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En rencontrant Toumamy Coulibaly, en tentant de le comprendre, Mathieu Palain s'est lancé dans une aventure risquée mais ô combien passionnante et enrichissante !
Très instructif aussi, N'arrête pas de courir débute avec le premier parloir entre Mathieu Palain, journaliste, et Toumamy Coulibaly, Champion de France du 400 mètres mais voleur multirécidiviste. Ils ont le même âge et ont grandi dans la même banlieue, au sud de Paris.
Débute alors une série de rencontres durant lesquelles Coulibaly se livre de plus en plus, exprime ses doutes, ses souffrances. Après avoir subi la surpopulation abominable de la maison d'arrêt, il est maintenant dans le centre de détention de Réau (Seine-et-Marne).
Sportif très doué pour courir le 400 mètres, une des courses les plus pénibles de l'athlétisme, un sport qui ne nourrit pas son homme, Coulibaly parle du Mali d'où vient sa famille, pays où il passe plusieurs années dans un village loin de Bamako. Si son père l'a envoyé au Mali rejoindre sa mère alors que celui-ci vide les poubelles à Paris, c'est parce que Toumamy, né le 6 janvier 1988, a déjà fait plusieurs bêtises.
Élève du CM1, il a volé la gameboy d'un camarade puis continue dans les magasins, pour l'adrénaline, sans en tirer profit. Déjà, à cet âge-là, il connaît sa première garde à vue de quatre heures.
Quand il revient en France, en 2004, il a 16 ans et s'intéresse aux filles. Trois ans plus tard, il rencontre Rita qui lui donnera trois enfants et ne l'a jamais abandonné malgré les vols, les cambriolages perpétrés par cet homme qui ne sait pas dire non lorsqu'on le sollicite pour un mauvais coup.
Construit en trois grands mouvements, le récit s'éloigne parfois de son principal sujet. Mathieu Palain fait part de ses expériences souvent en lien avec le milieu carcéral. Quand il évoque Lorentxa Beyrie, militante basque incarcérée depuis des années, lui reviennent en mémoire ses vacances au Pays Basque. C'est sûrement à partir de là que l'auteur a commencé à s'intéresser aux personnes détenues. Il enquête sur la plus grande prison pour femmes à Rennes. Il part aux États-Unis pour rencontrer Dewey Bozelli, libéré de Sing Sing après vingt-six ans d'incarcération pour un crime qu'il n'a pas commis. Mathieu Palain va aussi à la rencontre des violeurs et pédophiles soignés dans l'hôpital pénitentiaire de Fresnes puis a connu aussi beaucoup d'autres lieux de privation de liberté, tout cela complété par une participation à des groupes de paroles et même une ascension du Mont Blanc avec deux hommes en détention à Bourg-en-Bresse qui n'avaient pas vu un arbre depuis deux ans.
L'intérêt de la lecture de N'arrête pas de courir ne décroît jamais car Mathieu Palain écrit de façon vivante et variée, n'abusant pas des dialogues, incluant même les courriers de Toumamy Coulibaly alors que ses permis de visite ont été suspendues.
En effet, plusieurs psychologues le mettent en garde, lui disant de « penser à se protéger » et obtiennent de la direction du Centre de détention cette suspension qui n'altère pas la relation entre ces deux hommes du même âge, sportifs tous les deux.
Si la fin du livre est ouverte, elle permet à Toumamy d'apporter des explications, tentatives de compréhension pour ces vols sans cesse recommencés comme au soir de son titre de Champion de France 2015 du 400 m, en salle. Dans la violence du système carcéral, Toumamy Coulibaly a tenté d'y voir plus clair, de se comprendre lui-même pour que son retour à la vie normale soit réussi. Rita, ses trois enfants et lui-même le méritent bien.
Quelle belle fin avec le texte de la chanson de Lluis Llach : Voyage à Itaque : « Bon voyage aux guerriers, pourvu que les dieux des vents leur soient favorables, que leurs filets se remplissent de lumière, d'aventure et de connaissance », poème envoyé par Lorentxa.
N'arrête pas de courir, de Mathieu Palain, fait partie des huit livres en lice pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives 2022.

