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3,97

sur 289 notes
« C'est arrivé au cours de cet été vert et fou. Frankie avait douze ans. Elle ne faisait partie d'aucun club, ni de quoi que ce soit au monde. Elle était devenue un être sans attache, qui trainait autour des portes, et elle avait peur. (... ) Chaque après-midi, le monde avait l'air de mourir, et tout devenait immobile. Cet été-là avait fini par ressembler à un cauchemar de fièvre verte ou à une jungle obscure et silencieuse derrière une vitre. Et puis le dernier vendredi du mois d'août, tout avait changé brusquement. Si brusquement que, dans le désert de cet après-midi, Frankie ne savait plus où elle en était, et qu'elle n'arrivait toujours pas à comprendre. »

Tout a changé. Frankie entre en adolescence avec une colère et une rage quasi irrationnelles, impossibles à à canaliser, confinée dans la cuisine dans laquelle elle tourne en rond, discussions sans fin avec son petit cousin et sa bonne. Elle ne pense qu'à partir, qu'à fuir, jusqu'à l'obsession.

Ce court roman ne mise pas sur l'action à proprement parler, c'est pour mieux explorer la violence des sentiments qui tourmentent Frankie. Frankie, son prénom du 1er chapitre, celui du passé. F. Jasmine, celui qu'elle se rêve dans le 2ème chapitre, celui du présent douloureux qu'elle cherche à fuir. Puis Frances, dans le 3ème chapitre, le prénom qui va l'ouvrir au monde tel qu'elle devra l'accepter.

Ces pages ont beau avoir été écrites en 1946, tout ce qui est dit sur l'adolescence est d'une grande fraicheur, toujours actuel, universel donc : l'effroi face à ce corps qui évolue de façon anarchique, l'insoumission naturelle à l'ordre familial, la crainte de se séparer de l'enfance pour devenir quelque chose d'encore flou , ce flottement inquiétant vers une bascule dans le monde des adultes.

Court ( seulement 200 pages ) mais très dense avec en toile de fond la question raciale dans les Etats sudistes mais aussi la guerre, la Seconde guerre mondiale. L'adolescence est une guerre, oui, mais elle peut se raconter en toute simplicité, avec fluidité, bienveillance et finesse. Un très beau roman initiatique d'une grande qualité d'écriture.
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Dehors c'est la guerre, dedans, c'est presque la guerre aussi, un entre-deux douloureux.
Frankie, c'est Frances Addams, presque 13 ans, 1m70, yeux gris, elle est maigre, anguleuse, elle a grandi trop vite, elle vient de massacrer sa chevelure blonde, elle va mal.
C'est l'été, un été caniculaire dans le sud des Etats-Unis. L'air épais ralentit les activités, le temps s'immobilise, l'ambiance est moite et étouffante.
Frankie, à la veille du mariage de son frère, dont elle est très proche, ressent une intense solitude, une vraie souffrance et un désir d'ailleurs. Elle ne comprend ni le monde, ni son corps, ni le désir des hommes. Elle est colère, révolte, douleur, refus, coincée entre un présent insatisfaisant et un avenir auquel elle n'arrive pas à donner de forme.
Carson Mcculler raconte merveilleusement cet épisode de la vie vécu comme un arrachement, entre impossibilité d'agir et désir de fuir, ainsi que les tragédies qui font le destin de chacun des personnages. A travers Frankie, elle parle de condition humaine, de vie, de mort, d'incommunicabilité.
Elle raconte aussi merveilleusement le Sud, avec la question raciale d'une grande violence, que la proximité apparente des communautés dissimule mal.
Sa phrase ample se développe comme un blues, et j'adore le blues ! Comme l'air de trompette de Honey, comme la prière de Bérénice, elle reste suspendue sur une note dans une infinie tristesse. On entend les pales des ventilateurs, on ressent la lenteur nécessaire de la vie dans cette atmosphère chauffée à blanc, on partage le désespoir de Frankie.
C'est vraiment du très grand roman….
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Frankie Addams a été ma première lecture de Carson McCullers, une lecture éblouissante. En quelques lignes, on pénètre dans la lumière intense et la chaleur moite de ces états du Sud, ici la Géorgie. Ennui, langueur, grésillement des insectes contre la moustiquaire de la cuisine, fébrilité de cette jeune adolescente qu'est Frankie, élevée par son père distant et Bérénice, dont on entend, à travers les mots, la profonde voix noire.
Frankie tourne en rond dans la cuisine de Bérénice. Arpente les rues étouffantes des longues soirées d'été, rencontre un homme, mais surtout, surtout, s'interroge sur le mariage prochain de ce frère adoré qu'elle veut suivre, avec qui elle veut partir.
Il ne s'agit que de quelques jours quelque part sur terre, mais ces jours sont merveilleusement décrits.
Dans "Un Coeur de Jeune Fille", Josyane Savigneau écrit que son oeuvre "est marquée par des personnages solitaires, marginalisés, et essayant vainement de rompre avec leur isolement", et que c'est une récurrente du roman américain.
C'est en lisant le livre que j'ai découvert que L'Effrontée de Claude Miller est une adaptation - réussie - de ce roman.
Une belle oeuvre!
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J'avais été ébloui par le coeur est un chasseur solitaire et, d'un style très différent, La ballade du Café triste.
Toute l'humanité, la tendresse, la beauté extraordinaire de l'écriture de Carson McCullers sont aussi présentes dans ce roman assez court, 200 pages, qui est, à nouveau, dans mon ressenti, avec sa part de subjectivité, un chef-d'oeuvre absolu.

