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EAN : 9782070363704
160 pages
Gallimard (13/04/1973)
2.82/5   14 notes
Résumé :
Si d'aventure, comme le chevalier du vieux romance espagnol, on rencontre une infante perchée en haut d'un chêne et qu'elle vous demande de l'emmener, quel parti choisir ? S'en aller d'abord, tenir conseil, tel le chevalier, au risque de ne plus trouver personne en revenant au chêne...

ou prendre en croupe l'infante, et advienne que pourra! L'allégorie de La petite infante de Castille s'impose à Henry de Montherlant lorsque, à Barcelone, la vue d'une... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
La petite infante de Castille est ce roman écrit en 1929 qui m'a réconcilié avec mon hispanité alors refoulée pour cause d'immigration.
J'avais à l'époque 14 ans et je vivais à Bourges, cette cité médiévale prisée des touristes pour sa cathédrale à cinq portails, ses venelles sombres aux pavés sinuant toujours sur le tracé du parcellaire gothique, ses maisons aux poutres de façades rouge sang lavées par la pluie, dont les pignons se rejoignent et cherchent en vain à enfermer des échappées de ciel.
Mon principal souci, outre une puberté qui me tracassait les méninges et d'autres parties du corps, était de paraitre plus français que français, avec toutes les difficultés que cela entraine lorsque l'on est petit, noiraud, les cheveux sombres, la peau tannée et que l'on parle un français plus chuinté que chanté.
Mon seul camarade d'école, un élève supposé d'une ignorance crasse, Pierre Dujardin, dont la compagnie m'avait été imposée en raison de ma difficulté à maîtriser la langue du pays - que certains professeurs pensaient définitive, ce qui en dit long sur l'ouverture d'esprit et à l'autre de cette pourtant honorable catégorie professionnelle, - se révéla être un compagnon digne d'intérêt, fils d'une professeure de lettres divorcée, charmante, prolixe et pétulante dont la séparation d'avec le père de Pierre avait plongé mon camarade de classe dans une révolte autant brutale que stérile.
Mme Dujardin, elle avait conservé son nom de femme à cause de Pierre, me prêta ce livre que je possède toujours, ému que je suis en regardant son nom a tracé à l'encre bleu nuit, en belles lettres anglaises, sur la première page : Edwige Dujardin.
Elle m'apprit, malgré elle, cette Espagne que mes parents avaient fuie et dont ils ne me parlaient jamais.
La première phrase du livre, « Barcelone est une ville de six cent mille deux cent âmes, et elle n'a qu'un urinoir. On devine si à certaines heures il a charge d'âmes. Mais je sens qu'il vaut mieux commencer d'une autre façon mon récit. », me fit l'effet d'un coup de poing et m'incita à continuer.
Une avalanche de noms de villes connues de moi, dès les premières pages : Albacete où habite une vieille tante de ma mère, l'auteur s'y blesse en toréant, « La fournaise d'Almeria » ville de naissance de mon père, Valence et ses tailleurs de vigne, Grenade la ville des cousins, Séville, Jerez et son vin variant du doux au très sec.
Et ses expressions familières, de ma grand-mère, que je vois écrites, imprimées, « Toma tonto » (prend idiot) « Ven aca nene » (Viens ici gamin).
Tout m'enchante dans cette glorification partiale et naïve de l'Espagne : « …et ces visages larmoyants avec ces gens en deuil (les Espagnols ont la manie d'être toujours en deuil)… » ; « Auprès de ces gens, un Français du Midi fait figure de personnage silencieux. » ; « Et cela s'appelle l'orient où la bonne tenue, la dignité de la foule, un soir de Ramadan, alors pourtant qu'a sonné l'heure du désir, fait honte à nos foires de Neuilly, Espagne, Islam, c'est la même race et c'est une race noble. »

Et quand Mme Dujardin, se demandait si elle avait bien fait de me conseiller cette lecture, soudain inquiète de savoir si ce livre me plaisait, je répondais avec mes mots, - ce Montherlant c'est un déconneur :
« …elle me rappelait cette enfant du campo andalou, qui, venant rendre visite à sa mère, servante chez moi à Jerez, et n'ayant jamais vu d'escalier, monta celui de ma maison à quatre pattes. »
« Et il est classique qu'en Andalousie, si c'est un voyageur de première qui est descendu boire, le train attende qu'il ait fini pour repartir. »
« Un de mes amis avait dû divorcer d'avec une Espagnole, à cause de l'irritation nerveuse qui lui causait, répété sur le rythme de vingt fois à la minute, le petit froissement de son éventail qu'elle refermait d'un coup sec… »
Mme Dujardin riait, répétant, - je n'avais jamais entendu quelqu'un traiter Montherlant de déconneur, mais tu as un peu raison.