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Mathieu Palain et Toumany Coulibaly sont nés la même année, en 1988, à six mois d'écart et ont grandi tous deux dans la même banlieue, au sud de Paris.
Le premier est devenu journaliste, avec comme univers de prédilection, la prison, et écrivain alors qu'il rêvait d'être footballeur. Quant à Toumany Coulibaly, Malien d'origine, cinquième d'une famille de dix-huit enfants, il est un athlète hors-normes et un voleur multirécidiviste.
Quand Mathieu Palain tombe sur un article qui traite de cet athlète sacré champion de France du 400 mètres qui a choisi de gâcher son talent et sa vie et qui comparaît à nouveau devant le tribunal correctionnel d'Evry pour une tentative de cambriolage alors qu'il est actuellement en détention pour des faits similaires, il est aussitôt intéressé, ignorant si c'est le fait que ça parlait de sport ou de ce coin de l'Essonne où il avait grandi. Toujours est-il que, bien que Toumany Coulibaly ait exprimé clairement son désir de ne plus avoir affaire à des journalistes, il décide tout de même de lui écrire à Fresnes, lui disant son désir de le rencontrer. Ce n'est qu'un an plus tard qu'il aura une réponse, depuis le centre de détention de Réau où l'athlète a été transféré. Mathieu Palain fait sa demande de parloir avec l'accord de Toumany et le bouquin démarre d'ailleurs avec la description détaillée de ce premier parloir. le courant passe bien et l'auteur qui a du coup plein de questions a envie de revenir et il revient bientôt chaque semaine, pendant deux ans. Une amitié naît et chacun va parler à coeur ouvert et se dévoiler.
Il ressort de ces entretiens, un portrait absolument saisissant et bouleversant de cet homme surdoué dont l'existence aurait pu être toute autre. Difficile de ne pas être sensible à cet aveu de Toumany lorsqu'il pense que sa carrière de voleur débute quand la première fois de sa vie, il a eu honte pour sa mère suite à une réflexion d'un client dans un magasin, il n'avait alors que quatre ou cinq ans.
Il va ainsi dérouler le fil de sa vie et tout au long du récit, tout comme Mathieu Palain, et comme ses entraîneurs successifs, j'ai été prise d'empathie pour ce gars qui ne peut s'empêcher, même après son admirable prestation lui rapportant le titre de champion de France de France du 400 mètres en salle, en 2015 sans effort apparent, de partir quelques heures plus tard avec des complices cambrioler une boutique de téléphones portables, après avoir déposé sa médaille sur la table. J'ai ressenti également de l'admiration pour sa persévérance à se maintenir à un certain niveau pendant son incarcération et sa faculté à s'adapter aux conditions pour le moins non adéquates à ce genre d'entraînement.
Quel est cet appel impérieux qui le pousse à agir ainsi ? C'est ce que Mathieu Palain essaie de décrypter. Pour sa part, Toumany Coulibaly a, à un moment, affirmé : « Tu sais, Anne, c'est compliqué de te dire ça, mais j'ai plus d'adrénaline quand les flics me courent après qu'en remportant un 400 mètres. »
Certes, comme nous lecteurs, l'auteur voudrait que Toumany change, qu'il s'en sorte et qu'il devienne champion olympique mais la réalité est autre, comment résister à cette pulsion irrésistible qui affecte notre athlète ?
Tout en essayant de résoudre cette énigme, Mathieu Palain, en journaliste scrupuleux va s'interroger lui-même et tenter de déchiffrer ses propres obsessions et nous les confier. Et ainsi, deux récits de vie finissent par s'entrecroiser.
L'aspect sportif est vraiment réjouissant au contraire de l'aspect judiciaire particulièrement déprimant.
T. Coulibaly continue à s'entraîner et à courir dans les cours de promenade de ses lieux de détention, pour garder son niveau, avec l'espoir de reprendre à sa sortie si la Fédération le veut bien et rien n'est moins sûr. M. Palain, également, se met à courir lui aussi, et ils s'affronteront même, amicalement, lors d'une permission.
Cette enquête journalistique romancée offre un récit particulièrement vibrant et fort, absolument prenant qui rend compte des visites en parloir, de la réalité du monde carcéral avec les effets délétères de l'enfermement prolongé et le processus de désocialisation puis de déshumanisation qui se met alors en place, mais c'est également un récit plein d'humanisme.
Nul besoin d'être féru d'athlétisme pour apprécier et être emporté dans ce roman psychologique tout autant captivant que percutant : un vrai coup de coeur !
Tout en abordant la complexité de la vie et la cruauté du sport de haut niveau, Ne t'arrête pas de courir, en lice pour Prix des Lecteurs des 2 Rives 2022, est une profonde réflexion sur la délinquance, l'enfermement, la récidive et la prison, faisant dire à l'auteur : « Seuls les idéologues et ceux qui n'y ont jamais été confrontés peuvent croire ou dire – au fond quelle différence – que la justice est la même pour tout le monde ».
Magnifique Prix Interallié 2021 !