Comment peut-on décrire d'une façon aussi bouleversante et juste les tourments d'une pré-adolescente trop précoce, ayant grandi trop vite, et avec cette manière d'écrire si poétique. Et toujours cette admirable construction, cette fois en trois parties reflétant parfaitement le sens du récit.

C'est le portrait de Frances, dite Frankie, Addams, qui traîne ses multiples questionnements d'une enfant de 12 ans; une enfant ayant grandi trop vite, de celles « qui font plus grandes que leur âge ». Une presque adolescente rebelle, qui rêve d'un autre monde, mais qui a quand même peur du noir, au point de demander à son très jeune cousin John Henry de venir dormir dans sa chambre. Une enfant dont la mère est morte à sa naissance, et dont le père qui est horloger-bijoutier est peu présent dans la maison, et fort distant avec sa fille, ce qui explique, peut-être, les tourments et les grosses bêtises que va faire Frankie.
Le substitut de sa mère semble être Bérénice, une servante noire au grand coeur, une personnage plein de bonté et de piété, de finesse psychologique et de crédulité .

La grande affaire du roman, c'est que le frère de Frankie, Jarvis, qu'elle adore, militaire actuellement en Alaska, doit en revenir pour se marier avec Janice, que Frankie aime beaucoup aussi. Et Frankie, en mal de vivre, qui déteste la ville où elle réside, se persuade qu'elle va quitter pour toujours ces lieux pour partir à travers le monde avec Jarvis et Janice.

Mais plus que l'intrigue, ce sont toutes les idées, les sentiments de Frankie, les dialogues si émouvants et pleins d'humour avec la nounou Bérénice et le petit cousin John Henry. Et l'atmosphère de la maison où elle vit, de la ville qu'elle parcourt dans tous ses dédales, en faisant une mauvaise rencontre.
Et aussi, au passage, une description si sensible de la condition des noirs nous est donnée par les propos de Bérénice. Et tant d'autres choses, l'amour, l'amitié, la solitude, le mal de vivre. Et l'exceptionnelle beauté de l'écriture, avec notamment ses petits leitmotivs.

C'est un roman d'une portée et d'une beauté intemporelle.
En effet, bien qu'il s'agisse de l'histoire d'une jeune fille, vivant dans le Sud des Etats-Unis à l'époque de la fin de la seconde guerre, et que je sois un homme bien vieux, vivant en France, j'ai ressenti avec force toute cette période de la vie où l'on est encore un enfant dans un corps qui devient celui d'un adulte, cette période où l'on est « mal-fini », où l'on a le sentiment d'être incompris de tous, surtout des adultes.

