AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,82

sur 145 notes
5
15 avis
4
25 avis
3
10 avis
2
0 avis
1
0 avis
Chacun cherche son Cid, et Pérez-Reverte a créé le sien, un Campeador meneur d'hommes qui bataille le long de la frontière du Duero.
Rodrigo Díaz de Vivar a dû quitter la Castille après une brouille avec le roi Alphonse VI, et c'est suivi d'une troupe d'une cinquantaine de fidèles qu'il offre ses services aux souverains chrétiens ou musulmans.
Le récit débute sur l'incursion du Cid et de sa troupe en territoire hostile. Des notables de la ville d'Agorbe les ont payés pour pourchasser et tuer des pilleurs maures. Pour gagner sa vie, il entre ensuite au service de la Taïfa de Sarragosse, sous les ordres d'al-Mutamán qui mène campagne contre son frère Mundir, gouverneur de Lérida, allié au comte Berenguer Ramón II de Barcelona ainsi qu'au roi d'Aragon Sancho Ramírez.
Commence alors la geste épique du Cid, qui après avoir pourchassé des petites troupes le long du Duero livre de grandes batailles dans la vallée de l'Ebre: Monzón, Tamarite et surtout Almenar, où il capture le très arrogant comte Ramón Berenguer II.

Sidi n'est qu'un épisode dans la longue et captivante existence de Rodrigo Díaz de Vivar. Mais quel épisode! On retrouve dans ce roman le Pérez-Reverte que l'on aime, celui des batailles, de la soldatesque, de la complexité des jeux politiques.
L'auteur déboulonne le mythe franquiste du Cid croisé boutant le maure hors d'Espagne.
« Sólo soy un hombre de la frontera », déclare El Campeador, et cette phrase symbolise bien le roman. Car frontière il y a, en ce XIème siècle, des territoires chrétiens, des taïfas musulmans, des pauvres gens qui tels des pionniers de la conquête de l'ouest s'installent dans des no man's land entre des frontières mouvantes et fluctuantes pour travailler la terre, et se retrouvent à la merci de mercenaires, de pillards, de maures arrivés d'Afrique..Mais cette frontera qui a fait l'Espagne est infiniment plus complexe puisque les maures ont des alliés chrétiens, et les chrétiens des protecteurs maures, et que le Cid combat tantôt les uns, tantôt les autres…

Sidi est donc est une geste guerrière, un western médiéval avec sang et poussière, qui montre la fulgurante évolution d'un petit nobliau de province qui devient peu à peu un fin stratège, un meneur d'homme respecté des maures (qui le surnomment Sidi Qambitur) et des chrétiens, un homme d'honneur en ces temps agités. Le récit est riche de scènes d'actions, et de dialogues, pétri de vocables latins, castillans, arabes. Sidi est la naissance d'une légende. Le lecteur savoure le dialogue final entre le prisonnier Ramón Berenguer II et Díaz de Vivar et apprécie l'anecdote liée à Tizona , selon la légende, l’une des épées lui ayant appartenu (avec Colada). Ce n'est pas le portrait triomphant et manichéen du héros de la Reconquista, c'est le parcours d'un homme intelligent à l'aura grandissante quelques mois après son expulsion de Castille sur ce que fut la Frontera au XIème siècle.
Commenter  J’apprécie          829
Il a bourlingué un peu partout sur la planète en tant que journaliste correspondant de guerre. Il est aussi l'auteur de nombreuses fictions historiques et policières, dont plusieurs ont été primées et portées à l'écran. Pour Sidi, son dernier roman, le troisième que j'aurai critiqué, Arturo Pérez-Reverte a réécrit l'épopée de Ruy Diaz de Vivar, surnommé Sidi (Seigneur en arabe), un personnage de la légende médiévale hispanique, qui avait inspiré le Cid à Corneille.

Les événements servant de cadre au récit datent de la fin du XIe siècle. Après la dissolution du califat de Cordoue, qui avait unifié une Andalousie mauresque (Al-Andalus), l'Espagne se retrouve morcelée en petits états indépendants ; dans la partie musulmane, une dizaine de royaumes (ou taïfas) ; dans la partie chrétienne, les royaumes de Castille, Navarre, Leon, Aragon et le comté de Barcelone. Les haines personnelles et les ambitions territoriales amènent les souverains à se faire la guerre, nouant à cet effet d'éphémères alliances, sans forcément d'exclusive religieuse.