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Repousse tes limites

Il court vite, très vite. Toumany Coulibaly est un athlète exceptionnel, un champion du 400 mètres.
Le 400 mètres est l'une des disciplines les plus difficiles de l'athlétisme. Un sprint sans fin avec un mur gigantesque qui se dresse subitement devant vous lors du dernier hectomètre. Une douleur proche du supplice. Une autre dimension où les muscles gorgés d'acide lactique vous donnent l'étrange sensation que votre corps va se disloquer, exploser. Les veines gonflées à bloc vous tentez alors de maîtriser votre souffrance et d'aller au bout de ce calvaire dans lequel on ne vous y reprendra plus.
Toumany, lui, possède le mental, cette clé psychologique qui lui permet d'affronter cet épuisement hors norme et de gagner de nombreuses courses.
Pourtant la nuit, il se laisse rattraper par ses démons. Il braque sans relâche.
Des pharmacies, des magasins de téléphonie, des grandes surfaces. le vol lui procure plus d'adrénaline que la course. Toumany n'est pas vraiment doué pour cet exercice. Il laisse de trop nombreux indices sur place et finit par se faire arrêter. Puis inéluctablement c'est la prison. L'enfermement et la chute aux enfers.
Mathieu Palain, un jeune journaliste et écrivain s'interroge sur ce comportement énigmatique. Il propose à Toumany Coulibaly de le rencontrer en prison. Une véritable amitié va naître entre ces deux hommes au fil des discussions. Tour à tour chacun se dévoile, affronte ses obsessions et une réalité souvent difficile à accepter..

Un roman au réalisme fascinant. Un style fluide qui permet une lecture au tempo soutenu et de venir à bout de ces quelques 400 pages très rapidement. Les lecteurs au souffle court ne doivent pas s'inquiéter, une sortie de piste est peu probable.
On se prend même à espérer pour Toumany. Qu'il continue à courir vite, très vite. Sans se retourner. La rédemption en guise de témoin, bien en main, franchir mentalement ce mur qui lui cause tant de souffrances et filer tout droit vers cette récompense tant convoitée. La liberté.

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Écriture sans reproche, motivation clairement ressentie, lecture fluide, le récit de Mathieu Palain est agréable à parcourir.
Par contre, une fois la dernière page tournée, je me pose la question du thème.

Est-ce le sport de haut niveau, la vie en prison, la délinquance originaire, le travail du journaliste, le vol pathologique ? C'est en fait tout cela en même temps, et si chaque sujet est traité avec sincérité et clarté, il m'a manqué une colonne vertébrale, un centre d'interêt plus clairement identifié pour apprécier pleinement ces lignes.

Rien de nouveau sur la vie en prison, ni sur la difficulté du quotidien dans les cités cosmopolites de la périphérie parisienne.

Retiendrai- je les temps records du 400 mètres ? Pas sûr.

Reste la personnalité du personnage central, à la fois héros et mis au ban, qui a mis à mal ses dons exceptionnels et, malgré les multiples avertissements puis les sanctions sévères, les infractions se succèdent, au gré de pulsions incontrôlables.

Il est aussi intéressant de constater qu'au delà du livre à écrire, il semble s'être noué une amitié sincère avec une sorte de fascination de la part de l'auteur, à la fois pour les performances sportives et le terrain pathologique de Toumany Coulibaly.

Les enquêtes journalistiques se déclinent en littérature avec cette propension à mêler la vie personnelle de l'écrivain au récit proprement dit. Jaenada a ouvert la voie. Il faut cependant être vigilant pour ne pas s'y perdre.