Et en ce sens, ce roman de McCullers confirme cette idée développée par mon cher et regretté Milan Kundera, c'est le pouvoir extraordinaire de la fiction romanesque qui, plus que d'autres moyens d'expression selon Kundera, est un moyen pour nous faire appréhender la vie, la nôtre et celle des autres.
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Pendant les trois jours précédant le mariage de son grand frère militaire, sa jeune soeur de 12 ans, Frankie est perturbée...Orpheline de mère, Frankie a été élevée par son père dans une petite ville d'un état du sud et surtout par Bérénice, la femme de ménage et cuisinière noire, aux quatre maris, qui sait la recadrer quand elle part dans ses idées fantasques, où elle embarque son cousin de 6 ans, le petit John Henri éternellement pendu à ses basques. Elle cherche sa place, s'interroge sur qui elle est, sur ses aspirations, elle échafaude des projets, d'abord une fuite avec les jeunes mariés pour échapper à sa vie solitaire, mais avant tout elle veut se faire appeler F. Jasmine, persuadée que ce changement l'aidera dans sa nouvelle personnalité....Après le mariage, les désillusions et les questionnements la précipitent de nouveau dans une quête de renouveau et de fugue.

Frankie Addams est un roman d'apprentissage dans lequel la petite Frankie expérimente le mal-être, une petite fille qui se cherche, un peu solitaire faisant preuve d'une trop grande maturité. Un roman sur l'enfance, le passage à l'adolescence, la relation aux adultes, à la mort, la recherche de sa place dans la famille, la difficulté de trouver son idéal et se connecter au monde.
Il y a peu d'actions véritables mais plutôt une exploration des sentiments et des états d'âme que Carson McCullers décrit avec tact, tendresse et sans pathos.
Un roman triste et beau.
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Quel talent cette jeune Carson ! Avoir écrit à vingt ans à peine passés un bijou comme « le coeur est un chasseur solitaire », et savoir encore à près de trente ans dire l'adolescence avec tant de justesse !
Difficile de ne pas lier en esprit les deux romans tant leurs atmosphères si particulières se rejoignent, toutes en chaleur moite et frustrations lourdes, entre ruelles de village parcourues par les pas étouffés de travailleurs fatigués, de soldats en partance et champs à perte de vue qui ne mènent nulle part.
Avec Frankie Adams, nous sommes cependant beaucoup plus recentrés sur une unicité de lieu et de temps, avec très souvent la sensation d'être dans une pièce de théâtre où de longues scènes très travaillées en lumières, dialogues et mouvements se déroulent autour de la table de la cuisine ; recentrés aussi bien sûr sur un personnage, qui le temps d'un weekend se débarrasse douloureusement de sa mue (Frankie), rêve sa nature en devenir (F.Jasmine) puis devient elle-même (Frances).
Une « pièce » magistrale qui suggère plus qu'elle ne met en scène le drame sans heurts de cette zone d'inconfort entre sortie de l'enfance et passage vers l'âge adulte, incarné par une Frankie Adams de douze ans, solaire et tempétueuse, perdue entre deux mondes, larguant les amarres en s'accrochant au cou de sa nounou.
Un court roman au propos universel qui porte une petite musique profonde et délicate. Très joli.
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Ah l'adolescence ! Ma mère me disait: ''Tu ne te comprends plus''...., cela ne m'aidait pas à me sentir mieux..., mais c'était exactement ça... Avec une voix ô combien juste, Carson McCullers nous plonge dans les affres du passage de l'enfance à l'âge adulte en compagnie de Frankie Addams, une jeune fille qui voudrait être ailleurs que là où elle est, dans la cuisine de la maison de son père, avec son cousin de six ans et la cuisinière Bérénice, l'été de ses douze ans, en 1945 dans une petite ville du Sud des États-Unis. L'ennui se distille au cours de ces chaudes et longues journées, alors que Frankie se retrouve sans amie, exclue du club des grandes, mais trop grande pour ses jeux de l'été passé, en même temps que pour la première fois elle ressent son rapport à l'univers de manière métaphysique, oserais-je dire, qui suis-je, qui serai-je…, mais surtout, comment me tirer d'ici ! Elle fantasme que son frère et sa fiancée l'emmèneront avec eux, après leur mariage… C'est le premier roman que je lis de cette autrice, et je trouve qu'elle restitue avec une grande sensibilité les rêveries, les émotions à fleur de peau, l'espèce de confusion, les peurs et montagnes russes qui accompagnent cette transition délicate, qui comporte, il faut le dire, son lot de déchirements (je n'y retournerais pas)... Touché !
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Je n'ai pas été accroché par cette intrigue. J'ai arrété à peu près au tiers du roman. J'ai l'impression que les choses n'avancent pas et le point de vue de cette petite fille m'agace. M'agace également et me gène la retranscription parlée de l'accent de la domestique Noire. En fait j'ai du mal avec la littérature des états du sud des USA. Tout comme avec l'ambiance de Faukner. En fait je ne me sens pas concerné. Et pour apprécier un roman, j'ai besoin de m'identifier un minimum. Même si Carson McCullers est considérée comme une grande romancière.
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« J'écrivais des silences, des nuits, je notais l'inexprimable. Je fixais des vertiges. »….L'alchimie du verbe. ..Arthur Rimbaud. Frankie Adams… « Je voudrais faire sauter toute la ville »…
Frankie se voit Jasmine. Frankie tourne dans la ville, dans l'été, dans sa tête.
Elle vole, elle court, elle ment, elle frappe, elle fuit, elle mord, elle fugue… Frankie se rêve, Jasmine s'invente. Plus une enfant, pas une femme. Entre deux eaux Frankie sent qu'elle se noie. La ville, l'été, les rues, et cet été qui n'en finit pas. C'est une mue, une chrysalide. C'est triste, beau, cruel, glacial et brûlant. Et cette musique qui revient..dans l'été, de la nuit…On ne sait plus si c'est un début, ou une fin. Merveilleux roman. Frankie Adams : un chef d'oeuvre de Carson McCullers.