Le roman relate un épisode de la vie du capitaine Ruy Diaz, ou Sidi, un chef de guerre indépendant, à la tête d'une compagnie de cavaliers lanciers, des mercenaires qu'il a réunis sous son étendard. Banni par le roi de Castille, Ruy Diaz cherche un souverain acceptant de l'engager pour un bon prix avec ses hommes. Rejeté avec mépris par le comte de Barcelone, Sidi signe un contrat avec le roi de la taïfa de Saragosse, un Maure pour lequel il va combattre.

Très documenté selon son habitude, l'auteur a incorporé au récit nombre de détails sur les moeurs de l'époque, qu'on est bien obligé de trouver barbares. Adeptes d'une solidarité virile et soumise à leur chef, les hommes s'en vont en guerre encombrés de harnachements lourds et d'armes à la technologie fruste. Les combats sont sans merci ; on tue pour ne pas être tué ; pas de prisonniers sur les champs de bataille ! Lors des razzias sur les villages et les fermes isolées, les hommes sont exécutés, les femmes et les enfants emmenés en captivité pour être vendus aux marchands d'esclaves.

L'emploi de dialogues bien tournés, un peu répétitifs toutefois, est une façon habile de présenter les stratégies et la psychologie du chef de guerre, ainsi que sa technique de motivation des hommes. le récit s'enlise un peu — à mon goût — dans les longues pages guerrières décrivant les positions à attaquer, les préparatifs des hommes et de leurs chevaux, puis les charges, les corps-à-corps. Pérez-Reverte connaît d'expérience le sujet et il sait trouver les mots qui frappent. Mais je n'ai pas pris grand plaisir à lire des évocations du bruit des métaux s'entrechoquant, puis transperçant ou tranchant les chairs des hommes et des chevaux ; pas davantage à conceptualiser le sang qui gicle, les viscères qui se répandent, la poussière qui recouvre les visages des vivants et des morts.

L'auteur s'est attaché à ciseler avec minutie la personnalité de Ruy Diaz, son autorité, sa valeur martiale, son comportement héroïque. L'homme combat avec ses troupes et partage leur ordinaire. C'est un stratège astucieux, dur au mal, qui s'interdit toute faiblesse sentimentale, négocie comme un joueur de poker et sait régler ses comptes avec élégance — à cet égard, la scène finale avec le comte de Barcelone est savoureuse —. Mais il ne transige pas avec ses valeurs et l'honneur chevaleresque.

On retrouve les grands traits de ce personnage dans d'autres romans de l'auteur. Serait-ce parce qu'il lui ressemble ? Dans ses chroniques d'opinion, Arturo Pérez-Reverte témoigne d'un esprit clair, ferme sur les valeurs et indépendant de toute faction. Il est « bien chaussé » dans ses bottes, pourrait-on dire, en référence aux railleries subies par Sidi, au début du récit, à la cour du comte de Barcelone.

Et les femmes ? Unique personnage féminin, Rachida est une belle princesse brune au regard émeraude et au tempérament flamboyant. Elle apparaît très peu et l'on ne saura rien du face-à-face auquel Ruy Diaz s'expose. Pudeur de l'auteur ou volonté délibérée de laisser libre cours à l'imagination des lecteurs et des lectrices ?


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
Commenter  J’apprécie          340
Ruy Diaz, est banni du royaume de Castille par le roi Alphonse VI, pour l'avoir défié. Suivi dans son exil par des hommes qui lui sont dévoués, il va proposer ses services au Comte Berenguer-Ramon II de Barcelone, qui l'humilie, il rejoint alors Al-Mutaman, roi musulman de Saragosse qui le prend à son service.

Arturo PEREZ-REVERTE nous offre un roman captivant. Tout d'abord, nous entrons dans l'Histoire de l'Espagne, avec les guerres de pouvoir. Mais c'est surtout un conte extraordinaire sur un homme hors du commun.

