AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,76

sur 101 notes
5
8 avis
4
28 avis
3
9 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce premier roman "Apprendre à lire"..., je l'ai déniché hier soir par hasard, toujours... sauf mon regard attiré par cette couverture au rouge claquant, repéré il y a déjà un bon moment, avec le choix d'un autre titre de cette collection : "Histoire d'oeils" de Philippe Constamagna, qui m'avait enthousiasmée...

Ce premier roman est un extraordinaire coup de coeur. J'ai lu ce récit aussi
bouleversant que pudique, sans fioritures, d'une traire, cette nuit ! Je suis même triste de l'avoir déjà achevé...

Un récit d'apprivoisement filial, le rapprochement entre un fils, patron de presse, homo, arrogant et cynique, et son père, sarde, au parcours douloureux d'étranger analphabète, d'un autre siècle. Ce père retrouve sur le tard son fils, et le sollicite pour lui apprendre à lire et écrire. le fils, accaparé par son travail, ne le prend guère au sérieux, estimant plus cette demande comme une lubie de vieillard...Peu patient ,piètre pédagogue,
il tente toutefois d'apprendre à lire à son paternel... finalement il trouvera un escort boy (service qu'il sollicite régulièrement, en dépit d'une vie commune heureuse, de près de 30 ans, avec son compagnon, Alex, artiste peintre). Cet escort boy, Raphaël, dit Ron, ... fait cela pour payer ses études afin de devenir instituteur...

A l'infinie surprise du fils, ce père grincheux, acariâtre, impossible taiseux... va s'attacher à ce jeune homme, prendre plaisir à apprendre avec son soutien, se confier, parler enfin... de lui, de sa vie... Ron va prendre ce défi, et cette tâche avec sérieux et bienveillance, envers ce vieux Monsieur... Il deviendra involontairement le médiateur entre le fils et le père...


"Que mon père ne sache ni lire ni écrire, je n'y avais jamais pensé. Je n'avais jamais remarqué chez lui un quelconque sentiment de honte car je croyais mon père plus fort que la honte. (p. 23)

"Lire et écrire, comme inspirer et expirer, ce sont des gestes naturels que personne ne se souvient d'avoir appris." (p. 35)

Une très émouvante histoire de retrouvailles entre un fils mal-aimé et incompris d'un père, lui-même englué par ses fantômes: une enfance de maltraitance , comme berger, sans la possibilité d'aller à l'école, une Sardaigne pauvre, archaïque, un père terrifiant...l'exil, le départ de la terre natale, le travail harassant dans les mines du Nord, la mort prématurée de son épouse, son incompréhension et son indifférence apparentes envers son fils...Je n'en dévoile pas plus... car l'écriture très fine de l'auteur provoque une grande émotion...et une progression lumineuse, pleine de surprises...

Une authentique pépite que ce roman qui traite avec subtilité de sujets délicats et douloureux... Restent ces graines de Renaissance, si précieuses car si tardives, ayant même failli "ne pas être": les retrouvailles d' un fils et son père... Enfin un dialogue amorcé grâce à l'apprentissage tardif, mais combien déterminé de ce père vieillissant....de la LECTURE....L'accompagnement enfin serein d'un fils envers son "paternel vieillissant".. retournant ensemble sur la terre sarde, etc.

Je ne peux pas résister à transcrire une dernière citation... qui me plaît infiniment !

"- Mais à quoi ça va te servir de savoir lire ?
- A quoi ça va me servir ? Mais à lire. Peut-être que lire, ça fait mourir moins vite." (p. 33)

Je trouve d'autant plus juste le nom de la collection, publiant ces thématiques délicates et ce premier roman, "Courage" [qui est aussi le nom d'une revue parallèle, lancées toutes deux en 2015, par Charles Dantzig]

[ Petits bonheurs supplémentaires: mon attirance envers la Sardaigne, île
natale de l'une des premières femmes, Prix Nobel de Littérature, Grazzia Deledda... qui justement narre avec force et talent ce monde des bergers...et... deuxième fort souvenir que le narrateur évoque : le film des frères Taviani, "Padre Padrone", film qui m'avait "tourneboulée"..; à sa sortie !]

