Une bonne bière pour noyer mon ennui ! Voilà ce qu’il me faut. Enfin, à dire vrai, pour encaisser un débat sur Spinoza, une demi-douzaine de cannettes serait un minimum. Mais je crains que descendre la bière par fût de cinq litres ne fasse pas partie des qualités recherchées chez une belle-fille comme il faut.
Son visage sévère surmonté d’un chignon gris et strict a dû terroriser plus d’un élève du temps où elle enseignait l’histoire. J’ai beau avoir quitté les bancs de l’école depuis longtemps, quand elle pose ses yeux brun foncé sur moi, je ne peux m’empêcher d’avoir envie de disparaître dans un trou de souris.
J’observe la bâtisse de plus près et, à la réflexion, il dit vrai. Elle paraît lugubre. Les pierres apparentes, qui devaient être de couleurs variées autrefois, sont teintées d’un gris foncé uniforme et les carreaux des fenêtres sont si vétustes qu’ils en sont devenus opaques.
Non content d’être séduisant, il est également aux petits soins pour moi. Sans parler du fait qu’il m’a sauvé la vie2. Comment voulez-vous résister à un homme aussi parfait ?
L’histoire et la philosophie faisaient partie des matières que j’exécrais au lycée (tout comme les mathématiques, la physique, la biologie, le latin, l’anglais…). Alors, j’imagine déjà les discussions ô combien passionnantes qui ne manqueront pas d’égayer cette semaine de vacances. Non seulement je vais crever d’ennui, mais en plus mon inculture sera étalée au grand jour. C’est surtout vis-à-vis de Marc que ça m’embête. Car il n’est pas uniquement mon petit ami. Il est aussi le rédacteur en chef de la Gazette de Perclin. Mon boss, en d’autres termes. Malgré mes grands principes (on ne mélange pas l’amour et le travail, on ne couche pas avec son patron et autre devise du même genre), j’ai succombé à son charme six mois plus tôt. Il faut dire qu’il est bel homme et qu’il ne fait pas ses cinquante ans. Avec ses cheveux poivre et sel et son sourire aux dents blanches et bien alignées, il ressemble à George Clooney.
Noël est la période de l’année que je préfère. Celle où, le temps d’une journée, les familles et amis se rassemblent et oublient leurs différends. Celle des cadeaux et des festins gargantuesques. Celle de la charité et du bonheur.