L'écriture de
Claude Pélieu, essentiellement urbaine, est le lieu où il essaie de rassembler les bribes insensées qu'il trouve dans le bruit et la fureur. Cette écriture, comme l'a écrit Bernard Demandre (in médiapart), semble jeter sur la page des mots volés en éclats, désintégrant la grammaire, procédant principalement par juxtapositions, énumérations, aboutissant à des catalogues d'images, séries de propositions sans liens manifestes, accumulations de délires verbaux dont le texte réalisé tient lieu de ciment, comme serait une poésie du chaos, dans un monde à feu et à sang : « le monde / vole en éclats / éblouissements / vertiges, spontanéité / J'écris en crachant / la sueur des mots, / à perdre haleine ». Violences verbales que le texte permet d'éructer et dont la lecture à voix haute vérifie la violence du souffle nécessaire à son expression et l'épuisement physique qui en découle. Il y a un halètement du texte comme il y a un viol des mots et des sens, capable de déchirer la bouche qui les façonne. Formes du cri longuement ululé face à notre monde où le capitalisme triomphant ne donne plus à voir que cet écartèlement, dont l'art contemporain ne cesse de témoigner, à l'image des poupées déchirées de Bellmer, par exemple : « comme discontinuité et dissociation …/ comme l'éternelle poussière blindée de silence … / comme le capitalisme moderne /comme l'industrie culturelle … / comme le discours sans dialogue des mass média / comme l'artiste mutilé refoulé … /comme ici on oublie toute raison langage univers … ».