(Traduit de l'italien par
Patrick Vighetti, 97 pages)
Les personnes qui s'intéressent un peu à la
physique se posent régulièrement les mêmes questions sur ses avancées modernes. Cela tient je crois à deux raisons. Les ouvrages de vulgarisation, de façon paradoxale, recourent inévitablement, pour être corrects et explicatifs, à des notions peu usuelles que ne possède pas nécessairement le curieux. Celui qui bénéficie d'un bagage suffisant (scolaire, autodidacte) les comprend mais, de par leur nature abstraite, les intègre très souvent mal, si bien qu'il se reposera bientôt les mêmes questions. Seconde raison : le cinéma, les livres, la bonne ou la mauvaise littérature, exploitent découvertes et hypothèses nouvelles des physiciens pour en faire de la fiction ou des digressions intelligentes, parfois géniales mais qui ne relèvent plus de la recherche. Sans parler de films comme Interstellar qui induisent des simplifications fascinantes, je pense à des auteurs comme
Philippe Forest (avec le pourtant très pondéré le chat de
Schrödinger) et
Jérôme Ferrari (celui d'
Aleph zéro) qui peuvent embrouiller les faits scientifiques. L'expérience du Chat de
Schrödinger, pour la citer, risque de semer la confusion si on la prend au mot : aucun chat ne sera à la fois mort et vivant, il s'agit seulement d'une expérience imaginaire pour tenter de faire comprendre l'impasse à laquelle conduisent les actuelles connaissances en
physique quantique.
Ces "
Sept brèves leçons de physique", en deux heures de lecture, dénouent tout cela. Sans recourir à aucun vocabulaire ni formule scientifiques,
Carlo Rovelli propose un état des lieux instruit des révolutions qui ont bouleversé la
physique depuis le vingtième siècle. Vite faite bien faite, la synthèse glisse adroitement vers la poésie et la philosophie pour dégager ce que le quidam doit en retenir. le seul requis est de savoir lire.
Quant à savoir si l'on acceptera sans perplexité ni réticence ce qu'il s'y lit, c'est une autre histoire. Certains risquent de réagir comme l'ancien Grec qui, confronté à la rondeur de la terre selon
Aristote, ne pouvait croire qu'il avait la tête en bas...
Les deux premiers chapitres, consacrés à la théorie de la relativité et à la
physique quantique, sont exemplaires de clarté. Pour les expliquer, Rovelli propose des images frappantes qui supplantent l'idée d'un espace vide et d'un fluide invisible révélé par des formules étriquées : la force de gravitation et l'espace forment une seule et même chose, comme un immense mollusque qui se tord ; une planète est donc déviée comme une bille dans un entonnoir, parce que les parois de l'entonnoir (l'espace) sont courbes. C'est lumineux et on le retient.
Les deux chapitres suivants se penchent sur l'infiniment grand et l'infiniment petit. Notre univers serait comme une balle qui explose et qui, en constante dilatation, prend des dimensions cosmiques. C'est vertigineux, d'autant qu'il pourrait exister d'autres univers. le monde des particules, jusqu'au récent boson de Higgs (2013), ne l'est pas moins et les chercheurs n'ont toujours pu dépasser le modèle standard de la théorie des particules des années 1950-70, laquelle, si elle décrit la réalité en confirmant les prévisions par l'expérience, n'explique pas les trous noirs et reste très insatisfaisante. "C'est une théorie qui, à première vue du moins, a l'air rapetassé, faite de bric et de broc. On est loin de la simplicité aérienne des équations de la relativité générale et de la mécanique quantique."
Interrogations et hypothèses s'épaississent encore dans les chapitres suivants.
[...].
Je vous épargne les passionnantes hypothèses du sixième chapitre qui envisagent un lien entre chaleur et temps dont un éclairage nous viendra peut-être des... trous noirs.
Aujourd'hui, la science est pathétiquement belle au vu de l'immensité des questions qu'elle veut solutionner : les équations de la
physique quantique sont utilisées dans tous les domaines de pointe (ordinateur, biologie, chimie), on décrit l'interaction des systèmes, ils fonctionnent, mais on ne comprend pas ce qui s'y passe. Manque-t-il un morceau de l'histoire ? Est-ce indescriptible par l'humain ? La réalité ne serait-elle qu'une affaire d'interactions, hypothèse la plus plausible selon l'auteur ?
"Que sommes-nous dans ce monde vaste et kaléidoscopique", se demande
Carlo Rovelli dans le dernier chapitre. En découle la question essentielle du libre-arbitre : "Être libre ne signifie pas que nos comportements ne sont pas dictés par les lois de la nature."
La nature est d'une beauté à couper le souffle. Il convient d'abord, je crois, et c'est la leçon que nous confirme ce livre limpide, de l'admirer, de la protéger mais aussi d'accepter notre humilité dans la volonté de l'expliquer.
Mes remerciements aux éditions
Odile Jacob et à Babelio pour la découverte.
(Compte-rendu complet sur Marque-pages, ci-dessous)
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