Encore un « livre d'éditeur », ceux dont on doit l'exhumation des limbes de l'oubli à une petite équipe de passionnés, dont le travail est quasiment aussi important que sa rédaction, surtout quand il s'agît d'un roman du XIXème siècle…
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José Corti, en plus d'être l'éditeur de
Julien Gracq et des surréalistes, dispose d'une très riche collection romantique, qu'ils introduisent ainsi :
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« Le romantisme est un courant permanent de la littérature comme des sensibilités, fédérateur de la culture européenne avant les nationalismes figés qui, aujourd'hui, n'ont plus aucun sens. Non pas une littérature de musée mais une vague, un appel qui concernent le lecteur d'aujourd'hui. »
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Il suffit de s'y attarde un instant ou quelques temps, parfums anciens et stimulants, livres à transmettre dont la chaîne se perpétue encore malgré tout…
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C'est de discret fantastique dont il s'agît aujourd'hui, avec ce roman pas tout à fait dans son genre, victorien et non gothique, maison hantée sans épouvante, oeuvre d'une auteure touche-à-tout, directrice de magazine littéraire, ayant à son compte et à l'époque quelques beaux succès de librairie, d'abord sous pseudonyme masculin, puis liberté de la notoriété aidant, sous son vrai nom de mariage, Mrs. Riddell ( une fois « débarrassée » de son bon à rien de mari, criblée de dettes, elle le complètera de ses prénoms « Charlotte Elizabeth » ).
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Ses écrits, après avoir bien vécu, jusqu'à certaines traductions allemandes des années 1930, avaient totalement disparu, n'apparaissant que par brèves mentions dans les encyclopédies littéraires, et ce sans réelles raisons.
Ce n'est sûrement pas du côté du sexisme qu'il faut aller chercher cette absence ni sa réhabilitation ( on n'est pas chez Cambourakis ici ) ; davantage un possible snobisme, et plus sûrement un suivi d'éditeur s'étant perdu… bref ne pas y voir forcément de raison probante… mais surtout apprécier cette exhumation pour son simple et évident intérêt littéraire ; devoir clarifier tout cela appelle une grande fatigue… en faire fi ouvrant aux commentaires prismés par les Temps Qui Courent…
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Donc plutôt que fantastique, bien que fantomatique, ce récit est avant tout un roman de
moeurs et de caractères, érigeant à la flamme du comique l'inénarrable Miss Blake, sommet de la vieille fille acariâtre et pédante, animant ces pages d'une vitalité incroyable, voire d'une certaine tendresse ; le discret et convénient narrateur, jeune clerc, ne s'y est pas trompé en s'attardant sur elle au détriment de l'intrigue, cette douteuse maison dont le surnaturel pourrait bien s'avérer réel.
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L'habileté à raconter est telle que le roman se déroule d'un seul tenant, le temps d'une après-midi ou d'une soirée, sans le lâcher.
On retrouvera Mistress Ridell pour la suite de ses écrits fantastiques, quatre nouvelles réunies par
José Corti sous le titre d' « Une terrible vengeance », elle qui, comme beaucoup d'écrivains de son temps, s'essayait au merveilleux sans en être spécialiste, enrichissant le champ des possibles littéraires, salutaire éclectisme délaissé de nos jours…