Luis Diaz, est certes un combattant exceptionnel, mais il est humain. Il a ses doutes et ses faiblesses. Homme intègre, il restera fidèle à son roi malgré son bannissement. Sa loyauté et son sens de l'honneur lui vaudront une grande reconnaissance. Il se fait respecter et aimer parce qu'il vit comme ses hommes, il dort sous la même tente, mange la même chose et se retrouve toujours en tête de combat. Il est également respectueux des autres et des coutumes.

L'auteur nous dépeint les paysages, les équipements ; rien n'échappe à son oeil inquisiteur et nous avons l'impression de rentrer dans un tableau, ou en pleine scène de tournage d'un film. Lors des combats, vivons l'intensité des affrontements, nous sentons l'odeur de la terre, du sang, nous sommes aveuglés par la poussière, nous ressentons presque la douleur des blessures.

Et puis, il y a aussi les relations humaines. La vie des troupes, l'amitié, le respect, le sens de l'honneur… Sidi est attentionné envers ses hommes, il est dur mais juste et bon, et tous le suivront jusqu'à la mort s'il le faut… Nous suivons ces hommes vaillants qui vont avec ardeur au combat : vaincre ou mourir…

Bref, un Cid réussi. Pas un surhomme, mais un chevalier qui se bat pour sa vie et pour la survie de ses hommes… Un homme qui connaît le prix de la vie.

Une bonne histoire ne suffit pas, il faut aussi une belle narration, et là nous sommes comblés. C'est un sans faute. Félicitations, Monsieur PÉREZ-REVERTE vous avez réussi votre pari, votre Cid, ou Sidi est une merveille… Merci...

Remerciements à Babelio de m'avoir proposé la lecture de ce roman.

mon compte Instagram @la_cath_a_strophes
Commenter  J’apprécie          313
Tout d'abord un très grand merci à Babelio et à l'opération Masse critique qui m'a permis de recevoir ce beau livre !
Je ressors plutôt emballé par la lecture de ce Cid version Pérez-Reverte. On est ici loin du classicisme de Corneille mais bien davantage dans le bruit et la fureur. Et d'ailleurs le livre m'a souvent fait penser, par la dimension cinématographique de ses description, et l'enchainement de son scénario à un film de Ridley Scott comme Kingdom of Heaven. Même période, même volonté afficher de montrer ce qui rapproche musulmans et chrétiens plutôt que ce qui divise. le livre comprend de très belles scènes et surtout nous permet d'approcher de manière très forte un personnage extraordinaire de combattant (Sidi ou le Cid) particulièrement droit et courageux ayant travaillé successivement pour des rois chrétiens et musulmans dans l'Espagne de la Reconquista (équivalent local si l'on peut dire des Croisades au Proche-Orient).
Les scènes de batailles sont tout à fait puissantes et ce n'est quand même pas si fréquent. On a parfois l'impression de lire un livre en CinémaScope.
Une réserve cependant : l'auteur abuse vraiment à mon sens d'un vocabulaire fort compliqué et disons-le un peu précieux. Ainsi lorsqu'il nomme les musulmans des "agarènes" ! On peut ainsi lire des passages comme "Il se signa, rabattit le ventail du camail". Pour ma part après avoir cherché quelques mots j'ai abandonné et je me suis dit que cela ne devait pas être trop grave. Mais une ou deux fois j'ai trouvé que c'était vraiment exagéré. Par exemple l'emploi fréquent du mot "Moabite" dans ce contexte pose problème car on n'en trouve même pas la signification de manière aisée dans un dictionnaire. (L'auteur veut sans doute désigner ainsi les Almoravides mais c'est dommage de perdre peut-être des lecteurs en route pour cela...).
Cette réserve faite, un très bon livre surprenant et prenant !
Commenter  J’apprécie          270
"Les légendes ne subsistent que vues de loin" (p 38).... Arturo Perez Reverte nous démontre le contraire, tant il nous plonge dans la légende

On a tous en souvenir cette tirade, tirée du Cid de Corneille, que certains ont dû à une époque apprendre par coeur :
"ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Mon bras qu'avec respect toute l'Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi,
Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?
ô cruel souvenir de ma gloire passée !
Oeuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d'où tombe mon honneur !
Faut-il de votre éclat voir triompher le comte,
Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ?
Comte, sois de mon prince à présent gouverneur ;
Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur ;
Et ton jaloux orgueil par cet affront insigne
Malgré le choix du roi, m'en a su rendre indigne.
Et toi, de mes exploits glorieux instrument
Mais d'un corps tout de glace inutile ornement,
Fer jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,
M'as servi de parade, et non pas de défense,
Va, quitte désormais le dernier des humains,
Passe, pour me venger en de meilleures mains."

