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Citations sur Tenir sa langue (142)

En bas de notre immeuble, à côté du mur de la chaufferie, il y a une
fenêtre avec une vendeuse derrière. On doit lui dire ce qu’on veut en
fonction de ce qu’il reste. Elle pèse tout sur une grande balance bleue avec
une flèche qui oscille. Sur un plateau elle pose ce qu’on achète, sur l’autre
elle met des cylindres, quand la flèche du cadran est au centre, elle s’arrête.
Ensuite elle fait claquer les perles en bois sur les tiges du boulier et annonce
un chiffre. Ma mère tend les papiers carrés qui donnent le droit d’acheter et
ensuite les roubles. Sans les papiers carrés, les roubles ne servent à rien. La
plupart du temps on cherche des œufs, de la farine, du lait, du sucre, de la
margarine et du papier toilette. Comme tout le monde. Quand il y en a, il y
a toujours la queue. C’est un indice d’arrivage. Le matin, ma mère regarde
depuis le balcon. S’il y a une file d’attente, on descend.Aujourd’hui elle y
va seule. J’ai un atelier au Palais des Pionniers.
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Nina, c’est sa copine. Moi, je l’appelle tiotia Nina. Il y a différentes
sortes de tiotias : tiotia Sviéta, tiotia Masha, tiotia Rita, des femmes-adultes
qui sont aussi mes tantes, et puis tiotia Nina, qui n’est pas ma tante mais qui
est une femme-adulte et de ce fait une tiotia. Comme ma mère et tiotia Nina
ont le même âge, et que l’une n’est pas la tante de l’autre, elles s’appellent
directement par leurs prénoms. Ensemble, elles font des expériences
culinaires. Elles préparent des plats du livre de recettes en se passant des
ingrédients qui manquent. À la fin elles décident si le résultat peut encore
porter le nom du plat ou pas. Par exemple, pour la charlotte aux pommes,
elles ont trouvé qu’en dehors de la farine et de la margarine, on pouvait se
passer de tout. Si on n’a pas de pommes, il suffit de l’appeler charlotte tout
court. Quand ma mère et tiotia Nina parlent cuisine, le rêve c’est le poulet.
La dernière fois que mon père a réussi à en rapporter un, c’était pour la
Victoire. On s’est mis à le plumer tous ensemble, puis ma mère a passé la
chair blanche et froide au-dessus de la gazinière. Ça sentait les cheveux
brûlés jusqu’à la porte d’entrée. Quelques heures plus tard, le poulet entouré
de patates était sur la table. Chaud et doré. Le lendemain, tiotia Nina a
appelé ma mère pour savoir comment ça s’était passé.
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A l'ecole, ce que mes copines disaient des iévrei, des zhidy ça mes faisait de la peine. C'était blessant mais il fallait se taire,il fallait tenir. Et j'ai tenu. Que ça se sache-pour ma mére-qu'on sache qu'elle est juive,c'était ma plus grande peur.

(P.26)
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Ma tante a le judaïsme clingnotant. Chez elle, 'le people juif' oscile entre le 'nous' et le 'ils'. Elle est juive sans l'être. On dirait que c'est au cas où. Au cas où quoi je ne sais pad mais si je pose une wuestion sur le 'nous', il faut y aller mollo sinon on a vite fait de rater l'embranchement et on se retouve en plein 'ils'.

D'accord ,je dis mais alors pourquoi elle change in 1954,pourqoi pas avant? Pour ne pas nous gâcher la vie. Voilà pourquoi. (P.25)
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Russe à l’intérieur, français à l’extérieur. C’est pas compliqué. Quand sort on met son français. Quand on rentre à la maison, on l’enlève. On peut même commencer à se déshabiller dans l’ascenseur. Sauf s’il y a des voisins. Sil y a des voisins on attend. Bonjour. Bonjour. Quel étage ? Bon appétit. Il faut bien séparer sinon on risqueRusse à l’intérieur, français à l’extérieur. C’est pas compliqué. Quand sort on met son français. Quand on rentre à la maison, on l’enlève. On peut même commencer à se déshabiller dans l’ascenseur. Sauf s’il y a des voisins. Sil y a des voisins on attend. Bonjour. Bonjour. Quel étage ? Bon appétit. Il faut bien séparer sinon on risque de se retrouver cul-nu à l’extérieur. Comme la vieille du cinquième qu’on a retrouvé à l’abribus la robe de chambre entrouverte sans rien dessous. Tout le monde l’a vue. On a dit « elle ne savait plus si elle était dedans ou dehors ». de se retrouver cul-nu à l’extérieur. Comme la vieille du cinquième qu’on a retrouvé à l’abribus la robe de chambre entrouverte sans rien dessous. Tout le monde l’a vue. On a dit « elle ne savait plus si elle était dedans ou dehors ».
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Un matin l’annonce tombe. « Polina demain tu vas à la maternelletchik ». Quand ma mère ajoute « tchik » à la fin des mots c’est qu’elle cherche à le radoucir. Si c’est un mot inconnu ça ne présage rien de bon. Ma mère m’explique à quel point cette maternelletchik est nécessaire. Indispensable même. Sinon je n’apprendrai jamais le français. Qui a dit que je voulais l’apprendre ? Je ne suis même pas tout à fait sûr d’être au clair sur ce que c’est. Il semblerait que si jeudi Sava ?, l’autre va comprendre que je demande comment il se porte. Et si je dis Sava ! On comprendra que je vais bien. Je ne sais pas pourquoi à Moscou « sava » va dire « hibou ». Je ne sais pas pourquoi ici il faut dire « hibou » pour se donner des nouvelles.
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Ma tante a le judaïsme clignotant. Chez elle « le peuple juif « oscille entre le « nous » et le « ils » . Elle est juive sans l’être. On dirait que c’est au cas où. Au cas où quoi, je ne sais pas mais si je pose une question sur le « nous », il faut y aller mollo sinon on a vite fait de rater l’embranchement et on se retrouve en plein « ils ».
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Quand t’as tes règles t’as pas le droit d’entrer dans l’église. T’as pas le droit parce que t’es sale et l’église c’est propre alors t’attends. T’attends d’être propre, et quand c’est bon tu y retournes avec ta jupe longue, tes cheveux couverts et ta phase lutéale.
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À la rentrée de quatrième, je reçois un courrier de Lionel Jospin. C’est le Premier ministre. Ma sœur dit que c’est pas lui qui a signé c’est une machine. N’empêche. Dans le courrier il écrit « française de plein droit par naturalisation du père. Autorisée officiellement à s’appeler Pauline ». Mon père dit C’est bien, ça te donne le choix. Maintenant c’est officiellement Polina dedans et Pauline dehors.
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A Sciences-Po, le premier jour de cours, on s'est retrouvés dans le même groupe d' "introduction à la sociologie". Je ne connaissais personne. Je me suis assise derrière une rangée de types de mon âge qui avaient déjà une cravate enfoncée dans la pomme d'Adam et un attaché-case en cuir. Je me suis dit qu'à part la calvitie ça ne leur laissait pas beaucoup de marge pour la suite.
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