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3,87

sur 307 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Qui a peur de la mort? ». Onyesonwu en igbo : le nom de l'héroïne de ce singulier roman signé par l'auteur américano-nigérienne Nnedi Okorafor et qui constitue sans aucun doute l'un de mes plus beaux coups de coeur de cette année 2013, pourtant riche en sortie de qualité. Il faut dire aussi que le roman a eu l'honneur d'être récompensé dernièrement par le prestigieux World Fantasy Award 2011 ! L'action se limite à une région bien définie (correspondant aujourd'hui au territoire du Soudan) où deux tribus se livrent depuis des temps immémoriaux une lutte sans merci . D'un côté les Nurus, peuple «béni» par la déesse Ani et supposé assurer leur domination sur son territoire, de l'autre les Okeke, peuple en voie d'extinction, asservi par les Nurus et dont les quelques tentatives de révolte se sont, jusqu'à présent, toujours soldées par un échec. On comprend rapidement grâce à quelques indices que nous nous trouvons en réalité dans une Afrique post-apocalyptique, un élément que l'on pourrait toutefois aisément être tenté d'oublier tant l'univers dépeint par Nnedi Okorafor n'a plus grand chose à voir avec le notre, géographiquement et culturellement parlant. Pour le reste, on retrouve hélas un sentiment de déjà-vu : massacres, pillages, meurtres, viols..., les atrocités s'accumulent dans un camp comme dans l'autre, preuve que, quoi qu'il se soit passé, les hommes sont, en ce qui les concerne, restés fidèles à eux-mêmes.

C'est dans ce contexte qu'on découvre la triste histoire de la jeune Onyesonwu, dont le nom sonne comme un véritable défi lancé à la grande faucheuse qui semble hélas hanter ses pas. Car notre héroïne a le malheur d'être née ewu, une enfant du viol, mi Nuru par son père, mi Okeke par sa mère, et par conséquent considérée par tous comme une paria. Car qui voudrait prendre le risque que la violence de sa conception rejaillisse un jour dans l'un de ses actes ? Rongée par l'horreur de sa naissance que la société ne lui laisse jamais oublier, la jeune fille possède heureusement l'atout de savoir manipuler avec aisance la magie. Mais difficile, dans un monde dominé par les hommes, de se faire une place et de tracer sa propre voie. A travers le récit bouleversant de la jeune fille, Nnedi Okorafor en profite pour rappeler et dénoncer certains tabous rarement abordés, notamment au sein des littératures de l'imaginaire : le viol utilisé comme redoutable arme de guerre ; la pratique de l'excision des jeunes filles ; l'embrigadement d'enfants soldats... Certaines scènes sont particulièrement prenantes, et ce même si vous n'avez pas particulièrement l'âme sensible. Difficile par exemple de rester de marbre à la lecture du viol de la mère d'Onyesonwu ou encore du rituel d'excision des jeunes filles Okekes.

Ne vous y trompez donc pas, le récit de Nnedi Okorafor est sombre et dur, les personnages comme le lecteur se voyant confrontés à des réalités choquantes qu'ils préféreraient certainement occulter. Révolte et horreur sont deux sentiments qui ne sont jamais bien loin tout au long de cette lecture dont on ressort à la fois sonné et émerveillé. Car parallèlement à toutes les atrocités et la dureté auxquelles on se retrouve confronté, on découvre également un univers exotique fascinant. le monde de Nnedi Okorafor pourrait ainsi ne rien à voir avec un monde post-apo mais relever de la pure fantasy, un dépaysement lié aussi bien à ces vastes étendues désertiques qui constituent l'essentiel des paysages du roman qu'à l'omniprésence de la magie au sein des sociétés okekes et nurus dont le fonctionnement nous est aussi parfaitement étranger. de même, il est pour une fois appréciable de découvrir certains éléments ou concepts prenant leurs racines dans la culture africaine que, pour ma part, je connais très peu (l'idée des mascarades, sortes d'esprit des ancêtres ou du désert pouvant adopter des formes très diverses, m'a notamment particulièrement plu). Un mot, enfin, concernant les personnages, tous bourrés de défauts mais néanmoins attachants : le vieux sorcier Aro ; la courageuse et sulfureuse Luyu, la petite Binta... Et bien évidemment le couple au centre du roman, Onyesonwu et Mwita, dont la relation constitue l'un des principaux attraits du récit.