Et bien vous pouvez oubliez ce que d'aucuns considèrent comme un mauvais souvenir, et plongez vous dans ce roman historique de très bonne facture.
J'avais quitté l'auteur il y a quelques années, 1990/2000 suite à la lecture des aventures du Capitaine Alatriste, ou le tableau du maître flamand.
Peut-être est-ce moi qui avais trouvé un manque de souffle dans ces ouvrages ? , ou peut-être est-ce l'auteur qui avait eu du mal à se renouveler ?.

Quand Babelio et les Éditions du seuil m'ont proposé à la lecture ce nouveau roman d'Arturo Perez Reverte, j'avoue que je ne m'attendais pas à me laisser happer de cette manière.
Il y a pour moi deux types de romans historiques :
Ceux dans lesquels l'aspect historique est un prétexte à venir y apposer un imaginaire, que l'on peut considérer comme collectif, voire une intrigue capillotractée. Et au final vous vous retrouvez avec avec un roman poussif dans lequel tout se mélange pour finir par composer un roman historique ;
Et ceux dans lesquels, vous êtes immédiatement happé par une histoire qui tient la route, une écriture soutenue et rythmée, des personnages charismatiques, un souffle épique, un subtil mélange entre histoire et romanesque. Bref un savant dosage qui une fois bien respecté donne ce genre de passage :

"Il prit de nouveau une inspiration profonde pour juguler le vague frémissement qui montait de son aine jusqu'à son estomac et son coeur. C'était une sensation familière, qu'il avait découverte dix-sept ans plus tôt pendant la bataille de Graus, quand la cavalerie castillane avait chargé celle de l'Aragon.
Ce jour-là, pendant qu'avec trois cents autres cavaliers il baissait sa lance, serrait les dents et piquait sa monture en priant Dieu de le sortir de là vivant, il avait éprouvé pour la première fois, dans les innervations de ses cuisses et de son ventre, la sensation pareille à celle que produit le son d'une lame d'épée dont on avive le tranchant sur une pierre à aiguiser : le profond et subtil effroi, que les mots ne peuvent rendre, de la chair consciente de sa vulnérabilité quand se présente l'acier qui peut la percer, la trancher et la donner en pâture aux vers.
À cet instant-là, il s'aperçut que les Maures avaient découvert que la chênaie leur cachait quelque chose. On les entendait crier dans leur langue, quelques-uns d'entre eux pointaient le doigt dans leur direction, et le gros de la troupe s'arrêtait, en tumulte. Leurs éclaireurs faisaient demi-tour et revenaient au galop.
Le moment était venu.
Il se tendit tout entier et regarda enfin Félez Gormaz. Sans geste ni ordre, celui-ci cracha de côté, porta le cor à ses lèvres et fit retentir un long bramement. Ruy Díaz avait déjà piqué son destrier, qu'il fit sortir du bois.
Allons-y, se dit-il, résigné à l'imminence du choc. Qui s'ajoutait à la trouble sensation d'aller à la rencontre d'un ennemi sans que rien s'interposât entre eux.
De nouveau, il était temps de vivre ou de mourir. D'approcher de la rive obscure.Il éperonna un peu plus, gagnant de la vitesse. Pendant que Persevante passait du pas au trot, il songea un instant à Jimena et à ses filles, avant de les oublier. Là où il allait, elles ne pouvaient l'accompagner. Il était même dangereux de les avoir à l'esprit, elles distrayaient son attention. L'affaiblissaient. le faisaient penser à la vie, au désir de la préserver à tout prix, et cette pensée avait raison de n'importe quel guerrier : c'était le principal empêchement, si l'on voulait rester en vie. "

