Joshua Prawer est le tenant d'une thèse aujourd'hui remise en question : celle d'une implantation coloniale latine en Terre Sainte, bien réelle, mais qui, je force légèrement le trait, relèverait purement et simplement d'une forme de colonialisme, comme l'Occident, et en particulier la France et l'Angleterre la pratiqueront plus tard.
Ce présupposé le prédisposait à commettre une autre erreur : celle de ne voir dans les "Francs" et la génération implantée à la suite, tous ces Croisés qui ne sont pas retournés en Europe et que l'on a appelés les "Poulains", des colonisateurs qui raisonnaient comme des seigneurs en leurs terres et qui exploitaient une main-d'oeuvre laborieuse, maintenue dans un servage dont aucun sujet ne pouvait s'affranchir sans la volonté expresse du "maître", celui-ci vivant au détriment de ces paysans embrigadés de force. C'est un peu court, et cela dissimule une réalité admise de nos jours : celle de l'implication de la noblesse franque dans la construction d'un tissu rural et d'une économie organisée autour des zones cultivables essentiellement concentrées dans un périmètre observable autour de Jérusalem, source d'échanges fructueux avec les chrétiens orientaux et les populations autochtones de confession musulmane.
Prawer a le mérite de dresser la carte des implantations, et de tenter de dessiner celle de frontières difficiles à tracer.
Mais la recherche, appuyée par l'archéologie, a considérablement évolué depuis et nous oblige à réviser des opinions trop vite faites.
François Sarindar