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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Au fil du thé…

l'écrivain japonais Okakura Kakuzo offre, autour de réflexions sur cette boisson séculaire, une promenade délicieusement esthétique, spirituelle et humoristique.

Le thé, nous apprend le maître, “n'a pas l'arrogance du vin, l'individualisme conscient du café, l'innocence souriante du cacao” ; il est aussi la preuve par l'exemple d'un certain nombre de traditions et d'empreintes esthétiques et philosophiques propres à l'Orient, par contraste avec l'Occident, vous l'avez compris le livre déborde régulièrement du seul domaine des infusions.

Comment ne pas penser à une autre tentative littéraire pour figer les arts et coutumes nippones, par opposition avec l'hégémonisme rampant de l'Occident, celle bien sûr de Tanizaki et son Eloge de l'Ombre. Les deux écrivains se rejoignent par exemple sur la valeur de l'usure des ustensiles, inutile de faire peau neuve bien au contraire ; Kakuzo signalant “la patine des temps est sur tous les objets, car rien de ce qui pourrait faire songer à une acquisition récente n'est admis ici” quand Tanizaki déclare « nous préférons le brillant ombré, reposé, au clinquant superficiel ».

“En percevant l'utilité subtile de l'inutile, il est entré dans le royaume de l'art”. L'agencement austère et asymétrique de la Chambre de thé (Sukiya), loin d'être une maladresse décorative propose à chaque invité de “compléter par l'imagination, selon ses goûts personnels, l'effet de l'ensemble”, car “l'art n'a de valeur que dans la mesure où il parle à notre coeur”, à l'exception de l'art contemporain peut-être qui agace déjà notre auteur, au début du XXème siècle.

Ce n'est pas le seul constat que nous partageons encore avec l'auteur japonais, il souligne une tendance qui ne nous étonnera que par sa pérennité dans L Histoire : “notre dieu est grand et l'argent est son prophète. Pour ses sacrifices, nous dévastons la nature entière”… avis à tous ceux qui réinventent le fil à couper le beurre… de même que les décadentistes nostalgiques d'une époque qui n'a jamais existé, plus réactionnaires que le système nerveux. Tanizaki raillait : "quel que soit le pays les vieux disent tous la même chose, me disais-je, il semble bien que l'homme, au fur et à mesure qu'il avance en âge, soit toujours prêt à trouver que c'était mieux avant", Kakuzo a aussi un mot pour eux : “les poètes de la décadence - quand donc le monde n'a-t-il pas été en décadence ?”

Dans un chapitre consacré aux spiritualités orientales comme le bouddhisme, le taoïsme, le confucianisme ou encore le zen, Kakuzo entend nous faire entrevoir une façon de “régler convenablement notre propre existence sur cette mer tumultueuse de troubles insensés que nous appelons la vie”. En des termes simples, l'auteur parvient à nous faire sentir le vertige d'une croyance qui ne nous est pas révélée mais qui est un effort, une tension qui part de l'être et où le vide abyssal en soi-même est la clé d'une ouverture à autrui, d'un réveil des illusions, d'une concentration et médiation profonde dans le but de réconcilier les polarités qui sont toujours relatives, "le vide est tout-puissant parce qu'il peut tout contenir” conclu l'auteur.

Mais tous ces développements sont liés pour l'écrivain à la cérémonie du thé, qu'il appréhende comme une philosophie, une esthétique, une hygiène, une économie “car elle démontre que le bien-être réside beaucoup plus dans la simplicité que dans la complexité et la dépense ; c'est une géométrie morale, car elle définit le sens de notre proportion par rapport à l'univers."

Avant de vous quitter, car l'eau commence à bouillir et le parfum des herbes infuse déjà la pièce, je ne peux que vous inviter à prendre une grande inspiration chargée d'embruns car comme l'écrit Kakuzo “il y a cependant une joie et une beauté dans le roulement des vagues qui balaient l'éternité.”