Avec « Qui a peur de la mort », Nnedi Okorafor signe un roman bouleversant traitant de sujets rarement abordés en fantasy et mettant en scène une héroïne atypique et dont je me souviendrai certainement longtemps. Les nombreux éléments liés à la culture africaine apportent un charme supplémentaire au récit qui malmène autant qu'il séduit le lecteur qui ne sortira pas indemne de sa lecture. Une excellente découverte que je conseille chaleureusement.
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La littérature influencée par l'Afrique est relativement bien développée en littérature générale ; elle est, en revanche, encore marginale dans les littératures de l'imaginaire. Avec Qui a peur de la mort ?, Nnedi Okorafor participe à ce renouveau.

Onyesonwu est une ewu, une fille du viol. Sa mère okeke s'est fait violer par un guerrier nuru lors d'un énième raid meurtrier et, rejetée de beaucoup, elle s'installe à Jwahir pour voir grandir sa fille. Lors de son enfance et son adolescence, Onyesonwu voit s'affirmer quelques pouvoirs en elle, comme le fait de pouvoir se transformer en animal ou d'agir sur la santé de certaines personnes. Guidée par Mwita, jeune enfant ewu aussi (mais lui fruit d'un amour interdit), et entraînée par le sorcier Aro, Onyesonwu va se lancer progressivement dans la quête de son père et dans celle de sa survie.
Nnedi Okorafor dédie ce roman à son père décédé, dont la disparition a guidé les premiers mots. À travers le calvaire solitaire d'une jeune ewu et de sa mère violée, elle a l'immense mérite d'aborder et d'utiliser efficacement (sans voyeurisme) des thèmes extrêmement forts, d'actualité et trop peu mis en lumière. Elle fait ainsi référence à des guerres civiles menant aux génocides, au viol utilisé comme arme de guerre, ainsi qu'à l'excision comme outil de régulation sociale. Un vaste programme donc, mais que l'autrice distille dans le destin de cette jeune femme à la peau étrange et aux pouvoirs qui ne le sont pas moins.
Nnedi Okorafor a construit une histoire qui sonne juste et fort, avec une noirceur plutôt moite puisque le climat, l'atmosphère jouent un rôle important pour poser la situation. Si au début les prophéties peuvent agacer (surtout si on se doute qu'elles vont vraisemblablement se réaliser telles quelles) et ces histoires de Grand Livre plutôt laisser dubitatif, les différentes scènes d'initiation progressive de l'héroïne justifiaient tout cela très bien ; la montée en intensité jusqu'à la toute fin est remarquable et relire deux-trois fois la dernière scène et l'épilogue est de l'ordre du normal.

Qui donc a peur de la mort ? Ceux qui ne veulent pas la voir en face, assurément ; Nnedi Okorafor, elle, nous emmène à ses côtés de façon réellement fantastique.

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Onyesonwu est une ewu, une enfant issue de deux ethnies antagonistes. Fruit d'un viol perpétré contre sa mère par un général ennemi, la jeune femme va grandir dans une société qui la rejette parce qu'elle porte sur elle les stigmates de cette union non désirée. Pire, elle est considérée comme un être qui deviendra violent à son tour. Mais très vite elle se rend compte qu'elle recèle en elle des pouvoirs qui la dépassent...

Attention, ce roman débute par des scènes fortes qui ont tendance à laisser le lecteur un peu K.O. tout de suite. En effet, Nnedi Okorafor commence presque immédiatement son récit par l'évocation par une mère à sa fille du viol qu'elle a subi et qui est à l'origine de son arrivée douloureuse sur Terre. Elle lui dit bien qu'elle ne pourra lui faire ce récit qu'une seule fois, et c'est tant mieux car c'est assez éprouvant pour le lecteur. Comme si Nnedi Okorafor ne voulait pas laisser souffler son lecteur, vient ensuite une cérémonie d'excision. Porteuse d'une violence moindre, le récit de ce rite "barbare" s'avère tout de même pénible à lire, malgré là encore la beauté d'évocation des mots de l'écrivain. Cependant, ces deux moments primordiaux ont le mérite de tout de suite poser les bases de l'univers violent dans lequel baignent les protagonistes. Et l'auteure américaine d'origine nigériane le fait avec une telle magnificence (la beauté de l'atroce) qu'on se sent tout de suite happé par son récit.

