Étude sur le Musée de tableaux de Grenoble

LE PÉRUGIN (1446-1524) est trop connu pour qu'il soit nécessaire de faire son éloge et de rappeler les événements de sa vie. Aujourd'hui plus que jamais on étudie les œuvres du XVe siècle. On sait qu'avant les grands maîtres de la Renaissance, dont la gloire a pendant longtemps effacé toutes les autres, il y eut des artistes moins savants peut-être, mais non moins grands que leurs successeurs. On ne croit plus aux brusques révolutions, pas plus dans l'ordre moral que dans l'ordre physique, et l'on pense qu'une idée doit germer longtemps dans l'esprit des hommes avant d'arriver à son complet épanouissement. Léonard, Michel-Ange, Raphaël, n'auraient pas atteint les plus hauts sommets de l'art s'ils n'avaient reçu les leçons du Verrochio, du Ghirlandajo et du Pérugin.

La toile la plus curieuse de cette école est une Sainte Famille de VASARI (1512-1574 le célèbre historien. Elle a un grand mérite, celui de prouver qu'il sert peu, pour créer une œuvre d'art, d'être un habile critique, si le talent est absent. Ce tableau ennuyeux et banal est cependant fort bien dessiné et contient des parties remarquables.

Quelques années auparavant, la ville de Grenoble avait pris l'initiative de ce mouvement artistique, en créant une école de peinture sous la direction de M. Jay. L'école compta bientôt cent soixante élèves et ne cessa de prospérer sous l'habile direction de son chef, qui ne se contentait pas d'enseigner les éléments mécaniques de son art, mais se préoccupait de développer le goût de ses élèves en faisant lire à haute voix dans les salles d'étude la vie des peintres dont les œuvres étaient proposées pour modèle.

Dans le courant de cette étude je n'ai pas craint d'exprimer très librement ma manière de voir, cherchant avant tout à provoquer la discussion et me déclarant pleinement satisfait si j'ai pu augmenter le nombre des visiteurs de notre belle collection et développer dans une faible mesure le goût des Beaux-Arts déjà si vif et si répandu en Dauphiné.