La bibliothérapie, il en est question sur Babélio.N'étant pas vraiment en confiance avec ce terme, je n'avais jamais poussé plus loin ma recherche d'information sur le sujet.
En revanche j'avais, comme tout un chacun, expérimenté des moments de lecture pénibles, voire interrompus, et des moments extrêmement plaisants, joyeux voire extatiques, réparateurs et source d'un extraordinaire sentiment de connivence intellectuelle, mais aussi émotionnelle, avec l'auteur. Et, oui, il y a des livres dont la lecture a changé ma vie, comme des livres qui refusent de s'ouvrir à ma lecture, ce sont mes "illisibles" et ils font aussi partie de ma bibliothèque..
Alors le titre de ce livre:« Ces livres qui nous font du bien » a provoqué le déclic du désir de lire. Et celui de partager ma lecture comme je m'y étais engagée. Donc voici.
La journaliste Christina Pellé-Douël signe ici ici un ouvrage hybride, information et écriture de soi, à la limite entre l'essai et le témoignage, démarche qui en elle-même reflète bien ce que noue la lecture entre notre être profond et le monde.
Elle informe mais aussi partage sa propre expérience de lectrice en convoquant sa propre subjectivité ainsi que le témoignage de plusieurs écrivains ou chercheurs.
Cette démarche est bien en lien avec la nature composite de la lecture ( et de l'écriture) dans l'expérience humaine.
Le lecteur, par l'acte de lire, ne fait pas qu'absorber et découvrir le texte de l'auteur. Il le crée en le passant au filtre de sa propre subjectivité, de sa sensibilité individuelle. Ce faisant, Il enrichit son propre univers mental d'images par la confrontation avec celui d'un auteur, qu'ilcomprend en relation avec ce qu'il a lui même expérimenté ou vécu, pour lequel il n'avait pas forcément de mots En tout cas pas les mêmes.
Les textes lus apportent donc bien plus qu'une connaissance du monde, ils sont le ferment d'une forme de construction de soi, qui passe dialectiquement par une construction du monde. Au carrefour de soi et du monde, il y a la rencontre avec la chose écrite,.
Ici il me semble que l'on peut introduire une digression qui ne figure pas dans le livre, mais dont la teneur m'est venue à sa lecture !
La rencontre initiale de l.être humain ne se fait pas avec les mots écrits, mais Les mots dits et entendus.Avec les Les mots, ou plutôt leur image sonore, comme l'ont brillamment montré Sartre dans l'ouvrage éponyme , et Leiris pratiquement dans toute son oeuvre. Pour un enfant le langage est d'abord une masse sonore indifférenciée, d,où émerge rapidement une construction personnelle de sens,en rapport avec l'entourage de l'enfant : « Karlémami » pour Sartre, le fameux « 'reusement » de Leiris sont des vestiges de cette langue originelle et personnelle, qui transparaît encore dans les mots d'enfants et qui est recherchée et travaillée sous une autre forme dans la poésie., certaines formes d'humour...le rébus, tous Les jeux de langage.Cette langue originelle est ensevelie sous le langage codifié et obéissant à des règles . Ainsi le père de Leiris lui fait il savoir qu' o n ne dit pas « reusement » mais heureusement', ce souvenir marque pour Leiris la vraie entrée dans le langage. Il me semble que l'alchimie de la lecture est une sorte de récréation, à partir du texte d'un autre, de cette création du monde qu'est la langue personnelle, originelle, par l'enfant qui s'appuie à la fois sur la masse sonore où se constituent Les mots, et sur leur différenciation, leur découpage sonore et sémantique permettant l'emergence d.une signification, puis d'un partage.
Ce qui expliquerait peut-être aussi pourquoi chacun est plus sensible à un style, une écriture, qu'à une autre, et la préférence pour certains livres, voire certains types d'ouvrages.