Même si aucun pays n'est jamais cité (sauf une fois, à la toute fin du roman), ni aucune date donnée, c'est d'une Afrique du futur dont il s'agit ici. Un futur indéterminé, seulement signalé par de subtiles évocations d'objets du quotidien qui n'appartiennent pas à notre présent. Pourtant, ce quotidien futuriste est tellement imprégné de traditions ancestrales (guerre, racisme, excision) qu'on aurait aimé voir dépassées, qu'il nous rend ce récit totalement intemporel. C'est peut-être là la plus grande force de ce Qui a peur de la mort ?, quatrième roman de Nnedi Okorafor. Elle explique d'ailleurs dans une postface en forme d'hommage à son père, qu'elle a commencé à le rédiger en apprenant la mort de celui-ci. En le lisant, on sent toute la rage, tout le désespoir face à la perte qu'elle a pu y mettre.

Si ce roman peut être classé dans la case Science-Fiction puisqu'il se déroule dans un futur post-apocalyptique, c'est tout de même bien avant tout une oeuvre de Fantasy. En effet, la magie y est omniprésente. Et même s'il m'a fallu un certain temps avant d'assimiler le fait que dans le monde décrit ici il était normal pour l'héroïne de se transformer en animal (même si elle-même met un certain temps à le comprendre), ou bien d'autres choses encore, j'ai fini par l'admettre, par l'intégrer. En fait, je me suis dit que s'il est possible d'accepter que la magie puisse exister dans un récit se déroulant dans un monde européen pseudo-médiéval, pourquoi n'existerait-elle pas dans une Afrique du futur ? Cette suspension d'incrédulité chère à Coleridge m'a, au final, grandement fait apprécié ce roman.

Malheureusement, ce livre fait 500 pages bien tassées et c'est cent ou cent-cinquante pages de trop. En effet, l'improbable quête menée par Onyesonwu (qui veut dire, justement, Qui a peur de la mort) et ses amis les fera traverser le désert. Certains d'entre eux se demanderont même ce qu'ils sont venus faire là. Nous aussi. C'est tellement long qu'on se demande presque si un sort n'a pas été jeté sur le lecteur pour qu'il ne le termine jamais (je suis un lecteur lent et j'ai vraiment trouvé ça interminable, au sens littéral du terme). Seule la fin (oui, quand même) fait retrouver au lecteur un regain d'intérêt.

Heureusement que c'est superbement bien écrit d'un bout à l'autre du livre, sinon ce roman serait depuis longtemps retourné d'où il vient, c'est-à-dire la médiathèque de ma ville.

