Je suis en général, peu attirée par les romans de la Rentrée Littéraire mais celui-ci a retenu mon attention. A force de lire et d'entendre de bonnes critiques, j'ai eu envie de découvrir à mon tour "Ces mots qu'on ne dit pas". Quelle grosse claque! Je viens à peine d'en terminer la lecture, encore chamboulée par toutes les émotions contenues dans ce petit livre de 144 pages. Bravo à
Véronique Poulain pour ce beau témoignage.
Née de parents sourds,
Véronique Poulain elle, entend. Dans ce roman autobiographique, elle nous raconte son enfance, son adolescence, jusqu'au passage à l'âge adulte. Sur un ton naturel et bourré d'humour, l'auteure se confie à nous. Elle ne s'autorise aucune censure et les différentes émotions se succèdent.
Véronique Poulain a toujours aimé ses parents et pourtant, elle a pendant longtemps mal vécu leur handicap. Tendresse, colère, honte, admiration, rejet, culpabilité, amour, fierté... tant de sentiments qui se suivent et se mêlent tout au long du roman.
Véronique Poulain ne se cherche pas d'excuses. Oui elle a été dure avec ses parents. L'adolescence est une période difficile, les jeunes se sentent incompris et c'est encore pire quand parents et enfant viennent de deux univers radicalement différents.
Pourtant, à la fin du livre, on ne ressent que de l'amour. "Les mots qu'on ne dit pas" est un bel hommage. L'auteure nous dit avoir du mal à exprimer ses sentiments et pourtant, ce livre en est rempli. Elle s'exprime à sa manière. Elle n'a pas dit "je vous aime" par les gestes, elle l'a fait avec un livre. Arrivée à l'âge adulte,
Véronique Poulain est "une sourde qui entend". Après des années de rejet, elle comprend désormais ses parents et a réussi à trouver sa place aussi bien auprès des sourds que des entendants.
Véronique Poulain nous parle de sa vie, de sa famille mais aussi du quotidien des sourds. A notre époque, les gens différents sont toujours dévisagés mais dans les années 1960 (date de naissance de l'auteure), c'était pire. Il n'y avait pas internet, pas de sms ni de fax. La seule manière de communiquer ? Les gestes.
Véronique Poulain a donc appris très tôt cette langue quasi universelle.
J'ai aimé tous les paradoxes développés dans ce livre. Les sourds n'entendent pas et pourtant, ils sont plus bruyants que les entendants.
Véronique Poulain nous explique à quel point elle était gênée, plus jeune, par les mastications de son père lors des repas et des pets bruyants de sa mère dans le bus. Les sourds ne parlent pas avec la voix mais ils sont capables de communiquer avec n'importe quel autre malentendant dans le monde. Ils sont également plus libres, plus directs. Les sourds utilisent des gestes pour exprimer des idées, ils ne tournent pas autour du pot et ne ressentent aucune gêne à parler de sexe.
Au delà du témoignage personnel,
Véronique Poulain nous ouvre les yeux sur le quotidien des sourds et nous aide à mieux comprendre le langage des signes, qui demeure un mystère pour beaucoup d'entre nous.
Pour conclure, "Ces mots qu'on ne dit pas" est un roman autobiographique à la fois drôle et émouvant.
Véronique Poulain dresse le portrait d'une famille peu ordinaire, la sienne, mais toujours avec humour.
Voici une petite citation qui, à mon avis, reflète complètement l'esprit du livre :
"Dans la langue de mes parents, il n'y a pas de métaphores, pas d'articles, pas de conjugaisons, peu d'adverbes, pas de proverbes, maximes, dictons. Pas de jeux de mots. Pas d'implicite. Pas de sous-entendus. Déjà qu'ils n'entendent pas, comment voulez-vous qu'ils sous-entendent ?"
★★★★★
Une excellente lecture!
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