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Indépendamment du bouddhisme le japon a reçu de Chine un procédé particulier de conservation du thé vert , c'est le thé en poudre que l'on restaure en l'hydratant à deux reprises en deux étapes progressives.
Cette méthode de » renaissance » du thé en poudre à transité par les monastères bouddhiques au japon et elle s'est rependue comme un rituel laïque dans toute la société japonaise en tant qu'art de dégustation ritualisé.
C'est un texte japonais qui est écrit initialement par l'auteur pour les étranger en anglais. Il expose les principes de base de la voie du thé qui est un véhicule efficient pour la recherche de l'harmonie ,du respect , de la pureté, et de la tranquillité.
Ces principes sont utiles pour accéder à un mode de vie Zen et sont aussi à la base de la méditation Zen.
Cet ouvrage livre une sorte de méthodologie stylisée d'accès au Zen en explicitant de nombreux aspects esthétiques cérémoniels ou encore du ressort des rencontres avec la nature ou bien qui découlent des objets simples utiles à la sociabilité et enfin de la vie en société elle-même. La voie du thé place le lecteur en liaison avec leurs significations profondes.et immanentes plus ou moins voilées.
Le livre explicite volontairement de nombreux aspects de la civilisation japonaise et l'auteur parvient à se placer avec un recul certain face à sa société d'origine.
Le processus d'acquisition du bouddhisme Zen par la société japonaise est intéressant car il montre indirectement au lecteur ,comment le numineux façonne finalement une société en profondeur en donnant vie a toute une éthique de réalisation personnelle et collective qui s'animent dans des appropriations personnelles ritualisées et partagées.
C'est un texte très agréable à lire qui n'a absolument rien d'abscons et qui est plein de belles phrases percutantes d'une solidité conceptuelle à toute épreuve.
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Quoi de mieux par cette brume froide et matinale que de déguster un bon thé en écrivant mes impressions sur ce bel ouvrage.

Ce livre m'avait été conseillé par un de mes profs alors que je m'étais inscrite à un optionnel sur le Japon. Il en avait parlé avec beaucoup d'enthousiasme. Quelques années plus tard (c'est à dire maintenant) je m'y suis plongée et il vaut mieux tard que jamais dit-on.

C'est un ouvrage d'une incroyable finesse. Okakura raconte avec poésie tout le déroulement du cha-no-yu, la cérémonie du thé. On se rend compte au fil des pages que c'est un art très subtile. Tout est dans la délicatesse, la précision et le respect. Que ce soit dans le choix des fleurs qui composeront le fameux breuvage, mais aussi de la fascinante ambiance de la chambre de thé qui est un lieu particulier pour accueillir et déguster.
L'auteur nous parle également de la philosophie taoïste et zen qui inspire l'artiste, le maître de thé.

Cet ouvrage nous fait voyager aux origines de cette belle décoction avec raffinement et élégance.
La préface et la postface de Sen Soshitsu XV nous en apprend beaucoup sur l'histoire à travers quelques anecdotes.
Un livre très utile pour passer un très beau moment poétique et pour avoir un autre regard sur cet art que l'on connaît peu.
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Petite infusion de sagesse japonaise!

Un écrit qui date du tout début du 20e siècle, qui raconte une des voie de la sagesse, une lecture philosophique, illustrée d'anecdotes et de légendes et comportant de nombreuses pépites... (69 citations sur Babelio pour un livre d'à peine 135 pages)

L'auteur y présente l'origine de la boisson et sa diffusion à travers les dynasties chinoises, puis le développement du taoisme et du zennisme au Japon où le thé devient un rituel, avec ses Maîtres, sa Chambre de thé avec l'art et les fleurs qui la décorent. C'est un texte pacifiste avec une vision idéalisée de la culture nipponne. (On peut penser que, par la suite, le Japon a souffert de « trop de thé» pour s'engager dans la Seconde Guerre mondiale!)