Sur le versant de la signification, l'enfant entre dans le partage par le sens partagé.Si le petit Michel Leiris perd le plaisir ressenti à la création et à l'usage, disons privatif, de son " 'reusement", il gagne cependant sur le plan de la communication, à partager et utiliser le commun "heureusement" de tout un chacun. Cette acceptation de la langue commune et plus tard la maîtrise de celle—ci, l'amèneront à devenir écrivain, ethnologue, et passionné du langage et de ses résonances .
Mais il est encore question d'autre chose dans la lecture : ici nous revenons à l'auteure, pardon pour cette digression un peu longue j'en conviens.
Ne peut on dire que l'accès au langage et à ce qu'il permet de réalisation de soi, de sa relation au monde, et sa perpétuelle construction n'advient que par la lecture ? Par lecture il faut entendre ici rencontre. la lecture pourrait elle avoir le même effet sur un non lecteur, s'il lui était possible de disposer d'une machine à lire, ou d'une personne à sa disposition lui lisant sa bibliothèque ? C'est une idée un peu artificielle, mais à laquelle il faut réfléchir, puisqu'elle pose une foule de questions concernant notamment la prise en charge du handicap de non lecture dans notre société de l'écrit.
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L'auteur convoqué ici la neurologie pour nous expliquer comment le mouvement des yeux lors de la lecture active des zones corticales de reconnaissance des formes qui voisinent elles.même avec toutes les zones du langage, ce qui permet un échange et une inter connexion entre déchiffrage et image mentale. C'est le niveau « neurologique » de la lecture, qui est sollicité au moment de l'apprentissage de celle- ci, et qui fonctionne de façon automatisée durant toute la vie, d'autant plus efficace et rapide qu'elle est exercée, bien sûr.
Mais ce qu'on pourrait appeler le socle de la lecture est incomplet sans l'entrée en jeu de l.affectivité, c'est à dire la capacité de ressentir soi même les émotions décrites,d'être dans l'action décrite tout en sachant qu'il ne s'agit pas de la réalité présente, mais qu'elle a cependant autant de poids que cette réalité.
Le pouvoir évocateur de la lecture se complète de la conservation de ces données sous forme physique ( l'objet livre) et maintenant numérique.Ce pouvoir concourt à une construction en même temps qu'une évolution permanentes de notre univers mental, que ce soit sur le plan de la rationalité ou sur le plan des affects.
Il régule notre rapport au monde. Simone de Beauvoir disait avoir mis, dans sa jeunesse, toute l'humanité entre elle et sa tristesse, en lisant les philosophes. Des otages tels que JP Kaufmann ont survécu psychiquement et physiquement grâce â un livre.
Les souvenirs de lecture d'enfance sont souvent rattachés à des bruits, des odeurs, des situations, des sensations kinesthésiques qui sont mobilisables à chaque relecture du même ouvrage.On pourrait dire que chaque lecteur de Proust a sa , ou ses madeleines.
Dans l'ouvrage de C. Pellé-Douëll, l.indicible même parvient à se dire, l'auteure nous livrant l'impact d'un traumatisme infantile soigné, (sinon guéri ? )par la lecture. illustration de l'idée que lire, c'est partager avec l'auteur un bonheur ou une douleur qui nous apparaissent communs, voire surmontables, et in fine surmontés. Que des univers mentaux même très différents du nôtre peuvent allumer un phare dans la nuit, une communauté d'expériences ou d'images mentales, de sensations, de moments émotionnels passés ou présents . Et permettre de construire un avenir.
La lecture est consubstantielle à la vie car elle est consubstantielle au langage. Par le partage mental qu'elle permet, elle soigne et parfois guérit. Engagée dans le soin et l'accompagnement auprès de personnes non lectrices, je suis donc par ailleurs fortement interrogée dans ma pratique auprès de ces personnes. Mais ceci est une autre histoire...
Je remercie d'autant plus l'auteure Christilla Pellé-Douël, l'éditeur Marabout, et bien sûr Masse Critique sans qui je n'aurais pas pensé à ouvrir ce livre.
