C'est un bel essai. Un peu épais. Ce qui explique le temps que j'ai pris pour le lire.
James Currey fut éditeur pendant une vingtaine d'années pour Heinemann Educational Books, branche de la grande maison d'édition britannique Heinemann. Il a participé à la direction de la collection "African writers" qui a édité quelques uns des plus grands écrivains de l'espace anglophone comme le nigérian
Chinua Achebe, le kényan Ngugi Wa Thiong'o ou le zimbabwéen
Dambudzo Marechera pour ne citer que ces têtes d'affiche.
Ce bouquin est une vraie mine d'or pour qui s'intéresse aux littératures du sud et souhaite avoir une meilleure vision d'un pan entier de littérature africaine publiée sous le label African writers series.
Pour mieux comprendre la philosophie de cette collection, le lecteur francophone peut sans trop de risque faire le parallèle avec la maison d'édition parisienne Présence africaine pour comprendre l'influence de cette structure. A ce propos,
James Currey montre de manière très intéressante comment le monde francophone sous l'impulsion de
Senghor, de Gontran Damas et
Césaire avait une bonne longueur d'avance sur l'espace anglophone. Pourtant, la littérature africaine, sous la plume de Currey a vu le jour sur le plan international avec le célèbre roman de
Chinua Achebe. Une affirmation très anglophone et commerciale.
James Currey brosse en introduction un portrait des différents acteurs qui ont travaillé à l'émergence de cette collection. Les britanniques Allan Hill, Keith Sambrook, le sud-africain
James Currey, les nigérians
Chinua Achebe, Aig Higo ou le kenyan Heny Chakava. En tant que conseiller éditorial,
Chinua Achebe va tenir une place importante dans la détection de belles plumes comme celle de
James Ngugi en 1962 à Makéréré en Ouganda.
Il prend le temps de présenter les différentes aires géographiques qu'Heinneman Educational Books couvrent depuis le début de la collection African Writers, en partant de l'influence importante de l'Afrique de l'ouest avec le géant nigérian, puis de celle d'Afrique de l'Est avec ces contraintes spécifiques, la concurrence d'un autre grand éditeur, les exigences d'une écriture en langue africaine de Ngugi wa Thiong'o qui lui valurent une année d'incarcération dans les geôles kenyanes.
On pourrait dire beaucoup de choses sur cet ouvrage. Comme le fait qu'il nous laisse sur notre faim concernant la réception des oeuvres en dehors du circuit scolaire que Heinneman Educational Books semble avoir utilisé à tour de bras pour promouvoir avec succès de nombreux auteurs.
Cependant, l'aspect passionnant pour l'amoureux des livres, c'est la rencontre avec des auteurs importants au travers de leurs rapports avec leur éditeur. de ce point de vue, la posture du zimbabwéen de Marechera est intéressante voire troublante. En effet, pour avoir lu
Soleil noir, une oeuvre fondée sur une profonde irrévérence sinon rejet d'un système totalitaire, les rapports passionnes que Marechera entretient avec son éditeur britannique est de ce point de vue porteur d'un paradoxe alarmant. Une soumission qui semble totale à une structure post coloniale foncièrement occidentale.
D'ailleurs, c'est un procès d'intention récurrent auquel
James Currey réagit régulièrement. En page 24, ils indiquent l'ambition au début des années 60 de
Chinua Achebe et Keith Sambrook :
Permettre aux collégiens et aux étudiants africains de lire des oeuvres de fiction écrites par des auteurs africains et faire découvrir ces mêmes écrivains à un public littéraire international.
A la lecture de cet ouvrage, il semble évident que cette collection, rencontrant une époque, a répondu à ce double objectif. Et, on se dit vu le nombre de romans inédits en français, qu'en tant que francophone, la langue de
Voltaire nous fait louper beaucoup de choses.
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