Merci tout d'abord à Babelio et aux éditions le muscadier, pour l'envoi de cet ouvrage très instructif. Sans préjugés ni stigmatisation, il démontre les effets de l'alcool et la responsabilité des politiques, défaillants en matière de prévention et d'information...
Un livre très intéressant rédigé par
Mickael Naassila, directeur du groupe de recherche sur l'alcool et les pharmacodépendances de l'Inserm.
Son travail porte sur l'addiction à l'alcool et la maladie alcoolique du foie. Il étudie les facteurs génétiques et environnementaux – et plus particulièrement la précocité de l'exposition (in utero et à l'adolescence) – qui sont impliqués dans la vulnérabilité à l'alcoolodépendance.
Un ouvrage abordable, même s'il présente quelques références scientifiques un peu ardues pour des non-initiés. Complet, il aborde tous les thèmes et se révèle optimiste en 115 pages.
En introduction, ce professeur démontre que l'alcool est une drogue banalisée ;
- la production d'alcool et sa commercialisation constitue une branche ancienne et incontournable de notre économie .En 2012,le budget annuel moyen alloué à l'alcool par chaque foyer était de 322 € représentant une consommation quotidienne moyenne de 2.7 verres d'alcool !
- Mais surtout la consommation d'alcool est profondément ancrée dans notre culture : inimaginable d'organiser un évènement festif sans alcool et les abstinents sont toujours perçus avec étonnement.. Elle constitue une norme
- Les représentations positives de la boisson sont ancrées dans l'histoire de France : de l'époque antique à aujourd'hui, en passant par les avantages reçus par les bouilleurs de cru depuis l'époque napoléonienne.
- le caractère ordinaire, socialement valorisé de la consommation induit un refus d'identifier l'alcool à une drogue ; pourtant, il en est une : action sur le cerveau, altération des sens et de la capacité de l'individu à se contrôler et la capacité addictive.(10 % de la population présente un rapport problématique avec l'alcool). Pourtant par l'image positive qu'il véhicule, l'alcool n'est pas considéré par les populations comme une drogue.
Pourtant l'usage nocif de l'alcool constitue un sujet tabou aggravé par un laxisme des politiques publiques proches des lobbys de la profession…
Pourtant, les méfaits de la consommation de l'alcool constituent la première cause d'hospitalisation en France engendrant un coût de 120 milliards d'euros par an (coût net après défalcation des taxes…) !
Dans un premier chapitre, sont abordés l'impact et les usages de l'alcool :
Un lourd tribu social et individuel s'ensuit :
- une prise de conscience de la maladie récente (première étude en 1784 tandis que l'étude de l'alcoolisme entre en médecine en 1849) et ce n'est qu'en 1960 qu'une première classification des troubles de dépendances est proposé et en 1990 une définition de l'addiction !
- les dommages sanitaires et socio-économiques sont énormes : les français avec 11.9 litres d'éthanol pur par habitant et par an, nous consommons près de deux fois plus d'alcool que la moyenne mondiale ! L'alcool arrive en tête du classement des dommages (avant l'héroïne ou le tabac et mêmes les drogues de synthèse) induit par cette consommation : sanitaires, addictions, coûts judiciaires, perte de productivité…
L'alcool induit des dommages sévères pour le consommateur mais aussi pour son entourage : infractions, condamnations, violences conjugales, agressions sexuelles, maltraitance des enfants…
Nous ne sommes pas tous égaux devant l'alcool : cela dépend de l'âge, du sexe, du poids, de la vitesse et de l'expérience de la consommation, de la génétique et même de la nationalité ! (50 à 80 % des asiatiques ne possèdent pas de mécanismes d'élimination des molécules d'alcool provoquant une intolérance à l'alcool !) ; et nous ne sommes pas tous dépendant : un seuil de faible risque correspond à une consommation de maximum de 21 verres par semaine pour les hommes et 14 pour les femmes.
Les troubles liés à l'usage à risque de l'alcool sont bien étudiés : de la difficulté à accomplir ses obligations professionnelles ou familiales, à l'envie très importante ou compulsive de consommer de l'alcool en passant par des mises en danger et des signes de sevrage.
Deux questionnaires sont insérés afin d'évaluer sa consommation.
Dans un deuxième chapitre sont étudiés les effets de l'alcool sur notre organisme :
- l'addiction : le "craving" cette envie irrépressible et incontrôlable de consommer de l'alcool. le circuit cérébral de la récompense qui est traité de manière compréhensible et étonnante : dès la naissance, notre cerveau est prêt à récompenser ce qui nous fait du bien, ce qui nous pousse à en vouloir toujours plus et ainsi à répéter un comportement pour parvenir à la même finalité ! (la recherche du plaisir et du bonheur sans fin comme dans notre société d'ultraconsumérisme !)
- le sevrage, les pathologies liées à la consommation d'alcool, l'alcoolisation foetale et chez l'adolescent (avec le nouveau "binge drinking" qui consiste à boire de l'alcool massivement et rapidement !) thèmes abordés de manière plus scientifique et plus difficile d'accès mais abordable quand même.
Dans un dernier chapitre, les solutions sont développées :
Elles se situent dans les domaines de la prévention bien sûr, primaire (universelle) et secondaire (ciblée),
Cette action doit être développée par les acteurs publics pour savoir dire non, apprendre à se fixer des limites, résoudre nos problèmes personnels…
La prise en soins de l'addiction à l'alcool doit être effectuée par tous les acteurs (psychiatre, addictologues, urgences...)
Une prescriptions de molécules comme la "diazepam" qui diminue la récurrence des symptômes de manque, les convulsions et même l'anxiété du sevrage.
Une approche en psychothérapie joue un rôle essentiel pour comprendre ses émotions et son addiction, ainsi que des méthodes de stimulation cérébrale actuellement en cours d'essai.
Malheureusement, malgré des enjeux de santé publique, la France est clairement à la traine en matière de recherche en alcoologie : elle ne possède que très peu de chercheurs sur ce domaine…
Les investissements publicitaires en faveur des boissons alcooliques en France représentent 300 millions d'euros (2006) soit 15 fois l'ensemble des dépenses consacrées à la recherche sur l'ensemble des addictions.
Surtout la loi Evin a été vidée de sa substance dans le cadre d'une loi dite de "modernisation du système de santé" qui laisse le champ libre à la publicité sur l'alcool !
Un dépistage et une prise en charge sont trop tardifs : le professeur préconise la présence d'un médecin addictologue dans les services d'urgence et une formation pour les personnels de santé.
En France, (5 millions de personnes présentent un usage à risque dont 2 millions une alcoolodépendant !
En raison du prix individuel et collectif, l'alcoolisme devient un enjeu de santé publique.
Il est urgent que les pouvoirs publics investissent dans cette mission, plutôt que d'écouter les sirènes des lobbys ! C'est le problème en France...