Vous l'aurez compris les pages défilent à la vitesse d'un destrier lancé à pleine vitesse avant l'assaut.
On ressent la poussière soulevée par les lanciers et le galop des chevaux ;
On sent la chaleur du métal des épées qui s'entrechoquent, des heaumes cabossés par les coups ;
On respire le souffle des hommes qui se battent, de la respiration des chevaux ;
On scrute l'horizon à la recherche des ennemis.
Une immersion dans la légende
Beaucoup se sont emparés du personnage du Cid, mais bien peu en connaisse l'histoire. Celle de Rodrigo ou Ruy Díaz de Vivar, dit El Cid Campeador (littéralement vainqueur de batailles), né peu après l'An Mil, et qui est un chevalier ou plutôt un mercenaire de la Reconquista. Il servira le premier roi de Castille, puis passera au service du roi de Léon, ensuite il se mettra au service de l'émir de Saragosse et deviendra Sid, Sidi : "Sidi Qambitur, dans ma langue… Maître triomphateur, dans la tienne"
Alors en résumé, enfilez votre haubert et votre camail, votre armure, votre heaume attrapez votre écu, et ¡Santiago!. ¡Castilla y Santiago! Foncez vers ce roman

Et Je partis seul à l'assaut de ce livre ; mais sans prompt renfort,
Je me vis repu de ces aventures en arrivant à bon port,
Tant, à le suivre marcher avec un tel visage,
Je lus que les plus épouvantés reprenaient de courage !
Le reste, dont le nombre augmentait à toute page,
Brûlant d'impatience, autour de lui demeure bien sages,
Se couche contre terre, et sans faire aucun bruit
Passe une bonne part d'une si belle nuit.
Par son commandement la garde en fait de même,
Et se tenant cachée, aide à son stratagème ;
Et je lus hardiment d'avoir reçu de ce livre
Une histoire que la légende continuait à faire vivre.

"Le plus souvent, les légendes se construisent sur des défunts. Mais toi, tu es une légende vivante, Sidi Qambitur."
Il est certain qu'avec ce genre de texte la légende est loin de s'éteindre et est bien toujours vivante
Commenter  J’apprécie          2612
Sidi est la version de l'épopée du Cid dans l'Espagne du XI éme siècle par Arturo Perez Reverte. Un roman dense, magnifiquement écrit, qui se concentre en quatre parties sur la période qui a suivi l'ordre de bannissement de Rodrigo Diaz de Vivar (Ruy Diaz) de sa Castille natale suite à ses altercations avec le nouveau roi de Castille et Leon Alphonse VI.

Ruy Diaz était un proche, un familier, le porte-étendard de Sanche II, l'ancien roi, assassiné lors du siège de Zamora. A la mort du roi, il a devant la cour exigé d'Alphonse qu'il jure ne pas avoir ordonné la mort de son frère. Une mise en accusation qui a conduit quelques mois plus tard à cet ordre de bannissement qui oblige le nobliau, chef de guerre, Ruy Diaz à quitter sa femme et ses enfants pour partir avec ses derniers fidèles sur les routes entre royaumes catholiques du nord et taïfas musulmanes au sud et à l'est.

La première partie correspond à cette période de doutes. Ruy Diaz a agi comme sa conception de l'honneur lui ordonnait, par fidélité à Sanche, mais un petit noble de si basse importance n'aurait pas dû s'opposer au nouveau roi. La seule chose qui lui reste, c'est sa connaissance des combats qu'il a partagés avec les quelques guerriers qui l'entourent. Des soldats qui suivent un chef banni et dont il se sent responsable. Des hommes loyaux, qui doivent survivre dans cette zone frontière mouvante entre catholiques et musulmans, où les uns et les autres mènent des raids violents, tuant sans état d'âme et emmenant en esclavage les femmes et les enfants.
Les réflexions de Ruy Diaz sur sa situation et celle de l'époque sont remarquablement amenées par Perez Reverte, avec beaucoup de style.