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Depuis le jour où j'ai entendu le mot "Bibliothérapie" pour la première fois - grâce à Régine Detambel et à son livre "Les livres prennent soin de nous" que je ne remercierai jamais assez -, je me passionne pour cette "médecine ultra-douce" selon laquelle les mots peuvent guérir nos maux. Les bienfaits de la lecture sont tels que n'importe quel imprimé pourrait s'avérer plus efficace que n'importe quel comprimé.
À travers son ouvrage, la journaliste de "Psychologies Magazine" Christilla Pellé-Douël nous fait partager sa passion de la lecture et les livres qui ont bercé sa vie. Elle cite des exemples de livres qui lui ont fait du bien, à un moment de sa vie, qui l'ont aidé à relativiser, à aller de l'avant, à retrouver le moral et le sourire quand ça n'allait pas. Pour appuyer son propos, elle a interrogé des auteurs comme Douglas Kennedy, Lionel Duroy et Jean-Claude Carrière sur LE livre qui a changé leur vie, qui les a ouvert à la littérature, qui a tout fait basculer... Le témoignage de Boris Cyrulnik s'identifiant au héros de "Sans Famille" d'Hector Malot suite à la perte de ses parents m'a particulièrement émue.
Elle nous explique qu'il y a toujours un livre adapté à nos besoins.
Vous avez le cafard ? Courez dans votre librairie acheter "Trois hommes dans un bateau (sans parler du chien)" de Jérôme K. Jérôme ou "Scoop" d'Evelyn Waugh, nous dit l'auteur.
Vous vous sentez complètement désespéré ? "84, Charing Cross Road" de Helene Hanff ou "Un de Baumugnes" de Jean Giono raviveront cette lueur d'espoir qui continue de luire au fond de vous.
Vous avez du mal à dormir ? Troquez vos somnifères contre "Insomnie, mon amie" de Philippe Romon.
Un chagrin d'amour - oui, on peut en guérir - vous mine le moral ? "La pitié dangereuse" de Stefan Zweig recollera les morceaux de votre petit coeur brisé.
Voilà pour mon auto-médication :
* En cas de cafard : "Beignets de tomates vertes" de Fannie Flagg, "L'ours est un écrivain comme les autres" de William Kotzwinkle ou encore "Le Club des incorrigibles optimistes" de Jean-Michel Guenassia
* Contre l'ennui, "Jules" de Didier van Cauwelaert ou "Lolita" de Nabokov
* Contre les chagrins d'amour, "En attendant Bojangles" d'Olivier Bourdeaut.
* Pour amuser la libido, "L'amant de Lady Chatterley" de D.H. Lawrence.
Cette lecture m'a énormément apporté : non seulement, une liste incommensurable de livres à ajouter à ma PAL, mais aussi, beaucoup de confort moral et une grande joie. Je sais que si je me sens chafouine, chagrinée, contrariée, découragée, je pourrais composer ma propre ordonnance avec des ouvrages conseillés par Christilla Pellé-Douël ou les auteurs qu'elle a interrogés. Autant dire que les 3/4 des pages de ce livre sont cornées, que je le garde sur mon coeur comme un talisman, un porte-bonheur, et que jamais, ô grand jamais, je n'éloignerai sa belle couverture de mon champ de vision.
UN IMMENSE MERCI AUX ÉDITIONS MARABOUT ET À BABELIO POUR CE CADEAU !
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Les Contemplations, Victor Hugo
(GF/ Flammarion, 2008)
C'est une histoire d'amour et une histoire d'enfance. Ma mère et mon grand-père-mort avant ma naissance- adoraient Victor Hugo. Mon amour pour ma mère s'est mêlé à la découverte du poète, qui a baigné mon enfance et dont les poèmes ont été associés au délice de sa lecture à haute voix. (...)