Commenter  J’apprécie          406
Attention , immense coup de coeur.

Je connaissais la plume humoristique de Sébastien Ministru par le biais de ses pièces de théâtre "Cendrillon ce macho, Fever, Excit...", son humour parfois caustique par le biais de ses chroniques en radio, mais j'ignorais cette écriture sensible, tout en "retenue, tendresse et émotion".

C'est son premier roman, il est juste MAGNIFIQUE. A lire absolument !

Antoine, approche la soixantaine, il est directeur de presse accaparé par son travail. Il s'était éloigné de son père avec qui les relations ont toujours été difficiles et compliquées.

Antoine vit en couple avec Alex (artiste peintre) depuis trente ans. Ce duo est au fil du temps devenu platonique. Antoine s'offre de temps à autre des relations tarifées. C'est comme cela qu'il rencontrera Raphaël, surnommé Ron, un étudiant instituteur qui rêve de partir en Australie.

Un jour, le père d'Antoine lui demande de lui apprendre à lire et à écrire ! Antoine est un peu désarçonné, et pense à une lubie pour l'emmerder ... mais non son père y tient. Il veut savoir lire et écrire, et si au paradis on lui demandait sa signature pour entrer ?

Peu à peu, Antoine se rendra compte de la souffrance de son père, d'origine sarde envoyé à l'âge de six ans comme berger à la montagne. L'école et l'éducation lui ont purement et simplement été supprimées. Immigré ensuite pour travailler dans les mines, il n'a jamais pu signer le bulletin de son fils... Frustrations.. Il perdra sa femme très jeune, trop jeune et deviendra acariâtre, grincheux, c'est comme ça qu'ils s'étaient éloignés.

Antoine s'en rapproche à présent, s'occupant du vieil homme, il essaie de lui apprendre à écrire, mais c'est compliqué, il n'a pas la patience, la méthode.

Un jour il demandera à Ron de prendre le relais. Ron s'investira pendant quelques mois bien au delà de l'apprentissage de l'écriture et de la lecture, il permettra au père de s'ouvrir, de communiquer plus. le père s'attachera à Ron, changera. Ron sera un peu le trait-d'union "père-fils", à la base de cette initiation filiale.

J'ai aimé ce premier roman en partie initiatique qui indirectement nous parle de l'immigration italienne, de la relation père-fils, de la honte et de la souffrance face à son analphabétisme. J'ai aimé l'écriture à la fois franche, pudique et sobre de Sébastien Ministru, retrouvant son humour.

Un premier roman empreint d'humilité, d'émotions. Un petit bijou tout simplement magnifique.

Foncez, c'est une très belle découverte.