La deuxième partie va expliquer comment ce chef de guerre, rejeté par tous les grands seigneurs chrétiens, s'est rapproché du roi de la taïfa de Sarragosse, Mutaman. Comment oublier les fantômes du passé, aller au-delà des oppositions religieuses, trouver un intérêt commun ? Perez-Reverte démontre là que les oppositions les plus farouches, les inimitées les plus totales, peuvent aussi, à certains moments, sous l'effet des circonstances, mener à des accords inattendus.

Les troisième et quatrième partie voient le chef mercenaire mettre en place une armée mélangeant chrétiens et musulmans, tous portés par ce chef charismatique, qui va les mener à une première victoire, chèrement payée.

La forme est plus que soignée, l'art de l'écrivain est là. le lecteur chevauche avec Ruy Diaz, le Sidi Qambitur, le maître triomphateur, perçoit ses doutes, son amitié totale pour ceux qui ont choisi de le suivre. L'auteur est dans son élément : un récit d'amitiés, de fidélité, d'honneur, dans un Moyen Age violent et brutal. Un très bon Perez Reverte.
Commenter  J’apprécie          240
On connaissait le Cid de Pierre Corneille, voici Sidi, d'Arturo Pérez-Reverte. du premier, on ne retrouve que Jimena, accordée par le roi à Ruy Diaz qui avait pourtant tué le père de cette dernière pour vider une querelle familiale.
Banni par le nouveau souverain, Ruy Diaz gagne son pain et celui de ses hommes d'armes en se battant pour le plus offrant et en accomplissant les missions guerrières qui lui sont confiées par les puissants.
Ennemi puis allié des Maures, devenu Sidi Qambitur, nous le suivons sur les lieux des combats où s'écrit son épopée. Arturo Pérez-Reverte n'a pas son pareil pour raconter les scènes de bataille, la disposition des armées, l'équipement minutieux des chevaliers, les décisions de leurs chefs et leurs conséquences.
Le récit nous transporte sur la frontière entre deux royaumes, où les alliances se scellent surtout pour conquérir un territoire ou renverser un ennemi commun, bien plus que par tradition ou religion. Maures et chrétiens sont en cela bien semblables, partageant les mêmes vertus, les mêmes prières et les mêmes espoirs.
Ce livre, où le temps se mesure en Credo et en Pater, sent le cuir, le crottin et la sueur, on y brûle sous le soleil aragonais, on y entend comme on y lit le bruit et le fracas des armes et des guerriers, et on y admire ces hommes prêts à mourir pour une étendue de sable ou pour l'orgueil d'un roi.

Un grand merci à Babelio et aux éditions du Seuil pour ce cadeau reçu dans le cadre d'une masse critique.
Commenter  J’apprécie          212
En premier lieu, un grand merci aux éditions Seuil et Babelio pour m'avoir proposé de découvrir ce dernier roman d'Artur Pérez-Reverte dans le cadre de Masse critique. Cet écrivain espagnol a le talent de nous faire battre le coeur au diapason de ses personnages. A l'instar du héros Sidi (plus connu en France sous le surnom du Cid), l'écriture est conquérante et vous prend souvent les tripes, le style ralentit ou s'accélère, savamment, en fonction des chapitres, et c'est tout l'art de l'auteur. Il s'empare d'une légende, Ruy Diaz de Vivar, mélange les réalités historiques et les mythes, et puis forge son propre « Cid ». Les pages se tournent au seul plaisir de la lecture, avec toujours, pour ma part, la tentation d'aller sur Wikipedia, en savoir plus sur ce héros espagnol. Mais faites comme moi savourez l'instant et le bonheur de la découverte.

Au XIème siècle, Ruy Diaz est un valeureux chevalier attaché au roi de Castille, Sanche. Malheureusement, ce dernier meurt dans des circonstances qui poussent Ruy Diaz à demander de façon irrévérencieuse au nouveau roi Alphonse, s'il n'est pas l'assassin de son défunt frère. Alphonse VI va en garder rancune et le bannira du royaume de Castille. Ruy Diaz à la tête d'une troupe de mercenaires fidèles, lutte aux frontières des royaumes musulmans. Son panache, son courage et son audace vont lui valoir le surnom de Sidi, Maître. A partir de là, il vendra son épée au plus offrant, seigneurs Chrétiens ou Maures. A cette époque, il n'est pas rare que les alliances entre Maures et Chrétiens se fassent au détriment d'autres territoires chrétiens ou musulmans. Dans ce roman, Arturo Pérez-Reverte retrace une partie de la vie de Ruy Diaz, quelques mois, qui vont faire de faire de lui, une légende.