J'étais jeune adulte lorsque ma mère est morte. -Les Contemplations- se sont glissées tout naturellement dans ma main. Leur lecture me permettait de retrouver sa voix, sa présence, son odeur, et le sentiment à jamais évanoui de la délicieuse sécurité de l'enfance. (p. 170)
Le grand marin, de Catherine Poulain (L'Olivier, 2016)
Durant dix ans, Catherine Poulain, aujourd'hui bergère et viticultrice en Provence et dans le Bordelais, a travaillé sur des bateaux de pêche en Alaska, seule femme à bord au milieu d'une dizaine de marins, tous plus fracassés les uns que les autres. (...)
Son écriture a la force des vagues de l'océan glacial arctique. On sort de ce livre requinqué, ébloui, haletant, les joues rougies. Certains lecteurs, peut-être décideront de faire leur sac et d'embarquer. Pour moi, il est un alcool fort à boire en cas de coup de froid. (p. 139)
Le déploiement de l'écriture de Donna Tart, comme un ruban soyeux qui se déroule devant les yeux du lecteur, est un vrai remède à la nostalgie, une consolation.
-Le Chardonneret- m'a serrée contre lui, m'a consolée lors de moments douloureux. Sa lecture était un message qui m'était destiné, envoyé par une amie. "Ne te perds pas, chuchotait-il, prends soin de la petite fille que tu es encore, ne te laisse pas entamer." Cet été-là, il faisait froid et humide dans la petite maison. Beaucoup moins avec ce roman. (p. 136)
Keith Oatley, professeur de psychologie cognitive à l'Université de Toronto, explique dans son livre "Such stuff as dreams: the psychology of fiction" publié en 2011, que:"la fiction est une sorte de simulation,de celle qui fait marcher, non pas un ordinateur, mais nos cerveaux: une simulation de nos différents "soi", dans leurs interactions avec les autres et la société, reposant sur l'expérience, et nous offrant la possibilité de penser un futur"
L'"ajustement " du lecteur à la narration,au personnage, à l'intrigue, dans le cas de la fiction, ouvre la porte à une autre dimension, brillamment analysée par Marc-Alain Ouaknin: celle de l'homo legens, l'"homme lisant", la lecture devenant un acte créatif en soi.
Commençons par le commencement. Que signifie le mot " bibliothérapie " ? Eh bien ,tout simplement : " soigner" par le "livre". Avant d'aller plus loin et pour sourire un peu, on pourrait s'amuser à prendre le mot au pied de la lettre: faire des tisanes de livres, manger des feuilles en poudre, renifler les pages et se faire enivrer par l'odeur forte de l'encre... (p. 21)
Christilla Pellé-Douël chronique Lab Girl, le livre de la géobiologiste américaine Hope Jahren, dans l'émission Grand bien vous fasse d'Ali Rebeihi sur France Inter.
Lab Girl est une multitude. Il est le témoignage autobiographique, intime et passionné d'une femme qui s'est battue pour devenir ce qu'elle est, et parvenir à s'imposer dans un milieu dominé par les hommes. Il est une célébration du génie végétal, du sol et de la nature qui changera à jamais votre façon de voir le monde. Il est enfin le portrait sensible et émouvant d'une amitié indéfectible.
Lab Girl est le premier livre de la géobiologiste Hope Jahren. Nous la suivons depuis son enfance dans le Minnesota et ses premiers jeux dans le laboratoire de son père jusqu'à ses voyages sur le terrain, à travers les États-Unis, la Norvège et l'Irlande, accompagnée de Bill, son fidèle et brillant collègue. Les histoires qu'elle nous raconte sont une ode à la curiosité, à l'humilité et à la passion et autant de preuves que le travail et l'amour peuvent déplacer des montagnes.
Lab Girl est une incitation à devenir maître de sa vie et à découvrir qui l'on est vraiment, ainsi qu'un plaidoyer pour la protection de notre environnement. Viscérale, lumineuse et souvent drôle, Hope Jahren nous invite à l'observation. Avec les yeux, mais aussi avec les mains et le coeur.
MERCI FRANCE INTER
LAB GIRL I Une histoire de sciences, d'arbres et d'amour epflpress.org/produit/928/9782889152841
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