Aussi, c'est parfois agaçant de se faire répéter que c'est « nettement à l'opposé de ce qui se pratique en Occident ». En fait, je me demande si les cellules monastiques et les pratiques des abbayes franciscaines ne sont finalement pas très éloignées du zennisme ?

Une introduction intéressante et sans douleur à la culture asiatique, à savourer avec une bonne tasse de thé blanc (le préféré de l'empereur Kiatung!)
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Ce petit livre (1906) n'est pas un livre sur le breuvage mais un livre sur le partage. Près de cent vingt ans après sa parution, il est toujours aussi délicieux.

Je voudrais surtout m'attarder sur le contexte  du livre.

Kakuzo Okakura n'est pas un Maître du thé. Il n'est pas non plus un fervent pratiquant du cha-no-yu, la voie du thé . C'est un intellectuel de l'ère Meiji (1868-1912) cette période de transition qui voit le Japon s'ouvrir au monde, commercer et rattraper son retard militaire sur l'Occident pour le meilleur et pour le pire.
le jeune Kakuzô a a appris l'anglais à Yokohama où son père était un riche commerçant. Il s'est imprégné de la culture occidentale auprès de professeurs étrangers de l'Université de Tokyo, tout en pratiquant les arts traditionnels japonais à Nihonbashi : poésie chinoise, peinture nanga, koto et cérémonie du thé. Il a absorbé simultanément la modernité occidentale et la culture traditionnelle extrême-orientale. Il est devenu un historien d'art réputé des deux côtés du Pacifique.
En 1904, année du début de la guerre entre le Japon et la Russie, il part aux États-Unis, où il est le premier Japonais à accéder au poste de conservateur du département d'art chinois et japonais du musée des Beaux-Arts de Boston. En 1905 le Japon a vaincu la Russie et fait de la Corée un protectorat. L'Occident regarde ce pays autrement : avec respect mais aussi avec inquiétude.
Okakura s'insurge :

« Combien de commentaires n'a-t-on pas consacrés au code des samouraïs, à cet art de la Mort pour lequel nos guerriers se sacrifient avec tant d'exaltation ! Alors que la voie du thé, laquelle incarne au mieux notre art de la Vie, n'a guère suscité d'intérêt. » (« Bushido » de Nitobe circulait assez largement en anglais).

Ce petit livre est donc destiné à promouvoir un Japon méconnu voire méprisé par les Occidentaux et déjà en péril dans son propre pays. Okakura s'adresse à son lectorat américain dans un anglais qu'il maîtrise à la perfection. Il se sert également du thé que les Bostoniens connaissent particulièrement bien pour parler d'un Japon spirituel, harmonieux, pacifique contenu dans cette humble cérémonie. Il fait preuve de pédagogie, utilise les légendes et la poésie pour initier son lecteur aux pensées zen et taoïste. Il charme, utilise l'humour et l'ironie. Il n'hésite pas à secouer son lecteur et à remettre en cause ses perceptions (voir citation sur la décoration). Son discours est clair, direct mais aussi plein de subtilités, de fierté nationale et de mélancolie (voir citation sur le Chinois). C'est pourquoi ce livre a conservé tout son arôme et toute sa force plus d'un siècle après sa publication.

Le Livre du thé est à savourer sans modération.
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Ce livre traînait dans ma bibliothèque depuis des années, accompagnant un pot de thé reçu en cadeau. Je suis heureuse de m'être enfin décidée à le lire.