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« En quoi un taulard diffère de l'homme de la rue ? Un taulard est un perdant qui aura essayé. » (p.384)
Mathieu Palain, journaliste, part à la rencontre de Toumany Coulibaly sportif de haut niveau, taulard patenté. Une amitié va naître peu à peu entre les deux hommes, Mathieu rencontrant tous les mercredi Toumany au parloir…
L'histoire est belle, intéressante, cependant il n'y avait pas matière, selon moi, à en faire un livre de plus de 400 pages, le propos s'étire, tourne en rond, comme Coulibaly dans sa cellule ou dans la cour de la prison qui continue à courir vaille que vaille.
J'ai eu du mal à cerner le personnage trouble qu'est Toumany Coulibaly, on ressent l'envie de l'aider, qu'il s'en sorte, ses mots touchants semblent sincères, ainsi que son envie de s'en sortir pour sa femme et ses enfants. Et pourtant, c'est plus fort que lui, Toumany gâche sa vie et son incroyable talent en petits cambriolages foireux de pharmacies et de magasins de téléphones portables, et on reste sidéré par tant de bêtise et d'acharnement à se détruire.
Le livre met en lueur les difficultés des athlètes qui ne gagnent rien pour leurs exploits, 650 euros par mois, alors qu'ils doivent avancer tous les frais de leur poche (péage, essence, hôtel …). Indéniablement, quelque chose ne tourne pas rond dans ce système.
Mathieu Palain nous fait également découvrir le quotidien de Toumany dans l'univers carcéral (Fresnes puis Réau), et celui du tribunal, dans lequel le nombre d'années qu'un homme va passer en prison se joue en quelques minutes ...
Des sujets intéressants, mais le livre aurait gagné en force à être resserré, et le style très narratif m'a parfois dérangé (je demande, je dis, …)
Je laisse le mot de la fin à Leslie Djhone, athlète de haut niveau aujourd'hui à la retraite, « En tant qu'éducateur, je pense qu'il a payé et qu'il ne mérite pas une condamnation à vie. Mais s'il était en face de moi, je lui dirais de laisser tomber. Trouve un boulot. Prends soin de ta famille. Tu dois du temps à tes enfants et vivre ces moments-là sera toujours plus intéressant que se tuer sur la piste, parce que tu gagneras pas ta vie avec l'athlétisme. Ton passé va te desservir. Les partenaires, les équipementiers, ils investissent sur la jeunesse, pas sur un mec de trente-trois ans qui sort de taule. C'est dur à entendre, mais c'est la vérité. Et pourtant, j'aimerais le voir courir. » (p.248)
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"Ne t'arrête pas de courir"...En lisant ce titre tout de suite je ne peux que penser à la fameuse réplique" cours cours Forrest" dans Forrest Gump de 1994.
Mais ici, pour quelle raison court Toumany Coulibaly? Est-ce pour performer ses chronos lors de courses d'athlétisme ou pour échapper aux forces de l'ordre après un cambriolage? Malgré le fort potentiel du jeune coureur au niveau national et international, il faut se rendre à l'évidence, cette passion ne lui permet pas de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.

Passionné lui aussi de sport mais n'ayant pas pu en faire son métier, Mathieu Palain a tout de suite était fasciné par le parcours atypique de Toumany.
Ayant vécu dans le même coin et ayant le même âge, le jeune journaliste qui se rêvait footballeur à décidé un jour d'écrire à Toumany Coulibaly pour le rencontrer en détention et tenter de comprendre l'histoire du grand sportif tricolore. Des nombreux parloirs va naître un lien de confiance avant de découler sur une véritable amitié entre les deux hommes.

Récit très intéressant retraçant le parcours de Toumany Coulibaly, cet ouvrage trouvera son public parmi les passionnés de sport et/ou les lecteurs curieux de découvrir des parcours de vie singuliers...
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Une vie comme dans un roman...
Et pourtant, Ne t'arrête pas de courir n'en est pas un.
Non, Ne t'arrête pas de courir, c'est l'histoire vraie d'une rencontre.
Entre Mathieu Palain,  journaliste free-lance et un athlète de haut niveau Toumany Coulibaly.
Un mec avec des jambes de feu.
De celles qui vous conduisent sur les plus hauts podiums mondiaux.
Mais si Toum à des jambes, il n'a rien dans le citron, comme on dit vulgairement.
Tout au long de ma lecture, j'ai eu envie de lui mettre des claques, oui, j'avoue, c'est violent, mais je vous jure qu'il en mérite.
Comment peut-on tout gâcher comme il l'a fait ?
Coureur hors normes le jour, voleur la nuit.
C'est en prison que l'auteur l'a contacté, une lettre à laquelle Coulibaly répondra bien plus tard.
Une rencontre qui se fera au parloir.
Une amitié qui naît.
Des confidences.
Mathieu Palain vous raconte un homme, surdoué dans sa discipline, mais qui a "la main qui vole" comme on dit chez lui.
Le journaliste nous le livre nature, on l'aime ou on l'aime pas, même lui, tout au long de son écriture, se pose la question je crois.
Grandeur et décadence.
Sportif, intelligent, père de famille, il avait tout.
C'est ce personnage fascinant, attachant autant que désemparant et désespérant, que nous offre de découvrir Palain dans ce livre enquête qui ne laisse pas indifférent.
Il fait bien le job, d'ailleurs, parce qu'il va à la rencontre de ceux qui connaissent le mieux Toumany, ceux qui l'entraînent (sportivement s'entend), comme ceux qui croisent son chemin de délinquant.
Il n'en fait pas un héros mais il ne l'enfonce pas non plus, il a espoir...
La prison l'a-t-elle transformé ?
La suite s'écrit maintenant.
Et alors que je referme ce bouquin, je veux croire, moi aussi qu'une nouvelle vie peut commencer.
Toumany... À vos marques, prêt, partez...




