Par ce docu-fiction,
Thierry de Navacelle met en lumière la vie du marquis breton Armand de la Rouërie, oublié des livres d'histoire et dont la vie d'adulte s'est partagée entre deux grandes périodes : d'abord ami de Washington, son implication dans la guerre d'indépendance des Etats Unis d'Amérique comme chef d'armée aurait été - la thèse n'est pas nouvelle - au moins aussi prépondérante que celle de Lafayette. Rentré en France au moment de la révolution, il sera à l'origine de l'Association bretonne, prémisse de ce que seront les mouvements chouan et vendéen.
Sur le fond l'auteur réussit plutôt bien son entreprise de réhabilitation et se livre à un portrait intéressant de la complexité du personnage, souvent catalogué comme simple royaliste, alors que fort de son expérience américaine il était favorable à bien des idées des débuts de la révolution française. Quoiqu'on en pense finalement, l'auteur défend bien sa propre idée sur la question.
Sur la forme, le choix de romancer le récit en donnant la parole à l'aide de camp américain Shaffner qui suivra La Rouërie en France est une belle idée. Là où le bât blesse c'est qu'il n'y a aucun effort littéraire ou rédactionnel. On a droit à une succession de paragraphes laconiques et bâclés, où les fautes non corrigées et autres coquilles sont légion. Tout est purement factuel, survolé; la relation La Rouërie-Shaffner sur la période américaine est à peine abordée, là où on aurait souhaité connaître les origines d'une telle fidélité de l'aide de camp.
Comble pour un ouvrage historique, la présence d'anachronismes, par défaut de documentation sur ce qui ne concerne pas directement La Rouërie : ainsi le marquis assiste à l'opéra Paris à une représentation de L'enlèvement au sérail en 1766, année où Mozart n'avait que dix ans (il créera l'oeuvre à Vienne en 1782). de même la présence d'un couple de sonneurs bombarde-biniou en pays de Fougères à la fin du XVIIIè siècle est plus que douteuse du point de vue de l'attestation historique, et le terme de « musique celtique » qui leur est associé est totalement folklorique et déplacé dans le contexte de la fin XVIIIè. Des détails diront certains, mais qui plombent la crédibilité d'un ouvrage qui se veut historique.