« L'Assemblée nationale a adopté en troisième lecture dans la nuit de mercredi à jeudi le projet de loi bioéthique et sa mesure phare de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules. Son adoption définitive est prévue le 29 juin. » (https://www.ouest-france.fr/societe/famille/pma/pma-pour-toutes-l-assemblee-nationale-adopte-le-projet-de-loi-pour-la-troisieme-fois-7295233 )
En décembre 2020, Pièces et main d'oeuvre propose une version matérielle d'un long texte initialement paru sur le net en 2019 (https://www.partage-le.com/2019/10/26/alertez-les-bebes-objections-aux-progres-de-leugenisme-et-de-lartificialisation-de-lespece-humaine-par-pmo/ ). le document sera enrichi de nouvelles réflexions, exemples et mentions suscités au cours du bref laps de temps écoulé depuis la première version.
Le projet de la PMA/GPA pour toutes ne sort pas de nulle part. Les techniques de reproduction artificielle ne sont que l'expression qui s'espère scientifiquement neutre du banal eugénisme des époques que nous croyions révolues. Citons
Jean Rostand pour nous mettre d'accord : « La fameuse loi eugénique du gouvernement hitlérien, promulguée le 14 juillet 1933, prévoit la stérilisation pour les motifs suivants : débilité mentale congénitale, schizophrénie, folie circulaire, épilepsie héréditaire, chorée de
Huntington, cécité et surdité héréditaires, graves déformations héréditaires du corps, alcoolisme. On fait encore aux méthodes eugéniques force objections de principe, mais dont aucune ne semble bien sérieuse. On représente que les effets de la sélection seraient très longs à se faire sentir. Raison de plus pour commencer. »
Avec la généralisation des diagnostics préimplantatoires puis de la création d'un enfant sur catalogue, l'eugénisme se perfectionne. le principe de précaution trouve son achèvement le plus parfait : plus aucun risque d'engendrer un enfant dégénéré risquant de compromettre l'autonomie des parents qui veulent un enfant mais sans trop de contraintes – un enfant qui soit à peine plus qu'une marchandise pour continuer de jouir des autres marchandises de ce monde.
Nick Bostrom le reconnaît, et ça ne semble pas trop le déranger : « Peut-être l'amélioration germinale conduira à plus d'amour et d'attachement parentaux. Peut-être certains pères et mères trouveront plus facile d'aimer un enfant qui, grâce aux améliorations [génétiques], sera brillant, beau et en bonne santé. »
Alors que l'idéologie marchande se dissimule derrière des formes de discours vantant l'acceptation de toussétoutes dans ses supposées différences les plus marginales, trémolos irradiant dans des incitations toujours plus rageantes à la tolérance, force nous est de reconnaître que les particularités dont pourraient écoper leurs enfants ne font pas bander les parents (le lexique de la novlangue de la reproduction artificielle nous aidera d'ailleurs à distinguer les parents d'intention des géniteurs ou des parents sociaux, entre autres désignations).
Le collectif Pièces et main d'oeuvre met en valeur le point où le discours s'infléchit dans la mutation du désir en loi (mon désir sera ta loi). Si le désir devient un droit, quels arguments y deviennent opposables dans une société qui n'est plus animée par aucune transcendance ? Dans l'immanence, tout se vaut : ton désir, le mien, le nôtre, mais peut-être plus encore celui qui permet à la machine de s'auto-perpétuer.
Le projet de loi qui doit être voté dans quelques jours nous prouve par ailleurs que « sous couvert d'égalité, la suppression du critère pathologique — glissement du palliatif à l'augmentation, suit le programme transhumaniste. C'est-à-dire le projet, inégalitaire par essence, d'automachination de chacun (et de ses enfants) selon ses moyens et ses désirs, grâce au génie génétique. Une volonté de prise en main technologique de l'évolution. À terme, de sécession d'une espèce supérieure, contre l'espèce inférieure des Chimpanzés du futur, humains nés naturellement. Les défenseurs d'une égalité réelle ne sont pas ceux que l'on croit. »
Contre ces revendications transhumanistes des « stériles volontaires et involontaires » réclamant plus d'autonomie par la soumission à une machinerie technologique d'autant plus tentaculaire et invisible qu'elle semble fonctionner toute seule, le collectif Pièces et main d'oeuvre en appelle au bon sens, devenu plus rare et plus précieux que tout ovocyte congelé : il en appelle à l'autolimitation, c'est-à-dire à la reconnaissance et à l'acceptation de ses limites, cette attitude décevant peut-être les désirs et impulsions du moment mais ouvrant l'âme à l'inconnu et contribuant à l'enrichissement de l'humanité dans la multitude des expériences singulières de ses sujets, lorsque ceux-ci échappent à la normalisation qu'impose la technique.
Que pouvons-nous attendre après la PMA pour toutes ? Quel sera le prochain marché prometteur ? le collectif Pièces et main d'oeuvre évoque les recherches autour de l'ectogenèse, soit la gestation dans des utérus artificiels. Ce principe de gestation, qui témoigne de la haine la plus accomplie du corps et de l'autre, semble assez peu compatible avec le produit qui devrait logiquement en découler : le corps d'un autre sujet (car le bébé ne restera pas éternellement un projet de bien marchand à acquérir). Par l'ectogenèse, l'autre définitivement aboli donne à l'individu l'illusion de la toute-puissance. Il ne réalisera qu'un peu plus tard qu'en s'en remettant entièrement à la technique, non seulement il abolit la communauté (même s'il s'en fout), mais il s'abolit également lui-même en tant que sujet, ne permettant en réalité à rien d'autre qu'à la machine de s'auto-accomplir (et ça c'est moins cool).
« La rançon de l'émancipation du vivant et de ses contraintes naturelles, c'est la soumission aux contraintes techniques du monde-machine, et au pouvoir des machinistes. Des biocrates experts et spécialistes. »
A plus.