Je connaissais le Cid à travers les vers de Corneille dont « Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort - Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port. » Mais la tragédie de Corneille est très loin de la réalité historique, si tant est qu'elle soit vérifiable. Avec Arturo Pérez-Reverte c'est plutôt le souffle épique qui traverse les pages, on y croise la violence des combats, la peur, la mort omniprésente, mais aussi des moments de grâce, la croyance à un Dieu tout puissant, l'amour et l'amitié entre les guerriers plus forte finalement que tout le reste.

Lien : https://jmgruissan.wixsite.c..
Commenter  J’apprécie          182
Tout d'abord avant de débuter cette chronique, un grand merci à vous, Nathan , ainsi qu'à toute l'équipe Babelio pour m'avoir de nouveau proposé une lecture lors de cette masse critique privilégiée. Merci également aux éditions Seuil pour l'envoi de ce livre.

Qui ne connait pas l'épopée de Rodrigo Diaz de Vivar, dixit le Cid ou Sidi!
Corneille s'en est inspiré tout comme de multiples artistes revisitant le mythe de ce célèbre guerrier, figure de l'Espagne.
Arturo Pérez-Reverte, à son tour, nous livre son propre portrait.

XIème siècle.
L'Espagne se déchire entre royaumes. Léonais, Castillans, Galiciens, Francs, Aragonais, Asturiens, Navarrais s'affrontent entre eux, se lient parfois par alliances et surtout s'attaquent ou résistent aux Royaumes Maures quand ils ne pactisent pas...
Banni par Alphonse VI suite à la mort du roi Don Sanche, Sidi Qambitur, le campéador, (le triomphateur) chef de guerre craint et adulé vend ses services aux bourgeois les plus offrants qui le missionnent lui et sa fidèle armée.

Arturo Péres-reverte n'en est pas à son premier roman historique et on le ressent bien.
Sa plume nous fait parcourir les plaines et montagnes arides d'Espagne comme si nous y étions. Là, chevauchant avec cette armée, à ressentir les éléments et la poussière, la fatigue, les muscles tendus.
Guerriers, recrues, va-en-guerre, nous portons le poids du combat et de l'attente interminable de l'assaut.
Il balaie tout un pan de l'histoire espagnole au gré des voies empruntées vieilles de plusieurs siècles foulées tant par les romains et les goths que les envahisseurs islamiques.

L'art de la guerre de ce stratège transperce les pages au même titre que les âmes des soldats de Ruy Diaz qui sont admirablement traitées. Au delà de leur fait d'armes sans pitié, se sont bien celles d'hommes n'ayant que deux dogmes, Dieu et Sidi ( maître en Maure) .
Sidi, cet homme au nom qui résonne dans toutes les contrées , conspué des rois chrétiens , redoutable et calculateur, conquérant émérite aux multiples victoires, héros inébranlable des plus grandes batailles mène ses troupes pour la survie de tous.
De déconvenues en conquêtes se tissent au beau milieu de la sauvagerie un code d' honneur et de respect tandis que s'élève la félonie des divers royaumes.
Perez Reverte épice à merveille cette épopée que ses mots illustrent sans peine , exalte le lecteur par un rythme toujours à propos.

Au delà de la guerre, c'est aussi la richesse des mélanges des cultures qui ressort , l'accent sur les nuances d'un islam modéré maure face aux charges dévastatrices des djihadistes venus d'Afrique du nord, les réceptions somptueuses dans des palais féériques orientaux à l'opposé de l'austérité chrétienne, les populations décimées ou vouées à l'esclavage, puis ces existences pour d'autres vouées aux combats sur leurs chevaux, les alliances de tacticiens que tout opposait.
Deux maitres mots : conquêtes et pouvoir.

Ainsi était l'Espagne médiévale.
Ainsi Sidi fut l'Espagne.