Immense ♥♥♥♥♥
Lien : https://nathavh49.blogspot.b..
Commenter  J’apprécie          122
Tout comme je n'aime pas les bandes annonces de films qui en dévoilent trop, de même j'évite le plus souvent de lire la quatrième de couverture d'un roman de peur d'y lire : « c'est l'histoire de… ». Car j'aime être étonné, amusé, charmé, ému par surprise au fil des pages. J'aime, après en avoir lu les dernières lignes, refermer un livre avec regret, le coeur un peu gros comme lorsqu'on quitte un ami. Ce fut le cas ici avec ce roman au style fluide où la tendresse et l'amour se cachent derrière un voile de pudeur. J'espère de tout coeur que le prochain ouvrage de Sébastien Ministru s'intitulera « Apprendre à écrire » car je rêve d'avoir un jour le talent d'écrire un dialogue comme celui-ci :
– Mais à quoi ça va te servir de savoir lire ?
– A quoi ça va me servir ? Mais à lire. Peut-être que lire, ça fait mourir moins vite.
Commenter  J’apprécie          50
Le premier roman de Sébastien Ministru m'a tenue sous un charme indicible. Rien de fulgurant, ni d'étincelant, mais quelque chose comme une gourmandise dans laquelle j'ai croqué avec délices et qui me laisse pour empreinte la vibration de la tendresse.
Un très vieux monsieur d'origine sarde et son fils, Antoine, le narrateur. Encore une histoire de relations familiales compliquées, me direz-vous ! Pas tout-à-fait, vous répondrai-je derechef.
Car si effectivement l'amour et la communication ne semblent pas les caractéristiques les plus probantes de cette relation, si père et fils ne savent ni se parler, ni s'entendre, ni s'aimer, aucun des deux ne se laisse entamer par la rancoeur, ni l'amertume. le vieux se monte hargneux et tranchant, alors que son fils sacrifie un peu de son temps pour gérer l'intendance, par devoir, par soumission, par convenance. Peut-être aussi en mémoire du père qui lui était plus proche dans son enfance ?
Difficilement, par saccades, des bribes de dialogue s'engagent lors des visites d'Antoine et c'est ainsi que le vieil analphabète demande à son fils de lui apprendre à lire et à écrire. Surprise et malaise d'Antoine face à ce qu'il considère comme une exigence capricieuse et impudique ! Mais les arguments du père sont imparables. "Peut-être que lire ça fait mourir moins vite" (p.33). Peut-être que s'il avait su lire, il aurait été un meilleur père. Et comment fera-t-il si jamais, "là-haut", il faut signer quelque chose pour accéder au paradis ?
Comment résister à l'obstination d'un vieil homme de 85 ans qui, soudainement, laisse renaître le petit berger sarde, frustré d'école et de mots, qu'il fut ?
Après les premières leçons données à contrecoeur, Antoine fait appel à Ron, l'un de ses amants de passage, pour prendre la relève. Futur instituteur, le jeune homme devient insensiblement la courroie de transmission entre père et fils. le vieillard apprend à déchiffrer les mots et leur agencement et ainsi à pénétrer tardivement dans le monde de son fils, alors qu'Antoine apprend son père et, ce-faisant, il peut décrypter peu à peu les pages de sa propre vie.
Le roman joue subtilement sur la double construction du verbe "apprendre" et sur les deux versants de la relation pédagogique qu'il suggère, elle-même liée à la notion de sujet et d'objet (j'apprends à lire - je t'apprends à lire). Ainsi les rôles de père et de fils sont sans cesse renversés, bousculés, comme si ce fameux apprentissage de la lecture procédait par multiples ricochets.
L'écriture tour à tour légère, grave, ironique, donne beaucoup de rythme à la narration. Les personnages, en particulier Ron, gardent une certaine opacité jusqu'au dénouement malicieux, apaisé et mélancolique à la fois.
Oui j'ai décidément beaucoup, beaucoup aimé ce premier roman !
Commenter  J’apprécie          40
Le narrateur , Antoine, la soixantaine, directeur de presse tout sauf sympathique, a commencé à se rapprocher de son père, tout aussi rugueux que lui. Antoine a de vieux comptes à régler avec son géniteur, mais celui-ci refuse de s'expliquer. Les non-dits semblent en effet être de rigueur entre les deux hommes.
A quatre-vingts ans, le vieillard va pourtant surprendre son fils en lui réclamant d'apprendre à lire et à écrire. Analphabète à cause du refus de son propre père de l'envoyer à l'école, le Sarde d'origine va ainsi se débarrasser de son handicap et de sa douleur par l'intermédiaire d'un drôle de professeur: Ron, un escort dont Antoine a utilisé les services.