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Comment un champion de France du 400 mètres éprouve plus d'adrénaline en cambriolant qu'en courant ?
Né en 1988, Toumany Coulibaly a eu quatorze condamnations pour cambriolages.
L'écrivain, de la même banlieue que lui, a eu de nombreux entretiens avec l'athlète. Un sujet intéressant qui interpelle.
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A partir du portait d'un détenu, rencontré lors de parloirs dans sa maison d'arrêt, Mathieu Palain livre un récit étonnant. Toumany Coulibaly, est abord un de ses jeunes de cités de banlieue parisienne qui ont enchaîné les bêtises, avant qu'il ne se découvre un talent pour la course à pieds, et que le club local et une entraîneuse réputée ne détectent son potentiel sur 400 mètres. du haut niveau national, voire mondial…
Mais voilà Toumany n'a pas quitté ses habitudes, enchaînant autant les vols et cambriolages que les courses en stade. Et un jour, fatalement, Toumany accumule tellement de condamnations qu'il finit en détention. Un champion de France qui cambriole le jour même de son titre et qui finit derrière les barreaux. Comment en est-il arrivé là ? Toute une histoire, tout un passé, que Mathieu Palain va faire ressortir.
L'auteur est originaire de la même banlieue, ils ont à peu prés le même âge, et Toumany, après une longue attente, va accepter de jouer le jeu et de se livrer un peu. En ressort un gamin d'origine malienne, ayant vécu un temps dans un certain dénuement là-bas, qui a pris goût très jeune au vol ; pas un kleptomane, mais quelqu'un aimant l'acte interdit, le frison d'adrénaline… Un peu mythomane aussi. Apparemment toujours sincère dans ses promesses d'amélioration de comportement, mais retombant aussi vite dans ses travers. Un bon gars, qui veut plaire, doublé un petit délinquant. Docteur Jekyll et Mister Hyde.

Le portrait, vivant, complexe, pourrait s'arrêter là, mais Mathieu Palain le double d'une forme de mise en abyme, découvrant petit à petit ce qui a pu l'amener à s'intéresser au monde carcéral, et ce en quoi, lui, le gamin qui se rêvait footballeur, peut être fasciné par ce jeune doté par la nature d'un don exceptionnel, toujours à courir devant les autres, mais préférant encore être coursé par la police.

Le style est fluide. Les détails accrochent le lecteur. La forme permet de tenter un début d'analyse. On suit Toumany au jour le jour, volant quelques téléphones pour financer son stage d'athlé, faisant face à la justice, se débrouillant en prison, conversant depuis sa cellule - via un téléphone « de guerre » - avec le journaliste.

Une bonne surprise que cette biographie, qui n'en est pas vraiment une, qui m'avait été fortement conseillée, et qui a valu à son auteur le prix Interallié 2021.
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Alors que déferle une nouvelle rentrée littéraire, je cherche encore ce que l'année passée nous a donné de meilleur, aidé en cela par le temps et les avis qui s'accumulent. Voici un livre de non-fiction (et roman) qui n'avait pas retenu mon attention à sa sortie. Un journaliste raconte le terrible destin d'un enfant de la banlieue… Cet été, le livre a été mis d'autorité au-dessus de ma pile à lire, accompagné de la sentence « il faut que tu lises » et des yeux qui brillent ! Je suis tellement heureux que ce coup de pouce m'ait fait découvrir Ne t'arrête pas de courir. Quelle belle lecture, celles qui ont illuminé l'instant et que j'intègre dans mon expérience personnelle de la vie à travers la relation improbable d'un journaliste et d'un délinquant.