Voilà un roman historique sur le Cid que je n'aurais pas choisi, un peu loin de mes choix littéraires du moment et j'en suis donc doublement comblée. En grand reporter de guerre, Perez-Reverte éxecute avec brio l'ecriture des champs de bataille et des esprits guerriers. Une découverte fort intéressante doublée de voyages dans le temps qui m'ont littéralement happée et ravie.
Tout me pousse à approfondir l'oeuvre d'Arturo Perez-Reverte.

Un roman d'une grande maîtrise, passionnant et exaltant.
Commenter  J’apprécie          180
Le Cid, ma première lecture de la tragédie de Corneille, en classe de quatrième, si je ne me trompe pas … Quel scénario ! Mais à part cette réminiscence livresque, aucune notion de ce que fut réellement ce personnage historique. Comme bien des gens, je pensais tout bonnement que c'était un héros de la Reconquista espagnole et je le situais un peu avant 1492 …

Erreur : nous sommes en 1082 ! le décor est donc celui de la fin du 11ème siècle, le long de la frontière fluctuante entre les royaumes chrétiens et les taïfas musulmanes, les uns et les autres combattant sans relâche, soit pour arrondir leur territoire soit pour se combattre entre frères ennemis.

Ruy (Rodrigo) Diaz de Vivar dit El Campéador ou Sidi Quambitur est né en 1043. C'est le capitaine d'une troupe de mercenaires chrétiens employé au service du roi Sanche II de Castille, puis de son frère Alphonse II que celui-ci a fait assassiner pour lui ravir le trône. Contraint à l'exil par Alphonse, Ruy loue ses services et ceux de sa troupe à qui veut employer ses talents de chef de guerre déjà auréolé du parfum de la victoire.

Humilié par le comte Berenguer-Ramon II de Barcelone, il rejoint Al-Mutaman, roi musulman de Saragosse. Il est loyal à celui qui le paie, lui et les soldats de métier dont il assume toute la responsabilité, ceux qui l'ont suivi dans l'exil comme ceux qui l'ont rejoint par la suite. La relation entre ces deux êtres d'exception, malgré la différence de leurs croyances, sera faite de respect et même d'amitié.

C'est là que se déploie tout l'art de conteur d'Arturo Pérez-Reverte : son expérience de correspondant de guerre au coeur des conflits en Europe et au Moyen-Orient, sa connaissance des sentiments des chefs avant la bataille, la lutte pour la survie, la ténacité au cours des combats sanglants.

La description de l'équipement des combattants – le heaume, la cotte de mailles, les armes blanches, les boucliers, les destriers – nous font penser à la fois aux protections dont sont équipés aujourd'hui les combattants ukrainiens et aux guerriers de Guillaume le conquérant à la même époque.

C'est un roman d'action, certes, mais surtout de psychologie, de relations entre soldats, entre chrétiens et musulmans, d'hommes pour lesquels l'honneur est une valeur sacrée, mais la cruauté des batailles intense.

L'essentiel de l'ouvrage est consacré à la description d'une campagne particulièrement sanglante et au sort incertain : la bataille d'Almenara qui opposa Al-Mutamán, roi de Saragosse contre son frère Mundir, gouverneur de Lérida, allié au comte Berenguer de Barcelone ainsi qu'au roi d'Aragon Sancho Ramírez.

Bien avant la prise de Valence, qui rendit définitivement célèbre Ruy Diaz, c'est le roman d'un épisode de la vie magnifique d'un combattant prévoyant et humble, partageant tout de la rude vie de ses hommes, intransigeant vis-à-vis de son allégeance au seigneur qui l'emploie, restant néanmoins fidèle au roi de Castille auquel il réserve toujours un cinquième de ses prises de guerre …

Un livre qui se lit sans répit, vous transporte au milieu de la bataille, plus haletant que n'importe quel film d'action … Un des meilleurs d'Arturo Perez-Reverte, dont j'ai lu presque toute l'oeuvre. Un régal !
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
Commenter  J’apprécie          170




Lecteurs (447) Voir plus



Quiz Voir plus

Connaissez-vous Arturo Pérez-Reverte ?

De quelle nationalité est-il ?

espagnole
argentine
colombienne
mexicaine

8 questions
134 lecteurs ont répondu
Thème : Arturo Pérez-ReverteCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..