Enhardi par ces encouragements je récidivais en le traitant maintenant de dragueur :
« Notre face perdue dans ses cheveux comme la tête du cheval dans sa musette. » ;
« Mais sitôt entré dans la zone méditerranéenne, je renais au féminin. » ; « Et devant vous, toute honte bue, je ne suis plus qu'un commis voyageur ou un sous-off' qui court le jupon. »
« Puis il suffit que j'entende la voix d'une Espagnole, même sans voir celle-ci, sa voix descend en moi, me maîtrise comme on maîtrise un cheval, me jette dans une timidité passionnée. »
« Ce qu'il y a de meilleur dans l'amour, c'est cet instant de l'inconnu. La créature dont on ignore tout et qu'il s'agit de conquérir. Comment elle succombera peu à peu, telle un sorbet dont on coupe des tranches. »
Cette fois, elle ne répondait rien, rougissant un peu, finissant par lâcher – je vois que ce livre te plait vraiment.
C'est pourquoi je n'avais jamais osé lui révéler mon passage favori du livre, que je lisais et relisais, sûr de m'attirer sa colère :
« Là sur mon fauteuil, je sentis une exaltation bien connue, puis un épanouissement, puis un étourdissement, puis une faiblesse, puis une sécheresse, et quelque chose de morose qui ne cessa plus de m'occuper, comme si dans mon être on venait d mettre en veilleuse une lumière auparavant resplendissante. »
Je ne lui ai jamais parlé non plus, ni posé de questions sur cette histoire qui émaille le récit et sur la morale de laquelle je m'interrogeais longuement, perplexe :
« Sur la branche la plus haute, il vit que se tenait une petite infante. » le chevalier qui raconte tombe amoureux de cette petite infante, fille de roi, et lui demande d'attendre car il veut aller en parler à sa mère avant de l'épouser, mais quand il revient : « …l'oiseau avait pris son vol…Des cavaliers ont emporté la petite infante, qui n'avaient pas été demander la permission à leurs mamans… (Mais peut-être qu'elle leur causa beaucoup d'ennuis.) «
L'Espagne qui me faisait honte, celle que mes parents voulaient cacher, me cacher, n'était plus synonyme d'indignité, d'impudeur ou d'infamie, la façon dont Montherlant la magnifiait me redonnait une fierté d'être espagnol que je n'avais jamais connue jusqu'alors :
« Ensuite il y eut un tableau de danses andalouses : Cordoba. La musique soudain pareille à une femme : elle vous emplit de frissons, comme une eau froide dans les entrailles. »
« J'allais sans savoir où, par les petites rues encore populeuses, violemment éclairées, où les gens attablés mangeaient des crevettes, où les tonneaux dans les débits s'alignaient comme dans un cellier : l'animation de la ville, à deux heures et demi du matin, est une chose proprement espagnole. »
« J'entendais craquer sous leurs dents les ordures que mangeaient les chiens – les chiens qui la nuit continuaient de vivre, blancs, trottant menu sur les voies de chemin de fer, les chiens qui toujours cherchent une aventure… »
Et depuis cette lecture, je me suis efforcé de devenir cet homme complet que Montherlant décrit « en deux parfaits alexandrins. » :
« L'homme complet a en lui, et il fait alterner,
Le comte Albert de Mun et le Canard Enchaîné. »
Un texte désuet, dépassé et vieillot que je relis quelque fois non sans nostalgie.

