Une écriture sensible et poétique sert un texte d'une belle profondeur; L'auteur tente de cerner le temps qui s'avance en forme d'ombre, en cherchant à travers les mots la précision qui, dans ces circonctances, fait défaut, toujours en deça de cette réalité inétrieure, pour exprimer cette part du néant qui entre en nous un peu plus chaque jour, et qu'il nous faut apprivoiser sans trembler. un très beau livre...
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Parfois du silence sur ma bouche se penche au dehors et je lui demande de prendre des nouvelles de tout ce qui dans ma vie s'étiole à l'ombre, derrière mon front, là où les rides se creusent pour que ma mémoire y tombe en pluie fine, du silence sur mes lèvres se penche et je cherche les mots les plus précis, minuscules et discrets, pour sertir les visages croisés, les gens et les silhouettes, d'une phrase qui les raconte sans éblouissement.
Mais souvent rien. Les visages m'échappent et je suis doublement abandonné. Seule, la phrase, dans sa lenteur physique, dans le rythme où s'usent enfin les fatigues retenues, celles où l'on n'a pas osé dire ni l'envers ni l'endroit du décor, seule la phrase dépose au bout des doigts un peu de présence, dans un fourmillement de plaisir qui ne mène nulle part, avec la conviction d'y aller franchement, comme dans les promenades où chaque détail s'annonce comme une révélation.
Et plus la marche avance, plus l'ivresse donne du relief à ce qui nous est donné, non plus comme un hasard des lieux, des arbres ou des prairies poussés là, en vrac, mais comme le sens enfin révélé de notre propre existence, alors qu'hier nous traversions ce même paysage sans rien ressentir, aucun trouble, aucune beauté, juste un amas de flaques, d'herbes et d'ombres posés là par inadvertance ou pour faire obstacle à notre élan du corps vers le ciel.
Quelque chose de tendre et de nuageux me dicte ces grumeaux de lumière collés à mes doigts. Tout y est décrit dans le moindre repli. Je n'ai qu'à suivre la montée naturelle des chuchotements.
pp. 41-2 & 50
Au fond de moi, une ombre avale le temps en soupirant de plaisir. Je me regarde de loin et tout ce qui va avec. Peut être qu'on peut grandir comme ça avec un inconnu qu'on tutoie de temps en temps. Je me dis souvent que la vie est trop belle pour moi.Mais je me réponds aussitôt qu'elle ne m'aime pas pour mon physique mais pour le vide qui me sert d'esprit.
dans mon corps de feuille morte, tomber dure plus longtemps que vivre et cette chute apprend à mes mains la légèreté de l'ailleurs, cet autre corps dans la lumière. Tout ce que je touche s'échappe. Tout ce qui me rejoint me traverse.
C'est encore cela l'hiver, cet anéantissement qui échoue, cette métaphore du néant dans le ralentissement de toute vie, comme si le vide cherchait le vide pour féconder d'autres germes en lui.
ne laisse rien de toi à part ce léger souffle en suspens dont on ne sait rien, sauf lorsqu'il quitte le corps.
Jacques Bonnaffé lit "Lap remière tarte", texte extrait du livre de Dominique Sampiero, Territoire du papillon, à paraître aux Éditions Alphabet de l'espace le 11 janvier 2010, un livre-dvd avec aussi Élodie Guizard.