Astrid Shriqui Garain
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C'est un petit livre d'à peine 200 pages, pourtant il est d'une densité et d'une force hors du commun, pour donner vie à Frankie, 12 ans, en plein désarroi devant l'abîme ouvert devant elle : continuer simplement à vivre. Jamais oeuvre littéraire n'aura sonné aussi juste pour exprimer le malaise de la fin de l'enfance. le récit de Carson Mac Cullers a bien une portée universelle, même si le décor est planté dans le sud des Etats-Unis à la fin de la deuxième guerre mondiale. le regard de Frankie sur ce qui l'entoure n'est pas appuyé, Carson Mac Cullers ne fait pas de son personnage, un témoin de son milieu ou de son époque. Elle dépeint simplement les journées de Frankie en mettant au premier plan, ses pensées, tout ce qui se passe dans sa tête. le contexte est présent, mais avec une distance mesurée qui n'exclue pas la précision. Ainsi Frankie côtoie t-elle souvent les soldats dans la ville, ils reviennent d'Europe, du Pacifique ou vont y repartir, "la lune bleue" "l'heure paresseuse" résonnent d'une atmosphère toute cinématographique, faite d'ombres, de fumée et de mystères, c'est le monde des adultes où elle n'ose pas entrer , où elle finit par entrer sur la pointe des pieds, pour s'en échapper finalement. La société raciste du sud des États Unis n'est pas présente à travers le regard de Frankie, c'est Bérénice, l'alter ego de Mama dans "autant en emporte le vent" qui fait entrer sa réalité de femme noire américaine dans le décor familial, elle évoque l'Amérique des "Strange fruits", dénonce le racisme, l'antisémitisme, la misère, dans un jeu autour de la table où chacun fait le tableau de son monde idéal. La réalité s'inscrit dans le registre du jeu ou de l'histoire racontée, elle est bien présente mais hors de l'enfance de Frankie laquelle est bien l'objet principal du récit. C'est une enfance solitaire, qui déploie le malaise ressenti, dans toutes les couleurs et les impressions possibles, l'écriture de Mac Cullers sur ce registre est d'une très grande inventivité.Le livre est écrit à la troisième personne, pourtant le lecteur est submergé par les états d'âme de Frankie, qui exprime directement ses angoisses. Elle rejette son quotidien et se projette dans un départ définitif , sans retour. Dans le registre du rêve de Frankie, au-delà de son prénom qu'elle change dans sa tête, au delà du mariage du frère, obcessionnel, l'auteure met dans ses pas les dangers potentiels auxquels ses errances peuvent mener, l' écriture de Mac Cullers se déploie alors sans pathos, en équilibre sur un fil, figurant l'équilibre périlleux dans lequel se tient son personnage. Elle mène le lecteur jusqu'à la fin du rêve: le mariage du frère est un fiasco pour Frankie, sa fugue est ratée, tout doucement, l'auteur figure la fin de l'enfance chez son personnage par des évènements qui lui sont extérieurs: le départ de Bérénice, la mort du petit cousin, Frankie elle, va pouvoir continuer à vivre, elle a franchi la frontière de l'enfance.
Un texte magnifique.
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