Il était une fois un enfant parmi les dix-huit autres de la famille, devenu champion d'athlétisme le jour, voleur la nuit.
Il était une fois un journaliste qui pose son regard sur ce jeune et sur son choix d'enquêter sur la prison.

Mathieu Palain s'intéresse à l'énigme Toumany Coulibaly, cet athlète cambrioleur. Il lui envoie une lettre demandant à le rencontrer au parloir de la prison. Un an passe sans nouvelles, puis la réponse arrive. Une relation se crée, bien plus forte qu'un reportage ponctuel. Les vies de l'un et l'autre vont en être profondément modifiées. Un livre est écrit scellant un engagement, interrogeant aussi l'ordre du monde. le lecteur se passionne, découvre toutes les péripéties de cette histoire hors norme, se fait son propre jugement. Et découvre aussi, s'il ne le savait pas, que l'athlétisme est un sport de pauvre !

Chapeau à Mathieu pour son engagement et à Toumany pour la confiance qu'il a placée dans ce jeune journaliste. le lecteur a l'impression d'assister à un exercice d'équilibriste. J'ai envie de saluer la formidable intégrité de l'auteur qui se pose les bonnes questions et se met constamment à la place de l'autre, fut-il à priori différent. Si chacun de nous se consacrait à cet exercice, se mettre à la place de l'autre avant de se faire son opinion, la vie pourrait être plus juste et plus belle.

J'aime vraiment ce titre « Ne t'arrête pas de courir » car le surdoué de la piste a vu sa carrière se briser après plusieurs années au plus haut niveau et un titre de champion de France du 400 m en 2015. Malgré les années de prison, la carrière de sportif stoppée nette, le titre indique déjà que la vie peut continuer. Mathieu Palain n'écrit pas un livre expliquant le formidable pouvoir de réinsertion de la prison, c'est même l'inverse qu'il décrit. Mais il explique, et s'en étonne même, que dans le cas de Toumany, cela a bien fonctionné. La sortie de prison est très récente, en 2021. le travail de reconstruction n'est pas terminé mais un joli parcours a déjà été fait.

Le livre montre différentes facettes de la vie carcérale et interroge sur le poids des condamnations à travers l'actualité récente : le maire de Levallois, Patrick Balkany, condamné à quatre ans de prison pour fraude fiscale et à cinq ans pour blanchiment ne passe que cinq mois en détention... François Fillon, deux ans ferme pour détournement de fonds publics : des éditorialistes et avocats parlent de peine sévère... Il a détourné un million d'euros d'argent public. J'y lis à ce niveau que beaucoup d'argent ne sera pas disponible dans les écoles, les hôpitaux, les banlieues, les clubs sportifs... Et une perte de chance pour les plus défavorisés. On croise heureusement, et plus longuement, des hommes et des femmes plus investis dans le vivre ensemble : des dirigeants sportifs, des entraîneurs, des psys... Je dois aussi mentionner ces très belles pages où Mathieu nous parle de sa famille, de son amie d'enfance Lorentxa, étudiante basque brillante, diplômée en ethnologie, « ...qui souffre de voir son peuple méprisé et admire ceux qui savent qu'il existe des causes plus grandes que soi. »

La grande force de ce livre est de ne pas juger mais de ne pas être dans la complaisance.

Une autre force réside dans l'écriture. le propos aurait pu représenter un témoignage parmi d'autres. Ce n'est pas du tout le cas. On est dans une vraie écriture, dans l'oeuvre littéraire. Plus de quatre cents pages qui se lisent d'une traite et le sentiment qu'on a assisté au processus de transformation, à la fois pour le champion-délinquant et à la fois pour le journaliste. Une belle et sincère amitié sans laquelle l'oeuvre n'aurait pas eu cette puissance.

J'ai envie de partager cette vidéo (à voir sur le blog Bibliofeel, lien ci-dessous) que l'auteur suggère de voir absolument, « ...si possible avec les commentaires ». L'or avec les filles du relais 4 fois 100 mètres, aux mondiaux de Paris en 2003. Il nous prévient avec humour: « Si vous n'êtes pas ému après avoir vu ces filles gagner ensemble, je ne peux rien pour vous. »
Le sport est loin d'être le seul thème d'un récit aux multiples facettes mais il est central en dépassement de soi, en exemplarité, en leçon de vie... Et si vous êtes ému-e-s, lisez ce livre si ce n'est déjà fait.
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Chroniques illustrées sur Bibliofeel ou sur la page Facebook Clesbibliofeel.


Lien : https://clesbibliofeel.blog
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