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EAN : 9782749278513
280 pages
Erès (05/10/2023)
5/5   1 notes
Résumé :
L’ouvrage est né d’une pratique de consultations entamée il y a une quinzaine d’années auprès de personnes en difficulté professionnelle. Cheminant à travers de nombreuses situations concrètes racontées de façon vivante et détaillée, il fait entrer le lecteur dans la « cuisine » d’une pratique peu étudiée jusqu’ici. Des récits de cas approfondis éclairent des problématiques bien actuelles dans les milieux de travail : l’épuisement, la honte, le mépris, les violences... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Si c'était à refaire, je serais sociothérapeute.
Cette pensée me vient après avoir lu le livre magistral d'un travailleur qui a pris du recul lors d'un long arrêt maladie, prolongé d'une mise en disponibilité pour « s'écarter un peu du délire productiviste qui gagne les universités au même titre que de nombreuses autres institutions. »
Thomas Périlleux a pris le temps de réfléchir à sa pratique, de se remémorer les histoires de personnes au bout du rouleau, racontées dans le secret d'une consultation individuelle, tenue depuis quinze ans. Ces récits constituent l'essentiel de l'essai. La description de sa méthode couronne les témoignages, d'une écriture mûrie, avec un sens de la formule qui fait mouche.
Elles et ils sont informaticien, intervenante psychosociale, mécanicien, travailleuse sociale… Leur parole témoigne de l'extrême violence de leurs conditions de travail, cassant l'image idyllique de l'activité professionnelle, lieu privilégié de l'épanouissement de soi, celle qu'un capitalisme évolué nous fait miroiter.
« Ma vie, c'est mon boulot. »

Difficile à tenir lorsque le travail devient une lutte ; contre les consignes idiotes, l'accélération, la perte de sens, la pression de l'efficacité. le travailleur se sent isolé, écrasé, prisonnier d'une autonomie fallacieuse, censée lui donner l'occasion de résoudre les dysfonctionnements par lui-même, privé de régulation collective des problèmes, tenu de suivre des procédures s'il veut communiquer. C'est le grand tournant du management « agile » des années 80 : autonomisation et responsabilisation dans l'optique d'être performant, synonyme d'une kyrielle de désagréments, tels la peur, l'angoisse, la honte (d'être malade), le harcèlement sournois.

Confronté à une tension insoutenable, le travailleur soit, agit en automate, soit, prend de la distance, selon le précepte de la hiérarchie - « ne pas prendre les choses trop à coeur. » le costume endossé finit par craquer sous toutes les coutures. Place à l'épuisement professionnel, à la dépression ou à la désorientation existentielle. Un système de production génère des pathologies, tant sur le plan individuel que collectif.

Le sociothérapeuthe (sociologue et psychanalyste) prend ces maladies en charge, associé au médecin (psychiatre) et au psychothérapeute si nécessaire. L'approche de Thomas Périlleux oeuvre à rebours des conventions. Il n'apporte ni conseils directs, ni solution clé-sur-porte. Il ne cherche pas non plus à supprimer immédiatement les symptômes, ni à remettre rapidement la personne au travail (comme elle le souhaite souvent).
Il prend le temps. Il « essaie plutôt de laisser cheminer la question : Pourquoi je suis là ? ». Il aide à discerner ce qui relève de l'organisation de l'entreprise et ce qui appartient au fonctionnement psychique du consultant, cherchant le point de rencontre entre les deux. Il s'avère que l'institution nécessite des soins au même titre que le travailleur et le travail.
L'auteur valorise la parole, révélatrice de ce qu'on ne sait pas encore (ce qu'on ne veut pas savoir) au secret de soi. Les deux partenaires cernent des marges de créativité, une façon de résister aux chiffres, protocoles et comparaisons incessantes, sources d'étouffement ; de repérer des ressources collectives inexploitées.

Thomas Périlleux défriche la voie au conflit avec soi-même, avec d'autres, au lieu de conflits larvés ou de guerres sanglantes, sur les critères de qualité du travail et son organisation.
« Je veux ouvrir la parole au conflit étouffé en soi et entre soi. »


Si la vie palpite au travail, elle palpite partout.
En filigrane de la détresse humaine, j'ai vu le paysage contrasté du monde du travail, doublé d'une vision sociopolitique du système économique, accusé de faire du travailleur un consommateur de lui-même et des autres.
Il est temps de risquer de perdre du temps. Il est urgent de redonner sa place au rapport humain. Ces injonctions valent également au quotidien.


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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Modifier sans cesse les structures de l'entreprise en faisant comme si la crise était permanente est une méthode usante. Cela revient à effacer la différence entre l'urgence réelle et l'urgence créée artificiellement. Au bout du compte, cela aboutit à dévitaliser les moments vraiment critiques en ôtant les moyens de les affronter.
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Faire entendre sa voix. Retrouver du sens. Sortir des rôles attendus. Cultiver un grain de folie dans une organisation devenue folle. Reconstruire un sens du collectif. Lutter pour des conditions justes. Travailler en autrement. Croire en de nouveaux possibles. C'est aussi vers de telles aspirations que peut tendre la clinique.
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Chaque salarié est partagé entre la liberté et la soumission, le consentement et l'oppression, la création et la servitude. Pas étonnant que la vie de travail soit vécue dans l'ambivalence, mais tout est fait pur qu'on l'oublie. Le burn--out vient en quelque sorte le manifester.
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Les travailleurs qui sont mis en arrêt pour cause de maladie ou d'inaptitude ne cessent pas pour autant de travailler. Il y a le travail de la maladie et de la guérison. Il y a le travail domestique, dans certains cas le travail éducatif, et celui d'envisager une reprise professionnelle, dans le poste actuel ou ailleurs. C'est souvent un long travail d'accepter que ces divers engagements représentent chacun un réel travail, même s'ils ne sont pas socialement considérés comme tels.
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Je peux - je dois - relayer le témoignage comme un pont entre la parole singulière d'un patient et la critique sociale dans un espace public.
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