Bon, pour ne pas terminer sur une note trop négative (que le livre dans son ensemble ne mérite pas), on signalera la magnifique couverture signée par le graphiste sud-africain Joey HiFi, dont on avait déjà pu admirer le travail sur le roman de Lauren Beukes, Moxyland.
Lien : http://les-murmures.blogspot..
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Onyesonwu. Un prénom qui signifie "Qui a peur de la mort ?". Une clameur. Un défi.
Ce cri est celui de l'héroïne de ce roman de fantasy très particulier. A bien des égards.
Extrêmement violent, il aborde des thèmes très actuels, nous plongeant dans un monde de guerres raciales, d'épuration ethnique, d'enfants soldats, de superstitions et de traditions dépassées. Il nous parle du rejet de la différence. Onyesonwu est une ewu, une bâtarde née du viol d'un Nuru contre une Okeke, une fillette que tout le monde regarde de travers.
Ce roman nous présente diverses formes de sorcellerie, depuis la magie innée de l'héroïne, jusqu'à l'influence des mascarades venues du monde des esprits.
Qui dit "mascarade", dit Afrique. Après Imaro, c'est l'un des rares romans de fantasy prenant place sur ce continent. Il y a Tarzan, évidemment, mais l'homme-singe est un peu trop marqué par son époque... En tout cas, cette originalité vous fait vraiment voyager, même si l'on a tout de suite envie de fuir le pays des Sept Rivières.
La place des animaux, en tant qu'individus à part entière, est également assez bien développée, ce qui n'est pas pour me déplaire.
Enfin, ce roman est TRÈS féminin. Lorsque l'on dit cela, en général, on pense tout de suite à "délicatesse", "élégance", "douceur". On rajoute les pastels et on est bien dans l'image ? Eh bien non. Je vous parle de l'autre face de la pièce féminine. Celle où l'on vous parle de règles, de sperme, de vomissements, de colère...
Je ressors de ma lecture avec un sentiment mitigé.
Une lecture à la première personne, assez immersive. Une histoire cruelle, qui tient en haleine. Un monde à la fois effrayant et fabuleux...
Mais je n'ai pas aimé la fin, qui me gâche un peu le livre. Je l'ai trouvée trop... bof. Sans compter certains rebondissements qui m'ont semblé trop "faciles".
Ce n'est qu'un sentiment personnel, bien sûr, mais j'aurais aimé quelque chose de plus puissant, à la hauteur du reste du roman. D'autres n'auront pas le même avis.
En tout cas, c'est une œuvre très originale, qui a le mérite de mettre le lecteur en face de questions contemporaines qu'il n'a peut-être pas envie de se poser.
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Un roman post-apocalyptique d'une autrice d'origine africaine... cela pourrait n'être qu'une curiosité.
Dans une Afrique en plain chaos, que l'on imagine en Afrique de l'Est, les Nurus dominent les Okekes, presque jusqu'au génocide. Ainsi le proclame le Grand Livre, sorte de bible qui régit cette société asymétrique. Onyesonwu est une "ewu", une enfant née d'un Nuru et d'une Okeke. Union interdite, et souvent le résultat d'un viol. Les ewus sont craints et méprisés. On les dit nés de la violence et voués à être violents eux-mêmes. En effet, Onyesonwu est le fruit d'un viol. En grandissant, elle se découvre des pouvoirs magiques qu'elle comprend avoir hérité de son géniteur.
Beaucoup d'idées dans ce roman qui ne se perd pas en inutiles explications. L'univers imaginé par Nnedi Orokafor est un unibvers rtiche et cohérent qui n'a pas besoin de longues et vaines mises en contexte. Il mélange efficacement modernité et tradition. Il se base sur des rapports de force et des éléments directement identifiables. Il expose une Afrique à la fois différente et très proche. de là, la galerie de personnages imaginée par l'autrice est suffisamment riche pour nourrir un roman, très plaisant. L'intrigue en tant que telle reste très classique, reprenant les motifs habituels de l'élue et de la quête intiatique. Mais elle comprend suffisamment d'éléments originaux pour échapper au sentiment de familiarité face à une histoire relativement banale. de fait, l'ancrage africain de ce récit n'est pas un gadget, mais permet de réellement apporter une certaine fraicheur à ce roman. Une belle surprise.
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Ce fut une lecture assez déroutante tant par sa forme que par le fond.

La forme d'abord, l'écriture et la structure est dans un style pluto ado qu'adulte. Ce n'est pas dérangeant en soi, cela facilite même la lecture en la rendant plus légère mais cette approche marque un hiatus avec les thèmes abordés et maintient l'histoire dans une forme de naïveté qui s'oppose alors à la gravité des propos racontés. Cette opposition est assez déroutante mais je pense qu'elle fait culturellement partie de l'Afrique.

Dans le fond, je retrouve également cette opposition avec des personnages certes attachant mais qui restent selon moi de grands adolescents dans leurs réactions alors que le récit les malmène sans relâche et les confronte à l'horreur. Cela me semble d'autant plus vrai pour les 2 personnages principaux qui me semble couler dans le bronze alors que les personnages secondaires évoluent et s'adaptent au fil de l'histoire.

Enfin, le cadre et la mythologie sur laquelle il repose ne peuvent que nous déstabiliser en nous emportant loin de nos références judeo-chrétiennes occidentales, dans un monde ou les notions de forêts et d'océan tiennent lieu de légendes et ou le désert est la norme.

Pour conclure, je dirais que ce fut une lecture agréable, enrichissante voire envoutante mais qu'il faut pouvoir décrocher de nos croyances et s'ouvrir à d'autres horizons pour vraiment s'imprégner du récit.

Je regrette toutefois que certains éléments du monde mis en évidence comme les ordinateurs, les étincelles avec les Vahs ou les araignées blanches restent à la marge du récit sans vraiment y apporter leur contribution ou y trouver une explication. Mais peut-être s'agit-il là de l'expression de mon cartésianisme occidental?
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Cela fait déjà un moment que ce livre me fait de l'oeil, et son succès m'a fait sagement attendre mon tour à la bibliothèque. Lorsque j'ai enfin pu en lire les premières lignes, j'ai difficilement pu le refermer jusqu'à la dernière...