Dans ce livre, le thé reprend toutes ses lettres de noblesse. Cérémonial, démocratique, spirituel, revigorant, apaisant, purifiant et j'en passe, cette "écume du jade liquide" a traversé les siècles en Chine et au Japon et établi un vrai art de penser qui se traduit par l'établissement des maisons de thé.
Il nous enseigne l'art de le préparer et de le servir, mais aussi celui de le mettre en contexte, tout étant dans les détails de la décoration. Parce que boire un thé est plus qu'un plaisir, c'est une expérience intérieure.
Okakura, sous prétexte de nous en expliquer les tenants et aboutissants, en profite pour défendre la culture orientale, mise à mal en ce début de vingtième siècle par la présence de l'Occident en son sein. Il s'en dégage des manières de penser et de vivre souvent totalement différents.
Il nous enseigne une autre harmonie, une autre façon d'appréhender le respect, la lenteur, la contemplation.
"Ce thé devint une façon de vivre - une voie pratique d'accomplissement spirituel. "

L'essai est accompagné d'une préface ET postface de Sen Sōshitsu, descendant de cinq générations de maîtres de thé, qui nous présente l'auteur - habitué du monde occidental et donc légitime critique des deux mondes - et explique que ce livre a changé sa vision de la vie.

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Bien plus qu'un livre ancien sur le thé !

Ce livre parle, il est vrai, du thé, de sa pratique, de son histoire.
Mais c'est bien davantage un livre
- sur les rapports du Japon au monde extérieur
- sur la recherche de perfection, calme au quotidien
Ce qui m'a frappé dans le livre justement

L'auteur revient à plusieurs reprises sur ce point.
C'est une pratique démocratique qui place les personnes au même niveau
Humilité, accords, respect, écoute, harmonie sont des maîtres mots qui reviennent souvent.

La plupart des remarques et observations sur les rapports humains s'appliquent sans peine aujourd'hui tant les valeurs découvertes sont universelles et intemporelles.

Un livre à lire ?

Si le thé vous indiffère complètement il me paraît difficile de conseiller ce livre.
Sinon thé, Japon, valeur et rencontre avec l'autre me semblent les termes qui décrivent le mieux ce livre
Lien : http://travels-notes.blogspo..
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Le livre du thé ou petite philosophie japonaise.
Je viens de terminer cette lecture si particulière mais si enrichissante.
Le livre nous renseigne sur le thé et son histoire mais aussi et surtout sur la philosophie de vie et l'esthétique japonaises.
Un petit essai plein de poésie et de sagesse.
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Est-il vraiment utile d'écrire une nouvelle critique sur ce merveilleux livre ?

Bien plus qu'une infusion de thé vert japonais, c'est un condensé de philosophie, d'histoire, de manière de vivre, de penser, de Voie à la japonaise...

Une très très belle réussite, pleine de poésie - et pas niaise la poésie ! La vie et la mort s'y côtoient constamment, comme dans le Bushido pour offrir une vraie œuvre d'art et une vraie réflexion sur la modernité (et toujours d'actualité).

On y dévore ainsi les différentes facettes du thé et ce à quoi sont prêts ses Gardiens pour le protéger... et le partager.
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Masse critique octobre 2013
D'abord un bel objet: un livre de petit format, couverture blanche qui donne le ton, discrets caractères d'imprimerie verts et calligraphie noire, marque-page vert, élégance et discrétion. Avant de commencer à lire, je me suis promenée dans les estampes d'Hokusai qui parsèment le livre:plaisir et raffinement.
Le livre du thé présente l'histoire du thé en Asie, les différentes manières de le préparer (bouilli,cuit, infusé, fouetté, avec du sel, des aromates...). C'est aussi et surtout une introduction au mode de pensée zen et taoïste, un éloge de la simplicité et de l'art du naturel. Comment construire une chambre de thé, havre de silence, d'harmonie, sans la symétrie qualifiée de redondante chère aux occidentaux. Comment choisir les matériaux, les couleurs, comment obtenir le chant harmonieux de l'au qui bout, comment choisir le bol à thé (verni? mat? noir? blanc?...)
Un livre qui entrouvre une porte sur une civilisation mal connue.
Vous ne verserez plus jamais de l'eau sur un vulgaire sachet de thé sans penser au raffinement japonais!
Un grand merci à Babelio et à Synchronique Editions .
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