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En toute honnêteté je ne suis pas fâchée d'avoir tourné la dernière page de ce récit. Je me suis ennuyée et ai trouvé le texte très déprimant, laborieux et aussi... Henry de Montherlant traverse une crise et fuit vers des destinations ensoleillées... On sent vraiment la dépression de l'auteur, aux travers des lignes, et j'ai eu du mal à le suivre dans ses divagations, interrogations et revirements parfois. Je l'ai trouvé sévère et aussi méprisant, vis à vis de l'Espagne et des femmes en général.
J'avais moyennement apprécié "Les jeunes filles", je pense prendre mes distances avec cet auteur en ce qui concerne les romans, récits ou essais, privilégiant la lecture de ses pièces de théâtre.
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Édifiant. Si on veut savoir comment un pédophile justifie ses choix de vie…
Dans le récit, l'auteur-narrateur, attiré par une enfant (10-12 ans maximum), analyse son désir brut tempéré par des considérations sur les femmes empreintes de misogynie, dans un clair rapport de domination.
La femme n'est guère plus qu'une bête :
« Ce qui est agaçant chez les femmes, c'est leur prétention à la raison » p23
Et il ne se prive pas d'analyser comment elle deviendra sa proie : « Comment elle succombera, tel un sorbet dont on coupe les tranches »
« On a le même sentiment que devant le cheval, devant le taureau qu'on va aborder : quelle sera ma domination sur elle ? La même incertitude et le même gout. » p 57.

Il a recours aussi à des référents, les Orientaux, qu'il assimile aux Espagnols et qu'il qualifie pour la circonstance de races nobles !
« J'avoue un faible pour la grande jeunesse. Ibn ail Ouardi dit qu'un garçon est désirable à partir de douze, une fille à partir de dix. On lit dans al Mostrataf : « les montures de la volupté sont celles qui ont un peu plus de dix ans, et qui ne dépassent pas vingt ; passé cet âge, mets-les au rebut.»

Dans un premier temps, il renoncera uniquement par crainte de l'ennui qui en résulterait, préférant garder son désir intact, mais ce ne sera que partie remise puisque par la suite, il ira dans une ile s'adonner à ses plaisirs sans autre limite que la satiété.
Et là, il faut qu'il aille au bout de sa logique perverse et qu'il justifie ses choix en prônant un épicurisme de bas étage, au mépris de toute éthique taxée d'idéalisme.
« En réalisant ses désirs, autrement dit en se réalisant soi-même, l'homme réalise l'absolu ». P118.
Dans cette optique, même l'art est secondaire, l'art est « un art refuge » en opposition avec la vie. L'acte d'écrire et la satisfaction qu'il en tire s'apparentent au rire du démiurge qui se délivre de sa création.
Une étoile... c'est uniquement pour le style.
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Nous partons pour un voyage dépaysant en Espagne en 1929. La façon de penser est complétement différente de ce que l'on vit aujourd'hui. c'est un bon dans le passé.
Ce n'est absolument pas mon type de lecture, beaucoup de mal a me mettre dans l'histoire.
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On part en espagne cette fois ci avec l'Auteur pour cette plongée dans la société hispanique du debut du vingtieme siecle.Les moeurs ont beaucoup changé depuis, heureusement mais ce récit vaut surtour pour le style superbe de l'auteur et son depaysement assuré : un bon roman !
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
La petite infante de Castille! Mots toujours enchanteurs, - malgré les musées de peinture. Une des grandes supériorités de Barcelone sur les autres villes d'Espagne, c'est qu'elle ne possède pas de musée de peinture. A Madrid, certains jours, l'ennui me pousse à tout, jusqu'à aller au Prado ; et je me traîne dans cette grande salle dite "de la peinture espagnole", où il est si difficile de dormir (les bancs ne sont pas rembourrés). Entre les "donateurs", à trognes d'assassins, des tableaux de piété du Moyen Age, et les infants buboneux, avec des têtes à se ronger les ongles, c'est là qu'on les voit telles qu'elles furent, les petites infantes chlorotiques. La morgue, la stupidité, la méchanceté sournoise et l'onanisme se disputent sur leurs traits la prééminence ; et je ne parle pas, bien entendu, de l'abrutissement propre aux bêtes princières.