Annoncé comme ceci, ce roman semble se diriger tout droit vers deux écueils au choix: sombrer dans le sordide ou couler dans la mièvrerie. Pourtant Sébastien Ministru réussit son périlleux équilibre et parvient même à nous surprendre, voire à nous émouvoir. L'écriture est belle, riche en formules et j'ai eu un véritable coup de coeur pour ce roman qui dissimule sa tendresse sous des dehors rêches.
Commenter  J’apprécie          45
Je ne connaissais de Sébastien Ministru que les chroniques sur la première, dans lesquelles il tangue toujours entre légèreté et sincérité. Je suis passée à son premier roman après avoir lu la quatrième de couv' si intrigante : un père de 80 ans qui demande à son fils de lui apprendre à lire... la moitié de l'histoire est dans le titre ! Bien sûr, le fils va échouer dans sa mission, car s'il n'est déjà pas évident d'assister ses propres enfants dans l'apprentissage de la lecture... alors son père ! Père qui reproche. Fils qui sous-entend. Fils qui veut savoir. Père qui finit par lâcher le morceau et qui veut toujours et surtout... apprendre à lire.
Antoine, le narrateur (fils d'immigré italien gay... tiens tiens...), en couple avec Alex, n'en va pas moins voir les prostitués et tombe sur un instituteur qui fait des passes pour amasser de l'argent et réaliser son rêve. Et voilà notre maître tout trouvé.
Ce petit roman s'avale comme un quatre heures, même si le thé est parfois amer. Il traite des relations père/fils avec tous les non-dits qu'elles peuvent supposer. Nous plonge aussi dans l'intimité des couples, celui des parents avec tout le poids de la mère qui n'est plus, celui du narrateur avec son gars (à qui il ne dit pas tout... doit-on d'ailleurs tout dire ?), celui qui se fait et se défait en une heure, le temps d'une fellation avec un prostitué...
Et la volonté de ce père qui conçoit en fin de vie, que la lecture est un cadeau, lui qui caresse doucement les lettres des prospectus des grandes surfaces. Un cadeau et une porte d'entrée pour après : "Imagine... je dois signer quelque chose en arrivant devant Saint-Pierre"...
A lire à lire et à lire, nous qui avons appris !
Commenter  J’apprécie          20
Notre héros ne désire qu'une seule chose. Apprendre à lire et à écrire, car il veut pouvoir lire et signer de son nom d'éventuels papiers (administratifs ou non) lorsqu'il se retrouvera devant son Créateur. L'ancien écolier sarde fut arraché à son pupitre afin de surveiller les moutons. Durant toute sa vie, notre héros a regretté cet arrachement et à l'aube de sa vieillesse décide de combler ce gouffre qui est en lui. Pour cela, il demande à son fils, qui sait manier autant la plume que le Verbe, de l'aider. L'on peut à la fois être un bon fils et un mauvais pédagogue. Malgré de nombreuses et vaines tentatives, nos deux héros trouvent une solution peu banale. En effet, ils font appel à un futur instituteur, prostitué de son état. Nous nous retrouvons donc dans notre récit avec un trio de héros, de trois générations et de scolarités différentes. Ce triangle qui n'est pas isocèle, évolue dans un huis clos aussi bien ensemble que chacun de leur côté. Toutefois, cette interconnexion ne se fait pas sans obstacle. Ligne après ligne, lettre après lettre, notre héros sarde épèle les mots comme il respire et apprend à lire et à écrire. A la fin de sa vie, il sait vraiment qu'"Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu" et lui, il a enfin rencontré son Dieu qui a pour nom Thot ou Melpomène. Ce faisant cela, lui permettra de rédiger dans l'au-delà ses mémoires de jeune pâtre sarde.
Commenter  J’apprécie          10
Très belle découverte que ce premier roman de Sébastien Ministru que j'appréciais déjà beaucoup en tant que chroniqueur radio.
J'ai beaucoup aimé ce récit mêlant élégance, beauté et profondeur des sentiments. La plume de l'auteur est incisive et espiègle, avec de nombreuses touches d'humour caustique. J'ai également beaucoup apprécié le savoureux mélange de l'écriture à la fois franche et pudique.
Tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce roman un coup de coeur ! Vivement le prochain ...
Commenter  J’apprécie          10

Autres livres de Sébastien Ministru (1) Voir plus

Lecteurs (190) Voir plus



Quiz Voir plus

La littérature belge

Quel roman Nicolas Ancion n'a-t-il pas écrit?

Les ours n'ont pas de problèmes de parking
Nous sommes tous des playmobiles
Les Ménapiens dévalent la pente
Quatrième étage

15 questions
63 lecteurs ont répondu
Thèmes : roman , littérature belgeCréer un quiz sur ce livre

{* *}