Nous avons été jetés dans le même sac de façon totalement arbitraire et nous voilà tous ensemble avec nos vies fragmentées.
Je chancelle sur mon siège, le cœur en feu, tout en moi criant à l’absolue parité, au point que j’aurais pu écrire moi-même chacune de ces phrases. Vers minuit, j’en suis à passer un bras fantôme à travers la paroi de bois derrière moi, prendre la main de Stevie, nos doigts entrelacés, l’embrasser doucement dans le cou.
L'absence de vie dans un corps est une chose étrange. Où s'en sont allées la vivacité, l'ardeur ? Que sont-elles devenues ? Il ne reste qu'une coquille, un grand sac, comme un emballage prêt à être recyclé. Pourtant la peau porte l'empreinte de la vie qui vient de s'envoler. Le corps mort est une carte si on sait le lire.
Deux cents abonnés sur Instagram, cent posts - une modeste visibilité sur le réseau - et son compte est entièrement public. La encore, c'est une invitation à entrer dans son monde, à la suivre, à observer.
Il y a tant à apprendre de la manière dont les gens exposent leur vie. Tant d'informations derrière les hashtags.
En fait le sentiment amoureux est le fruit d'un phénomène chimique qui agit comme une drogue. On ne peut pas choisir avec discernement quand on est un crétin en plein trip. Finalement, nous créons des versions idéalisées des gens, et puis la drogue se dissipe.
Il ferait bien d'écouter, car le secret de toutes les histoires d'amour réside dans l'écoute attentive.
Rien de tel pour remettre un homme d'aplomb qu'un bain matinal dans l'océan.
Malgré tous ses soucis, Stevie tient son Instagram à jour. Il s'agit, comme toujours, de faire la publicité de son existence.
Peut-être que nous sommes tous perturbés à notre manière.
Je suis plongée dans le noir, avec pour seul bruit celui, intermittent, des gouttes s’écoulant du robinet et l’affreuse certitude que l’intrus est en train de revenir vers moi. La porte de la cabine a-t-elle été poussée vers l’intérieur ? Le pêne est-il en train de coulisser ? J’attends, une main crispée sur ma bouche, l’autre sur le verrou, tandis qu’à deux doigts de ma tête filtre une saccade de sons feutrés, graves et veloutés. Dans la salle de bain, quelqu’un rit.