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Il n'y a pas besoin de laisser une oeuvre. Il n'y a pas besoin d'avoir été un grand esprit, ni un grand coeur ; encore moins, d'avoir agi (ce qu'ils appellent "agir"). Il n'y a pas besoin de sauver l'humanité, qui paraîtra un jour un idéal aussi désuet que Dieu, ni une idée, car il n'y a pas d'idée qui vaille d'être sauvée, ni son âme, car l'âme n'a pas à être sauvée. J'accomplirais ces nobles tâches qu'elles me laisseraient torturé de désespoir, cruellement certain que j'ai perdu ma vie et que j'ai été joué. Je suis obsédé par la folie qu'est l'effort des hommes.
Il n'y a qu'un but, qui est d'être heureux. Noblement ou pas noblement. Avec ou sans l'admiration des hommes. Avec ou sans l'assentiment des hommes. J'aurai toujours le mien, et ne l'aurai que dans cette attitude-là ; entendez bien : l'assentiment de ma raison.
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Ce qu'il y a de meilleur dans l'amour, c'est cet instant de l'inconnu. La créature dont on ignore tout et qu'il s'agit de conquérir. Comme elle succombera peu à peu, tel un sorbet dont on coupe des tranches. Comment l'étrangère d'aujourd'hui en arrivera à mentir aux autres, aux siens, à ses chers petits parents, pour vous. On a le même sentiment que devant le cheval, devant le taureau qu'on va aborder : quelle sera ma domination sur elle? La même incertitude et le même goût de mesurer son pouvoir.
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Je la regardais maintenant, je me disais : "Ceci m'est un avertissement. Elle me sera comme les autres. Je l'adorerai jusqu'à ce que je la possède, et détruirai tout en la possédant. Il n'y a pour se graver en nous que la femme que nous n'avons pas eue. Un désir insatisfait mime l'amour ; il n'est pas l'amour. Laissez vivre ensemble les fiancés, durant un mois, avant le mariage, et combien de mariages se feront?"
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Je sortis avec tous ces couteaux de la beauté et de l'amour enfoncés dans le cœur et marchai comme un possédé sous la nuit. "Marcher.", est-ce le mot ? Un tremblement en hauteur me parcourait le corps comme si j'allais m'envoler. Et mes jambes étaient si faibles qu'une image saugrenue me poursuivait sans parvenir à me faire sourire : " J'ai tout de Sainte Catherine de Sienne" (Peinte par le Sodoma)
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0:00 Introduction 0:17 Que pensez-vous de cette citation? «C'est curieux un écrivain. C'est une contradiction et aussi un non-sens. Écrire c'est aussi ne pas parler. C'est se taire. C'est hurler sans bruit. C'est reposant un écrivain, souvent, ça écoute beaucoup.» Marguerite Duras 1:19 Quel métier n'auriez-vous pas aimé faire? 3:06 Quelle qualité préférez-vous chez l'Homme? 4:22 Quel est pour vous le pire des défauts? 5:38 Avec quel écrivain décédé, ressuscité pour une soirée, aimeriez-vous boire une bière au coin du feu? 8:33 Comment imaginez-vous les années 2050? 11:18 Quel mot vous évoque le plus de douceur? 12:48 Comment commence-t-on un roman? Par exemple L'Épouse? 16:23 Si vous pouviez résoudre un problème dans le monde, lequel choisiriez-vous? 20:18 Que pensez-vous de cette citation? «Les écrivains sont des monstres.» Henry de Montherlant 23:19 Quel livre emporteriez-vous sur une île déserte? 25:09 Si votre maison brûle, qu'aimeriez-vous sauver en premier? 28:36 Comment construit-on un personnage? 32:04 Remerciements
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