Onyesonwu, dont le nom signifie littéralement Qui a peur de la mort ?, est une ewu, c'est-à-dire née du viol d'une femme Okeke par un homme Nuru. Dans cette Afrique post-apocalyptique, être ewu est une malédiction. Rejetée par les Okeke aussi bien que par les Nurus, Onye, guidée par la colère et le désir de vengeance envers son père et envers les cruautés subies par le peuple Okeke, va au devant de sa destinée, étant tout à fait consciente que sa route est semée d'embûches et que seule la mort l'attend au bout du chemin. Heureusement elle pourra compter sur ses amies, qui ont su passer outre sa nature d'ewu et comprendre son combat, et sur son compagnon, un ewu comme elle.

Qui a peur de la mort ? nous confronte aux traditions africaines les plus secrètes, les plus cruelles, comme l'esclavage, l'excision, le viol, la place des femmes au sein de la société... Mais nous sommes également plongés au coeur des croyances, de la religion, de la magie, du folklore africain. Ce mélange de réel et de fantastique en fait un roman tout à fait prenant, à la fois documentaire et quête initiatique, même si le lecteur lambda (donc moi) est bien incapable de savoir à quel point les faits sont inspirés des réalités de ces pays d'Afrique dont on sait si peu de choses. Et pour ne rien gâcher, l'écriture est belle, fluide, et facile...

J'ai adoré ce livre, malgré quelques longueurs dont on aurait bien pu se passer, et je le recommande chaudement.
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Les différents avis sur la blogosphère m'ont donnée envie de lire ce roman. Il faut dire que dans le domaine de l'imaginaire, on trouve peu de romans liés à l'Afrique. Celui-ci a reçu plusieurs prix : en 2010 le prix World Fantasy du meilleur roman, et Prix Imaginales du meilleur roman étranger 2014. C'est le premier roman à destination d'un public adulte pour l'auteure après des romans plus young adult.

Qui a peur de la mort? est une oeuvre dure et touchante par ses thématiques. le roman n'est pas difficile à lire grâce à une héroïne très attachante mais certains passages décrivent des actes atroces, que l'on sait malheureusement exister de nos jours sur terre. le livre décrit l'histoire de Onyesonwu, son nom signifie qui a peur de la mort? Onyesonwu est issue d'un viol : sa mère, une Okeke a été violée par son père, un Nuru, appartantn à la tribu rivale des Okekes. Elle est par conséquent une ewu, une personne rejetée par les 2 peuples et considérée comme quelqu'un qui deviendra violent à son tour. le fait d'être ewu se voit physiquement, Onyesonwu a la peau et les cheveux couleur sable. Les deux tribus Nurus et Okekes se font la guerre depuis très longtemps, et sont elles même asservies par les Nurus, qui pratiquent des massacres sur eux. Mais tout n'est pas si simple, les deux camps se prêtent à des atrocités dont personne ne sort indemne. le roman parle ainsi des sujets peu abordés à commencer par le viol comme arme de guerre mais aussi la pratique de l'excision, ou le cas des enfants soldats.

Le roman est raconté à la première personne par Onyesonwu depuis sa naissance. le début du roman est passionnant malgré des passages durs. Onyesonwu est un personnage très travaillé auquel on s'attache très vite. La vie est difficile pour elle pour de nombreuses raisons, mais elle est combative et touchante. Même si le roman est à la première personne, les personnages secondaires ne sont pas laissés pour compte, les amies de l'héroïne étant elles aussi attachantes, avec chacune leurs défauts et qualités. Elles font du combat d'Onyesonwu leur combat et font preuve d'un grand courage. La relation la plus émouvante est celle de Mwita et Onyesonwu. Tous deux sont ewu et en ont souffert, leur couple est un des points les plus intéressants du récit. Tous les deux ont une vie difficile, mais leur relation est tendre et forte, sans jamais tomber dans le cliché. Les personnages sont un des points forts du roman.

La seconde partie du roman souffre par contre de longueurs. J'ai moins apprécié cette seconde partie où Onyesonwu et ses amies partent pour une quête. Certains passages auraient mérité d'être raccourcis pour que le récit soit un peu plus dynamique. Un des autres aspects du roman qui m'a un peu dérangé est le côté post apocalyptique qui n'est pas assez exploité. On sait assez peu de choses sur l'univers, quelques détails donnés au compte goutte laissent percevoir que l'on se situe dans le futur, un futur où beaucoup de choses ont changé ou ont été détruites. On ne sait pas comment, ni pourquoi, cela parait un peu flou et ne change pas grand chose à la force de l'histoire qui aurait pu se situer à notre époque.

La plume de Nnedi Okorafor est vivante, fluide et vibrante, elle met parfaitement en valeur les émotions des personnages. Elle arrive à parler de nombreux sujets de manière juste sans tomber dans le romantisme pour l'histoire d'amour ou dans l'excès pour dénoncer les faits de guerre. La tonalité du roman est toujours juste. La magie évoquée dans le récit est aussi traitée de manière subtile, avec un apprentissage long et difficile.

Qui a peur de la mort? est donc un très bon roman, émouvant, touchant à des sujets difficiles, avec des personnages forts et attachants. Il est juste dommage que la seconde moitié comporte des longueurs et que l'univers n'ait pas été un peu plus exploité. le style de l'auteure est très agréable et vivant et il me tarde de lire Kabu Kabu.
Lien : https://aupaysdescavetrolls...
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Qui a peur de la mort ? est un roman dont j'entends parler depuis sa sortie. J'étais impatience de le découvrir pour voir si vraiment on y trouvait ce renouveau de la fantasy qu'on me vendait partout. Pour être honnête, je ne sais pas si on peut vraiment parler de renouveau du genre. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il apporte par contre un nouveau décor et de nouvelles questions forts intéressantes, sur lesquelles il est nécessaire de réfléchir.

Ce roman, auto-conclusif en un volume (ce qui est assez rare pour le souligner en fantasy), a été écrit par une autrice américano-nigériane qui a décidé de faire de son patrimoine familial une richesse pour ses écrits. Elle va ici s'appuyer sur son expérience personnelle de la mort et du deuil (sur lesquels elle revient dans la postface) et sur sa culture familiale africaine. Cela donne clairement un récit différent de ceux que j'ai pu lire jusqu'à présent car les questions qui y sont abordées sont totalement inédites sous cette forme pour moi.

En effet, le récit prend place dans une Afrique post-apocalyptique où vivent plusieurs ethnies. Celles-ci sont en conflit et l'une d'elle en a même asservie une autre, ce qui donne lieu à de terribles scènes de violence au quotidien. Autour de ce postulat de base, Nnedi Okorafor a bâti tout un récit autour des questions de races, d'ethnies, de génocide, de viol, de patriarcat, et de bien d'autres questions qui toutes prennent racines dans la culture et l'histoire africaine qu'elle revisite et critique ainsi. Cela donne un ton très fort à son récit et je pense que tout le monde peut ainsi être touché parce qu'elle y raconte.

Pour autant, ce n'est pas juste un texte critique sur ce qui se passe en Afrique, c'est aussi un récit de fantasy avec tous les codes du genre. Ainsi avec une plume vive, légère, simple et sans fioriture, donc agréable à suivre, on suit la quête d'une vie, celle de la jeune Onyesonwu. Née à la suite d'un viol, celle-ci a toujours vécu en paria, peu importe où elle se trouvait. Mais à l'aube de son adolescence, elle va se découvrir un don qui va lui ouvrir les portes d'un autre monde. Ainsi comme dans tout récit de fantasy assez classique, nous allons suivre les premiers pas d'Onye qui découvre ses pouvoirs, puis ses démarches pour devenir apprentie, son cours apprentissage, et la mission qu'elle s'est fixée à l'aide des pouvoirs qu'elle a obtenues. Mais contrairement à ce que propose souvent les récits du genre, on ne prend jamais exactement la mesure de tout ce qu'elle peut accomplir car la magie n'est qu'un simple artifice dans son vaste destin. le vrai but n'est pas de faire l'étalage de ses pouvoirs, mais plutôt de s'en servir pour amorcer une révolution qui va tout changer. C'est ce que j'ai aimé dans ce récit.

Il est en fait à mi-chemin entre la fantasy et la science-fiction dystopique. Nous suivons un peuple opprimé, qui opprime lui-même des gens, et l'ensemble de ces hommes et femmes doivent être libérés de la prison dans laquelle ils vivent. Onye représente ainsi parfaitement la figure de l'élue et ses amis seront de parfaits disciples qui l'aideront à accomplir sa destinée. Il y a une dimension hautement religieuse, sans le vouloir peut-être, dans ce titre. Au final, la mission d'Onye est de réécrire le Grand Livre (= la Bible ou tout grand texte religieux) pour sauver tout le monde. Elle incarne donc à merveille le Messie et tout dans ses aventures y fait penser, depuis son enfance dans le désert, le remariage de sa mère avec un artisan, son acceptation des traditions avant sa rébellion quand elle les aura mieux comprises, ses rencontres mystiques, son voyage à travers le désert et les rencontres (animales et humaines) qu'elle y fait, les miracles qu'elle accomplit dans les villes, jusqu'à sa confrontation finale, sa capture et son martyr. Toutes les étapes y sont, et bizarrement, moi qui suit une farouche athée qui déteste tout ce qui a trait à la religion, j'ai aimé et je me suis laissée emporter par ce personnage.

Parce que la grande force de Nnedi Okorafor, en plus de peindre un décor particulièrement réaliste, c'est de rendre ses personnages concrets et attachants. Malgré la dimension magique et futuriste du récit, ce que vivent les personnages ne peut que nous rappeler notre présent. Les injustices auxquelles ils sont confrontés, sont celles que connaissent tout un tas de femmes et d'hommes de nos jours. Suivre depuis l'enfance une paria comme Onye, qui est à la fois forte et fragile, qui vit avec le poids de sa conception, est poignant. On ne peut que s'attacher à ce personnage qui a pourtant aussi des côtés bien agaçant, mais sa quête insatiable de justice et de liberté raisonne en moi. Son compagnon Mwita est aussi un être paradoxal, à la fois moderne et pétri d'idées patriarcales du passé, mais il est près à tout pour elle. Ses amies, elle ne les a pas choisies, mais elles lui ont toutes apporté quelque chose. Elles sont toutes très différentes entre elles et vis-à-vis d'Onye, elles représentent les différentes facettes des femmes et même si elles sont parfois agaçantes, elles sont très humaines aussi. Un peu plus en retrait, les hommes – mentors de l'héroïne, représentent un peu ses vieux sages qui croient tout savoir mais se trompent. Ici, ils apprennent de leurs erreurs et rappellent ainsi un peu la figure des grands-parents. J'ai gardé pour la fin les parents d'Onye. Son père biologique est l'archétypique de l'obscurantisme et du fanatisme, il ressemble énormément aux chefs de milice africaine, il est détestable. Quant à sa mère, à l'inverse, elle est pour moi LE personnage de cette histoire. C'est une survivante, une guerrière, qui a su se remettre de ce qu'elle a subi, élever sa fille, la guider et l'appuyer jusqu'au bout. J'ai eu un gros coup de coeur pour elle.

Vous l'aurez peut-être compris, Qui a peur de la mort ?, est un titre en somme classique dans son déroulé pour de la fantasy, mais qui a su me toucher et me bouleverser dans la forme qu'il a pris. C'était la première fois que je lisais un texte faisant directement référence à la culture africaine, à ses traditions, à ses déviances, à ses problèmes et souffrances. le ton de l'autrice, simple et direct, mais empreint de cette culture et surtout très féministe m'a touchée. Je me suis attachée aux personnages tout au long de cette histoire où on les voit grandir. Les sujets soulevés amènent à lire des scènes assez dures, mais elles sont nécessaires, et le mélange entre la Fantasy et la SF y contribue pour beaucoup. Qui a peur de la mort ? n'aura pas révolutionner le genre, mais il aura su me marquer. Une lecture indispensable pour moi !
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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Voici un roman difficile à classer (et je suis fâché avec les classifications...) entre urban fantasy et post-apo. Vu le succès et la médiatisation, il y a aussi maintenant cette étiquette "afro futurisme." Elle se discute...

Inspiré par les conflits au Soudan, on retrouve en effet une ambiance africaine bien marquée, le contexte est très crédible. Au début, je me suis presque surpris à chercher les noms pour savoir à quoi ils correspondaient (villes, pays...) Il s'agit bien d'un univers différent. Peut-être une déclinaison de ce que pourraient devenir certaines zones de l'Afrique, de l'Asie ou du moyen-orient dans un futur pas si loin ?

Le roman est axé autour de 3 parties, et de son héroïne en narration à la première personne. Certains passages sont très rythmés, avec des rebondissements, d'autres moins. j'ai trouvé qu'il s'agissait surtout d'un récit d'ambiance, et sur ce plan-là le roman est une réussite. Même les moments (parfois très) violents gardent une certaine poésie.

Un très beau voyage autour du personnage d'Onyesonwu, qui est autant une quête intérieure et spirituelle qu'un périple au travers du désert !
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